La Voisine Idéale

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La Voisine Idéale
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la voisine idéale
(roman de suspense psychologique avec Jessie Hunt, tome 9)
b l a k e p i e r c e
Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend dix-sept volumes (pour l’instant). Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant quatorze volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant six volumes ; et de la série mystère KERI LOCKE, comprenant cinq volumes ; de la série mystère LES ORIGINES DE RILEY PAIGE, comprenant six volumes (pour l’instant), de la série mystère KATE WISE comprenant sept volumes (pour l’instant) et de la série de mystère et suspense psychologique CHLOE FINE, comprenant six volumes (pour l’instant) ; de la série de suspense psychologique JESSIE HUNT, comprenant sept volumes (pour l’instant), ; de la série de mystère et suspense psychologique LA FILLE AU PAIR, comprenant deux volumes (pour l’instant) ; et de la série de mystère ZOÉ PRIME, comprenant trois volumes (pour l’instant) ; de la nouvelle série de mystère ADÈLE SHARP et de la nouvelle série mystère VOYAGE EUROPÉEN.

Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com afin d’en apprendre davantage et de rester en contact.


Copyright © 2020 by Blake Pierce. Tous droits réservés. Sauf autorisation selon Copyright Act de 1976 des U.S.A., cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise par quelque moyen que ce soit, stockée sur une base de données ou stockage de données sans permission préalable de l'auteur. Cet ebook est destiné à un usage strictement personnel. Cet ebook ne peut être vendu ou cédé à des tiers. Vous souhaitez partager ce livre avec un tiers, nous vous remercions d'en acheter un exemplaire. Vous lisez ce livre sans l'avoir acheté, ce livre n'a pas été acheté pour votre propre utilisation, retournez-le et acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, personnages, sociétés, organisations, lieux, évènements ou incidents sont issus de l'imagination de l'auteur et/ou utilisés en tant que fiction. Toute ressemblance avec des personnes actuelles, vivantes ou décédées, serait purement fortuite. Photo de couverture Copyright GeorgeMayer sous licence Shutterstock.com.

LIVRES PAR BLAKE PIERCE

LES MYSTÈRES DE ADÈLE SHARP

LAISSÈ POUR MORT (Volume 1)

CONDAMNÈ À FUIR (Volume 2)

CONDAMNÈ À SE CACHER (Volume 3)

CONDAMNÉ À TUER (Volume 4)

LA FILLE AU PAIR

PRESQUE DISPARUE (Livre 1)

PRESQUE PERDUE (Livre 2)

PRESQUE MORTE (Livre 3)

LES MYSTÈRES DE ZOE PRIME

LE VISAGE DE LA MORT (Tome 1)

LE VISAGE DU MEURTRE (Tome 2)

LE VISAGE DE LA PEUR (Tome 3)

LE VISAGE DE LA FOLIE (Tome 4)

SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT

LA FEMME PARFAITE (Volume 1)

LE QUARTIER IDÉAL (Volume 2)

LA MAISON IDÉALE (Volume 3)

LE SOURIRE IDÉALE (Volume 4)

LE MENSONGE IDÉALE (Volume 5)

LE LOOK IDÉAL (Volume 6)

LA LIAISON IDÉALE (Volume 7)

L’ALIBI IDÉAL (Volume 8)

LA VOISINE IDÉALE (Volume 9)

SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE

LA MAISON D’À CÔTÉ (Volume 1)

LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2)

VOIE SANS ISSUE (Volume 3)

LE VOISIN SILENCIEUX (Volume 4)

DE RETOUR À LA MAISON (Volume 5)

VITRES TEINTÉES (Volume 6)

SÉRIE MYSTÈRE KATE WISE

SI ELLE SAVAIT (Volume 1)

SI ELLE VOYAIT (Volume 2)

SI ELLE COURAIT (Volume 3)

SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4)

SI ELLE S’ENFUYAIT (Volume 5)

