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Henri VI. 1

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SCÈNE II

Devant les murs de Bordeaux


Entre

 TALBOT,

suivi de trompettes et de tambours

TALBOT. – Trompette, avance aux portes de Bordeaux, et somme le gouverneur de paraître sur le rempart. (

La trompette sonne. – Le gouverneur paraît sur les murs

.) Capitaines, Jean Talbot d'Angleterre, homme d'armes et vassal de Henri, roi d'Angleterre, vous appelle sous vos murs et vous dit: Ouvrez les portes de votre ville; rendez-vous à nous; reconnaissez mon souverain pour le vôtre, rendez-lui hommage en sujets soumis, et alors je me retire avec ces troupes qui vous menacent. Mais si vous dédaignez la paix que je vous propose, vous tentez les trois fléaux qui suivent mes pas: la famine amaigrie, le fer tranchant et le feu dévorant. Ces trois monstres abaisseront bientôt au niveau du sol vos hautes et orgueilleuses tours, si vous repoussez l'offre de notre amitié.



LE GOUVERNEUR. – Hibou funeste et redouté, qui annonces la mort, effroi et fléau sanguinaire de notre nation, le terme de ta tyrannie est proche: tu ne peux entrer dans notre ville que par les portes du trépas. Je t'annonce que nous sommes bien fortifiés, et assez forts pour sortir de nos murs et te combattre. Si tu te retires, le dauphin, bien accompagné, t'attend pour t'envelopper dans les piéges de la guerre. De tous côtés, autour de toi, sont postés des escadrons pour t'ôter la liberté de fuir; tu ne peux tourner tes pas vers aucun asile que tu ne rencontres partout la mort en face, sûre de sa conquête: partout la pâle destruction t'environne. Dix mille Français ont fait serment de ne pointer leurs canons homicides contre nulle autre tête de chrétien que celle de l'Anglais Talbot. Ainsi, tu es là maintenant plein de vie, héros d'un courage indomptable et invaincu; mais ces paroles que je t'adresse, moi ton ennemi, sont les dernières louanges de ta gloire que tu doives entendre, car avant que ce sable qui commence à couler ait comblé la mesure de cette heure, mes yeux qui te voient en cet instant plein de santé te verront sanglant, pâle et mort. (

On entend des tambours au loin

.) Écoute, écoute; les tambours du dauphin, de leurs sons prophétiques, font entendre à ton âme effrayée une musique sinistre: les miens vont leur répondre et annoncer ta ruine prochaine.



(Le gouverneur s'en va.)

TALBOT. – Il ne ment point; j'entends l'ennemi. – Holà! quelques cavaliers des mieux montés pour aller reconnaître leurs ailes. – O molle et imprudente discipline! Comment arrive-t-il que nous soyons enfermés et cernés ici de toutes parts? Un petit troupeau de timides daims anglais, qu'environnent une meute de chiens français avides de proie! Eh bien, si nous sommes des daims anglais, plongeons-nous dans le sang: n'allons pas succomber honteusement sous les premiers coups comme un daim affaibli; mais plutôt, tels que des cerfs enragés et au désespoir, retournons contre ces chiens ensanglantés nos redoutables pieds d'airain et forçons ces lâches à se tenir au loin, aboyant autour de nous. Mes amis, que chacun vende sa vie aussi cher que je vendrai la mienne, et ils payeront cher notre chair

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  Toujours le jeu de mots entre

deer

, daim, et

dear

, cher, qu'on rend ici par un équivalent qui s'y adapte presque partout.



. Dieu et saint George! Talbot et le bon droit de l'Angleterre! Que nos drapeaux prospèrent dans ce périlleux combat!



(Ils sortent.)

SCÈNE III

La scène se passe dans les plaines de la Gascogne


Entre

 UN MESSAGER

qui va au-devant

 D'YORK,

à la tête d'une troupe que précèdent des trompettes

YORK. – Les agiles espions envoyés pour reconnaître les forces du dauphin sont-ils de retour?



LE MESSAGER. – Oui, milord, et ils annoncent que le dauphin marche vers Bordeaux avec son armée pour combattre Talbot. Ils ont vu encore deux troupes de soldats plus fortes que l'armée du dauphin le joindre sur son passage et marcher avec lui vers Bordeaux.



YORK. – Malédiction sur cet odieux Somerset, qui tarde si longtemps à m'envoyer le renfort promis d'un corps de cavalerie, levé exprès pour ce siége! L'illustre Talbot attend mes secours, et je suis joué par un traître, et ne puis secourir ce brave chevalier; que Dieu l'assiste dans sa détresse! S'il échoue, adieu les guerres en France.



(Entre sir William Lucy.)