SI ELLE CRAIGNAIT (Volume 6)

SI ELLE ENTENDAIT (Volume 7)

LES ORIGINES DE RILEY PAIGE

SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)

ATTENDRE (Tome 2)

PIEGE MORTEL (Tome 3)

ESCAPADE MEURTRIERE (Tome 4)

LA TRAQUE (Tome 5)

SOUS HAUTE TENSION (Tome 6)

LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

RÉACTION EN CHAÎNE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA À LA CHASSE (Tome 5)

À VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FÉRIR (Tome 9)

À TOUT JAMAIS (Tome 10)

LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)

LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)

PIÉGÉE (Tome 13)

LE RÉVEIL (Tome 14)

BANNI (Tome 15)

MANQUE (Tome 16)

CHOISI (Tome 17)

UNE NOUVELLE DE LA SÉRIE RILEY PAIGE
RÉSOLU

SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)

AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)

AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)

AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)

AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)

AVANT QU’IL NE FAILLISSE (Volume 11)

AVANT QU’IL NE JALOUSE (Volume 12)

AVANT QU’IL NE HARCÈLE (Volume 13)

AVANT QU’IL NE BLESSE (Volume 14)

LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)

RAISON DE SAUVER (Tome 5)

RAISON DE REDOUTER (Tome 6)

LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)

DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)

L’OMBRE DU MAL (Tome 3)

JEUX MACABRES (Tome 4)

LUEUR D’ESPOIR (Tome 5)

CHAPITRE PREMIER

Elle ne voulait pas être trop curieuse.

Du moins, c’est ce que Priscilla Barton se disait en marchant sur le Strand de Manhattan Beach une bouteille de Sauvignon Blanc en main.

D’habitude, Prissy, comme elle préférait qu’on l’appelle, accueillait toutes les nouvelles voisines dans le quartier. Prissy et Garth, son mari, avaient séjourné dans leur manoir de Palm Springs pendant la plus grande partie de la semaine dernière et avaient dû manquer les nouveaux arrivants. Depuis que les Barton étaient revenus en ville, Prissy avait parfois vu une silhouette bouger derrière les stores toujours tirés du manoir voisin, mais elle n’avait jamais vu personne entrer ou sortir.

De toute façon, ces temps-ci, il était difficile de rester au courant de ce qui se passait. Dans cette ville cossue construite le long de la plage, une très grande proportion des voisins des Barton passaient l’essentiel de l’été à voyager. Donc, il était difficile de savoir qui était en vacances et encore plus de savoir qui avait loué une maison ou proposé la sienne en location.

Prissy savait que les propriétaires de la maison d’à côté étaient un agent de Hollywood et son épouse, qui gérait une sorte de fonds de bourses d’études pour les jeunes en difficulté. Cependant, ces gens n’étaient pas particulièrement amicaux et ils s’absentaient pendant de longues périodes de l’année. En fait, elle avait entendu une autre voisine dire qu’ils ne rentreraient pas avant le mois d’août. Comme cela faisait des semaines qu’elle ne les avait pas vus, la personne qu’elle avait vue devait être une locataire.

Quand Prissy approcha de la porte d’entrée, elle sentit un frisson de nervosité. Et si l’agent avait prêté sa maison à un client, peut-être à une célébrité ? Ce ne serait pas inhabituel. Des quantités de célébrités habitaient ici ou y venaient en vacances. Elle les repérait souvent parce qu’ils portaient des casquettes de base-ball, des lunettes de soleil et des vêtements élimés. C’était en quelque sorte leur uniforme.

De plus, ils levaient rarement les yeux. Si elle voyait une personne qui ressemblait presque à un SDF, se cachait le visage et refusait de croiser le regard d’autrui, il y avait de fortes chances pour que ce soit une célébrité. Bien sûr, elle avait appris à la dure que, parfois, c’était bien un SDF. Donc, elle les approchait avec plus de prudence qu’à l’époque où elle avait emménagé.

Pour Prissy, la richesse n’était pas une inconnue. Depuis les neuf dernières années, elle était mariée à Garth Barton, qui était un cadre extrêmement prospère chez Sharp Kimsey, une société pétrolière et gazière internationale. Jusqu’à l’année dernière, ils avaient habité dans le quartier historique de Hancock Park, pas loin de tous les gratte-ciel étincelants du centre de Los Angeles.

Cependant, Prissy, qui avait grandi dans la pauvreté et la sueur à Catahoula, en Louisiane, s’était lassée de la chaleur estivale étouffante du centre de Los Angeles et avait exigé qu’ils déménagent sur le bord de mer, où la température était habituellement inférieure d’entre huit et onze degrés. Cependant, habiter à la plage ne signifiait pas qu’on était bien accueilli par les habitants du coin. Prissy devait encore se faire accepter.

Elle aimait se dire que c’était parce que ces gens-là étaient des insulaires, des gens distants qui n’aimaient pas les nouveaux arrivants. En fait, ce n’était pas entièrement faux. Toutefois, en son for intérieur, elle savait que c’était beaucoup plus lié à sa personnalité parfois avide de reconnaissance sociale, celle qu’elle essayait de cacher mais qui semblait toujours refaire surface aux moments les plus inopportuns.

 

Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Ce personnage agressif l’avait aidée à échapper au bayou par tous les moyens pour aller à l’université d’État de Louisiane, où elle avait rencontré ce garçon charmant de la Nouvelle-Orléans qui voulait devenir le maître de l’univers.

Après avoir obtenu ses diplômes et s’être marié, Garth avait décroché un emploi chez Sharp Kimsey et ils s’étaient installés à Metairie, près des bureaux de l’entreprise de la Nouvelle-Orléans. Deux ans plus tard, ils avaient été transférés à Houston puis, quatre ans après, à Los Angeles. Ils y étaient depuis trois ans et Prissy adorait ça.

Elle adorait le glamour de cette ville. Elle adorait sa maladresse décomplexée. Elle adorait les femmes trop maigres qui portaient leurs chiens trop petits dans des sacs à mains trop petits. Elle voulait en faire partie, même si ses tentatives lui donnaient un air un peu désespéré. C’était pour cela qu’elle se tenait actuellement à la porte de sa voisine avec une bouteille de vin et un grand sourire au visage : elle voulait participer à la vie locale.

Elle se retourna vers le Strand, sentier cimenté pour piétons souvent assez proche de beaucoup de maisons des villes de Manhattan Beach et de Hermosa Beach pour que les livreurs de journaux y livrent leurs quotidiens en les y jetant nonchalamment. L’endroit était étonnamment désert en cette fin d’après-midi, ce qui signifiait qu’il n’y avait personne pour juger la curiosité de Prissy.

Prissy se contempla dans le verre épais et chatoyant de la porte. Elle se trouva belle. À trente-et-un ans, elle avait encore le corps dynamique dont elle avait besoin, savait-elle, pour que Garth ne regarde pas ailleurs. Tout son yoga, son Pilates et ses séances d’entraînement énergiques à la plage avaient porté leurs fruits et lui avaient permis de rester musclée à tous les endroits qu’il fallait. Elle portait ses cheveux teints en blond autour des épaules et, même si la soirée commençait juste, elle prenait la chaleur comme prétexte pour porter un soutien-gorge de sport et un pantalon de yoga à taille haute. Elle était tout à fait sûre qu’elle ferait bonne impression, que la nouvelle résidente soit célèbre ou pas.

Prissy sonna à la porte mais n’entendit rien. La sonnette devait être en panne. Elle frappa à la porte et attendit. Pas de réponse. Elle réessaya et n’obtint pas plus de réponse qu’avant. Elle envisagea de renoncer à sa visite et se demandait s’il fallait qu’elle pose le vin sur le paillasson, mais elle n’avait pas emmené de carte et elle ne voulait pas laisser la bouteille sans que le destinataire sache qui lui avait offert ce cadeau. Donc, elle essaya une dernière fois. Si personne ne répondait, elle reviendrait plus tard. Elle frappa fort à la porte avec le côté mou du poing. À sa grande surprise, la porte s’ouvrit légèrement vers l’intérieur.

– Il y a quelqu’un ? appela-t-elle fort mais avec hésitation.

Il n’y eut aucune réponse. Déconcertée parce qu’elle venait de trouver une maison à plusieurs millions de dollars sans protection, elle poussa un peu plus la porte.

– Bonjour ! C’est votre voisine ! Appela-t-elle.

Dans le vestibule, elle chercha de quoi écrire de façon à dire au résident que c’était elle qui avait emmené le vin. Si elle laissait la bouteille à l’intérieur sans message, ce cadeau anonyme priverait sa démarche de tout sens. Comme elle ne voyait rien, elle ferma la porte derrière elle et entra plus loin dans la maison.

– Il y a quelqu’un ? Je jure que je ne suis pas venue dévaliser votre maison. J’ai apporté un cadeau de bienvenue. Je vais le laisser dans la cuisine.

Du hall immense, elle partit dans la direction qui, supposait-elle, devait être celle de la cuisine. Elle se sentait légèrement nerveuse. Après tout, elle pénétrait illégalement dans une propriété privée. S’il y avait quelqu’un à la maison et si cette personne n’avait pas répondu parce qu’elle était sous la douche ou avait des écouteurs aux oreilles, elle aurait le droit de réagir négativement en voyant un intrus se promener chez elle. Toutefois, Prissy trouvait que cette exploration illégale lui apportait aussi un frisson délicieux.

Elle atteignit la cuisine sans avoir rencontré qui que ce soit. Toutes les lumières de la maison étaient éteintes, ce qui lui donnait l’impression que le résident était parti et avait juste oublié de fermer à clé ou même de fermer correctement la porte. Elle plaça le vin sur l’îlot de la cuisine, trouva un stylo et écrivit un bref message sur un Post-it posé à côté. Enfin, elle colla le message sur le devant de la bouteille.

Légèrement déçue, elle commença à repartir dans le hall, mais la curiosité reprit le dessus. Quand elle atteignit l’entrée d’un grand salon, elle ne put s’empêcher d’y aller et de s’émerveiller de la beauté de l’endroit, qui semblait avoir été prélevé au Cap Cod et transporté directement ici.

Alors qu’elle envisageait de sortir son téléphone pour prendre quelques photos et voler des idées de design pour sa propre maison, elle entendit un bruissement dans le coin de la pièce. Quand elle regarda, elle vit que le son venait de derrière une grande plante. L’espace d’un instant, Prissy pensa qu’elle avait effrayé un animal domestique qui se cachait pour se protéger.

Cependant, soudain, en un mouvement brusque, un homme jaillit de derrière la plante et courut vers elle avec un air violemment intense au visage. Prissy sentit un accès inattendu de terreur s’emparer d’elle. Elle voulut crier, mais sa gorge venait de s’assécher complètement. L’homme lui fonçait droit dessus. Elle finit par s’arracher à sa stupéfaction quand elle entendit sa respiration lourde et rapide.

Elle courut dans le long hall, vers la porte d’entrée. Cependant, il était difficile de courir quand on portait des sandales de plage et, au bout de seulement quelques pas, elle perdit l’équilibre et tomba au sol. Elle se releva comme elle put, avec une sandale en moins. Le son de pas lourds qu’elle entendit derrière elle envoya une poussée d’adrénaline à son corps tout entier.

Alors qu’elle tendait la main vers le bouton de porte, elle sentit quelqu’un la pousser brutalement contre la porte. À cause de cette poussée et de son élan, elle se heurta violemment à la porte et retomba au sol en haletant. Avant d’avoir pu se relever, elle sentit qu’on lui passait quelque chose autour du cou.

Elle essaya de glisser les doigts dessous, mais elle n’arrivait pas à trouver de point d’appui et l’homme serrait fort tout en la tirant dans le hall, loin de la porte. Elle s’effondra sur lui. Ils tombèrent violemment au sol tous les deux, mais il ne lâcha pas son étreinte.

Déroutée par sa poussée d’adrénaline, son manque d’air suite à la chute et, maintenant, son étouffement, Prissy sentit hurler son corps tout entier, même s’il ne pouvait pas le faire à voix haute. Elle envoya un coup de coudes vers le bas en essayant de frapper son attaquant aux côtes assez longtemps pour qu’il relâche son étreinte, mais elle sentait qu’elle commençait à perdre conscience et savait que ses coups n’avaient pas grand effet.

Je ne peux pas mourir comme ça !

Quand cette pensée lui vint en tête, des points de lumière commencèrent à envahir sa vision. Cette pensée l’effraya tellement qu’elle effectua une dernière tentative désespérée pour se dégager mais, à ce stade, il était beaucoup trop tard.

CHAPITRE DEUX

Jessie Hunt se leva de la table de la cuisine sans grimacer de façon visible.

Elle récupéra les assiettes de tout le monde et se rendit à l’évier pour les rincer. Comme c’était elle qui, dans le groupe, faisait le moins bien la cuisine, elle avait échappé à la préparation du dîner, mais cela signifiait qu’elle était le lave-vaisselle officiel. En temps normal, c’était un échange honnête mais, depuis ses dernières blessures, elle avait du mal à se pencher sur l’évier et, quand elle mettait les assiettes dans le lave-vaisselle, elle pleurait souvent en silence.

Elle sentait encore une piqûre à l’endroit où la peau de son dos avait été brûlée trois semaines auparavant, mais elle réussit à ne pas le montrer. Ni Ryan, son petit-ami, ni sa demi-sœur, Hannah, ne semblèrent remarquer qu’elle souffrait encore énormément.

Elle avait subi ces brûlures en arrachant une femme à un homme perturbé qui l’avait enlevée et relâchée intentionnellement quelques jours plus tard avec pour seule intention de revenir chez elle pour la tuer. Jessie et la femme avaient tout juste réussi à échapper à l’incendie de la maison. Depuis, Jessie avait été mise en congé maladie par la police de Los Angeles. D’abord, elle avait été confinée à l’hôpital et, maintenant, elle l’était dans son propre appartement.

Elle savait que ce n’était pas une fatalité. Elle avait des quantités d’antalgiques. Le docteur lui avait ordonné de ne pas baisser la posologie pendant un mois, mais elle avait commencé à se sevrer de ses médicaments une semaine auparavant, en partie parce qu’elle avait peur d’en devenir dépendante et en partie pour une autre raison. Elle avait besoin de rester alerte.

Un jour après avoir été brûlée, pendant qu’elle se remettait à l’hôpital, son ex-mari, Kyle Voss, avait été libéré de prison. C’était le même ex-mari que celui qui avait été incarcéré pour le meurtre de sa maîtresse et pour avoir essayé de faire accuser Jessie pour ce crime, après quoi, quand elle avait découvert la supercherie, il avait tenté de l’assassiner.

Et pourtant, d’une façon ou d’une autre, le procureur de l’affaire de Kyle avait récemment avoué qu’il s’était comporté de manière injuste en trafiquant des preuves. Bien sûr, Jessie savait comment cela s’était passé. En prison, Kyle était devenu ami avec un gang associé à l’infâme cartel de la drogue Monzon. Par la suite, des membres du cartel avaient menacé la famille du procureur. Jessie en était sûre. Jack Dolan, son ami et agent du FBI, en était tout aussi certain. Malheureusement, ils ne pouvaient pas le prouver.

Donc, pendant que Jessie se remettait de ses brûlures dans un lit d’hôpital, un juge avait relâché Kyle Voss et lui avait même présenté ses excuses au tribunal. Ce jour-là, Kyle avait été aussi charmant que d’habitude. Il avait organisé une conférence de presse où il avait admis être « tout sauf parfait » et où il avait dit qu’il comptait recommencer à zéro, notamment en créant une fondation pour financer des organisations caritatives qui aidaient les prisonniers victimes de fausses accusations à se réinsérer dans la société.

Ce que Kyle n’avait pas admis, que Jessie savait mais qu’elle ne pouvait pas prouver, c’était que, pendant qu’il était en prison, il avait lancé une campagne de destruction de la vie de Jessie et de sa réputation. Cela avait commencé par de petites choses, comme demander à un membre du cartel de crever les pneus de sa voiture. Après, ils étaient passés à la vitesse supérieure en plaçant des médicaments anti-psychotiques dans la voiture de Ryan, en appelant anonymement les services sociaux pour déclarer que Jessie maltraitait Hannah, qu’elle avait en garde, et en piratant son compte de médias sociaux pour y placer des diatribes racistes et anti-sémites. Même s’ils avaient démasqué cette dernière manœuvre, elle avait encore des conséquences durables sur les relations professionnelles de Jessie et sur la perception de sa personne par le public.

Le point culminant avait été atteint quand une composition florale anonyme avait été envoyée à la chambre d’hôpital de Jessie avec un message qui disait que celui qui l’offrait la reverrait bientôt. Comme Kyle avait déjà essayé de la tuer et avait dit à un informateur infiltré en prison qu’il voulait « l’éventrer comme une truie et se baigner dans son sang chaud », Jessie avait décidé qu’il valait la peine de prendre un peu moins d’antalgiques si cela l’aidait à rester vigilante.

Heureusement pour elle, son petit copain, qui avait récemment emménagé chez elle et Hannah, était un agent de la police de Los Angeles décoré qui semblait capable d’affronter un taureau en furie dans le cadre d’une compétition de lutte. Ryan Hernandez, le principal enquêteur de la SSH, la Section Spéciale Homicide de la police de Los Angeles, mesurait un mètre quatre-vingt-deux et pesait quatre-vingt-dix kilos sans graisse. Jessie avait parfois l’impression de sortir avec son garde du corps personnel, même si ce n’était pas le cas maintenant.

– Ça va ? demanda-t-elle quand il alla s’asseoir sur le sofa et s’y allongea en posant ses pieds nus sur l’accoudoir.

– Très bien, dit-il.

Alors, il décida de la taquiner.

– Tu leur mets assez de liquide vaisselle, à ces plats ?

– Tu te rendras vite compte de la quantité de liquide vaisselle que j’utilise si tu ne retires pas tes pieds puants de mon sofa.

 

Il obéit sans dire un mot, mais lui tira la langue. Elle essaya de ne pas sourire.

En plus d’avoir cet homme fort comme compagnie, elle se sentait aussi rassurée parce que son appartement était en grande partie un bunker. Il avait été conçu de la sorte quand elle avait été pourchassée par son propre père biologique, un tueur en série du nom de Xander Thurman, qui avait décidé qu’elle marcherait dans les pas de son père ou en deviendrait la prochaine victime.

Donc, elle avait emménagé à un endroit où des policiers à la retraite servaient de vigiles, où le parking était fermé et surveillé 24 heures sur 24 et 7 heures sur 7 et où des caméras de sécurité avaient été installées dans tous les halls et dans tous les espaces publics, mais ce n’était que le début.

Elle était un des quelques résidents, tous dotés de professions très en vue, qui habitaient au treizième étage, l’étage secret dont presque aucun des résidents de l’immeuble ne connaissait l’existence. On ne pouvait y accéder que par les escaliers venant des douzième et quatorzième étages et dont les portes étaient cachées derrière des placards de service.

En plus de tout ça, Jessie avait installé son propre système de sécurité élaboré pour l’appartement, comprenant plusieurs serrures et alarmes. Le seul avantage d’avoir été l’épouse d’un conseiller financier assassin mais riche et accompli, c’était que, quand elle avait divorcé de lui, elle était devenue non seulement indépendante mais également riche elle-même.

En dépit de toutes ces précautions, elle savait que Kyle, un sociopathe qui l’avait trompée pendant dix ans, était rusé et impitoyable. Il avait presque réussi à tuer sans se faire arrêter. Il avait réussi à échapper à une peine de prison prolongée par la négociation. Elle n’allait pas sous-estimer sa capacité à contourner ses mesures de sécurité.

– Tu es prête pour le dessert ? lui demanda Hannah de la table, remmenant Jessie au moment présent pendant qu’elle rinçait les derniers plats. J’ai préparé des tartelettes aux poires.

Jessie n’avait plus faim mais ne voulait pas fragiliser encore plus l’ambiance positive de cette soirée.

– Je suis pleine à craquer, mais je pourrais essayer une petite tartelette, dit-elle en obtenant un sourire satisfait de la part de sa demi-sœur.

Ces jours-ci, tous les sourires qu’elle pouvait obtenir étaient autant de victoires. Même si, dans son appartement, tout paraissait agréable, il y avait incontestablement une tension tout juste palpable. Quand Ryan avait envisagé de vivre avec Jessie et de lui en parler, il avait d’abord demandé la permission à Hannah. Même s’il avait ainsi fait preuve de considération, Jessie sentait que Hannah avait consenti plus par politesse que par enthousiasme sincère.

Il était clair que Hannah voulait que Jessie soit heureuse, mais il était tout aussi évident qu’elle n’adorait pas l’idée de partager un appartement à deux chambres avec un couple amoureux, particulièrement parce que ces deux-là étaient tous deux membres de la police.

Alors que Jessie réfléchissait à ce problème, Hannah approcha, sortit les tartelettes du four et, sans un mot, posa la plus petite, qui était aussi un peu brûlée, sur le plan de travail mouillé à côté de Jessie.

– Bon appétit, marmonna-t-elle.

– Merci, dit Jessie en décidant de mettre l’accent sur le cadeau plutôt que sur la manière dont il était offert.

Parfois, la légère rancœur de Hannah s’exprimait sous la forme de remarques adolescentes passives-agressives ou, dans ce cas, de tartelettes aux poires brûlées. Parfois, elle se manifestait par un silence renfrogné. Ce n’était pas constant, mais cela se produisait assez souvent pour être visible. Ses yeux verts se faisaient ombrageux, son grand corps prenait une posture voûtée et ses cheveux blond roux se retrouvaient soudain attachés en une queue de cheval austère et dédaigneuse.

Les circonstances n’étaient pas non plus idéales pour Jessie et Ryan. Aucun des deux ne sentait qu’il pouvait se laisser aller sur le plan amoureux quand une fille de dix-sept ans était présente dans une chambre située juste de l’autre côté du salon. Cela faisait moins d’un mois qu’ils vivaient ensemble comme cela, mais il devenait déjà clair qu’une conversation sur l’avenir de leur vie commune allait s’avérer inévitable.

– Avec toute la sécurité que tu as ici, nous pourrions peut-être investir dans l’isolation sonore de la chambre.

C’était le seul trait d’humour que Ryan avait formulé sur ce sujet. Ensuite, il y avait l’autre question, celle qui les concernait tous. Hannah Dorsey était-elle stable ? Jessie avait récemment décidé d’assurer la garde de la demi-sœur dont elle n’avait découvert l’existence que lorsque son père tueur en série avait assassiné les parents adoptifs de Hannah. Ensuite, un autre tueur du nom de Bolton Crutchfield avait massacré ses parents adoptifs, kidnappé Hannah et tenté de l’endoctriner pour qu’elle devienne comme lui. Cela exigeait beaucoup de résilience pour qui que ce soit, surtout pour une jeune lycéenne.

– Fais attention avec ce couteau, je te prie, dit-elle quand Hannah s’en servit imprudemment pour détacher les tartelettes restantes du papier cuisson qui couvrait le plateau.

– Merci, maman, marmonna Hannah à voix basse tout en continuant d’utiliser la lame en acier comme brosse à récurer.

Jessie soupira sans répondre. Voir sa demi-sœur tenir un long couteau-scie était déconcertant. Alors qu’elle essayait de lui créer un environnement sûr, Jessie craignait qu’un résidu de pulsions homicides n’ait été implanté dans cette fille. Avait-elle secrètement acquis une soif de sang après avoir découvert la puissance cruelle que la violence offrait à ceux qui s’y adonnaient ? Est-ce qu’un gène d’instinct meurtrier avait d’une façon ou d’une autre été transmis du père à la fille ? Enfin, si tel était le cas, est-ce que Jessie l’avait aussi ?

C’était une question sur laquelle elle avait ruminé pendant des mois. Elle l’avait soumise à la thérapeute, la docteure Janice Lemmon, qui avait aussi examiné Hannah. C’était une question qu’elle avait même posée à son mentor, le célèbre profileur criminel Garland Moses, mais personne ne pouvait fournir de conclusion définitive sur la nature de Hannah, tout comme Jessie semblait incapable de fournir une réponse certaine sur son propre caractère.

La plupart du temps, Hannah ressemblait à une adolescente ordinaire avec toutes ses humeurs et réactions hormonales prévisibles mais, vu les traumatismes qu’elle avait subis dans les derniers mois, parfois, même la « normalité » paraissait louche.

Jessie secoua la tête en essayant de se débarrasser de ces pensées. Pour l’instant, les choses se passaient assez bien. Sa sœur avait fait le dessert, même si elle lui avait donné la tartelette brûlée. Tout le monde était gentil. Jessie était supposée repartir exécuter des tâches administratives la semaine prochaine et espérait reprendre ses fonctions complètes de profileuse criminelle la semaine d’après. Les choses progressaient.

Certes, c’était frustrant de regarder Ryan partir tous les matins pour aller au Poste Central de la Police de Los Angeles, où ils travaillaient tous les deux, mais elle le rejoindrait bientôt. Alors, elle pourrait retrouver le monde qu’elle aimait, où elle parvenait à attraper les tueurs en plongeant dans leur esprit.

Pendant une demi-seconde, la nature troublante de son amour pour ce monde l’obséda, mais elle digéra vite cette inquiétude avec une bouchée de l’excellente tartelette aux poires de Hannah. Même légèrement brûlée, elle était délicieuse. Alors qu’ils finissaient tous le dessert, le téléphone portable de Ryan sonna. Même avant qu’il ne regarde l’écran, tout le monde avait compris de quoi il s’agissait. À cette heure-là, c’était presque certainement une affaire.

– Allô ? répondit Ryan.

Il écouta silencieusement pendant presque une minute. Jessie distinguait à peine la voix qui venait de l’autre bout de la ligne mais, vu son élocution rauque et nonchalante, elle était sûre de savoir qui c’était.

– Garland ? demanda-t-elle quand Ryan raccrocha.

– Ouais, dit-il en hochant la tête et en se levant pour commencer à rassembler ses affaires. Il s’occupe d’une affaire à Manhattan Beach et il pense qu’elle correspond au profil de la SSH. Il veut que je l’aide.

– Manhattan Beach ? insista Jessie. C’est un peu hors de notre juridiction, n’est-ce pas ?

– Apparemment, le mari de la victime est un cadre important de l’industrie pétrolière. Il a entendu parler de Garland et a demandé qu’il s’occupe de l’affaire. Comme le mari de la victime est censé être un gros con, les policiers du coin acceptent volontiers de laisser la police de Los Angeles s’occuper de cette affaire.