LUCY. – O vous, le premier commandant des forces de l'Angleterre, jamais vous ne fûtes si nécessaire sur le territoire de France! volez au secours du noble Talbot, qui en ce moment est environné d'une ceinture de fer et assiégé de toutes parts par la hideuse destruction. A Bordeaux, vaillant duc; à Bordeaux, York! ou c'en est fait de Talbot, de la France et de l'honneur de l'Angleterre.



YORK. – O Dieu! Si Somerset, dont l'orgueil jaloux retient ma cavalerie, était à la place de Talbot! Nous sauverions un brave guerrier, au prix de la perte d'un lâche et d'un traître. Oui, je pleure de rage et de désespoir, de voir que nous périssons, tandis que des traîtres dorment en repos.



LUCY. – Oh! envoyez quelque secours à ce brave lord en danger.



YORK. – Talbot périt! Nous perdons tout: je manque à ma parole de soldat. Nous pleurons; la France sourit: et chaque jour une nouvelle perte pour l'Angleterre; le tout par la faute du traître Somerset!



LUCY. – Que Dieu prenne donc en pitié l'âme du brave Talbot et de son jeune fils Jean, que j'ai rencontré il y a deux heures, voyageant pour aller joindre son glorieux père. Depuis sept ans entiers Talbot n'a pas vu son fils; et ils se revoient aujourd'hui pour mourir tous deux.



YORK. – Hélas! quelle joie le noble Talbot aura-t-il à revoir son jeune fils pour lui dire adieu au bord de la tombe! Loin de moi cette idée! le chagrin étouffe ma voix: deux amis séparés qui se saluent à l'heure de la mort! Adieu, cher Lucy! Ma destinée ne me permet plus rien, que de maudire l'auteur de nos maux; mais je ne puis secourir ce brave. Le Maine, Blois, Poitiers et Tours sont déjà perdus, et tout cela par la faute de Somerset et de ses retards.



(Il sort.)

LUCY. – Ainsi, tandis que le vautour de la discorde se repaît du coeur de ces grands du royaume, l'inaction et la négligence perdent les conquêtes de notre héros dont les cendres sont tièdes encore, de cet homme d'éternelle mémoire, Henri V. Tandis qu'ils se traversent l'un l'autre, nos vies, nos terres, notre honneur, tout se perd et s'abîme.



(Il sort.)

SCÈNE IV

Une autre partie de la France


Entre

 SOMERSET

à la tête de son armée

SOMERSET. – Il est trop tard: je ne puis les envoyer à présent; cette expédition a été trop témérairement projetée par York et par Talbot. Toutes nos forces rassemblées pourraient être enveloppées et coupées par une sortie de la seule garnison de la ville. Le présomptueux Talbot a terni l'éclat de sa gloire par cette entreprise imprudente et désespérée, où il a mis tout au hasard. York l'a envoyé combattre et mourir dans la honte, afin que Talbot mort, le grand York puisse avoir l'honneur de la guerre.



UN CAPITAINE. – Voici sir William Lucy, qui a été député avec moi par nos troupes en péril, pour réclamer votre secours.



(Entre sir William Lucy.)

SOMERSET. – Eh bien, sir William, de la part de qui venez-vous?



LUCY. – De la part de qui, milord? de la part du lord Talbot, dont la vie est vendue et achetée. Assiégé de tous côtés par la fière adversité, il appelle à grands cris York et Somerset, pour repousser la mort qui fond sur ses faibles légions. Et tandis que ce brave général voit une sueur sanglante couler de ses membres harassés par les combats, et profite de sa position pour prolonger sa résistance en attendant du secours; vous qui trompez son espérance, vous, dépositaires de l'honneur de l'Angleterre, vous vous tenez oisifs loin de lui, livrés à vos honteuses jalousies! que vos querelles personnelles ne retardent pas plus longtemps le renfort qui devait le secourir, lorsque ce brave et glorieux général expose sa vie aux chances les plus inégales. Le bâtard d'Orléans, Charles et le duc de Bourgogne, Alençon et René, l'environnent; et Talbot périt par votre faute.



SOMERSET. – York l'a engagé dans ce péril; York devrait le secourir.



LUCY. – Et York se déchaîne aussi contre Votre Seigneurie, et jure que vous lui retenez sa cavalerie, qui avait été levée pour cette expédition.



SOMERSET. – York ment: il pouvait envoyer demander ce renfort, et il l'eût eu. Je lui dois peu de déférence et encore moins d'amitié, et je dédaigne de le flatter en le prévenant.



LUCY. – Ce sont les fraudes des chefs de l'Angleterre, et non la force de la France, qui ont précipité dans ce piége le généreux Talbot. Jamais il ne reverra vivant sa patrie: il meurt livré à la fortune par vos dissensions.



SOMERSET. – Allons; je vais lui envoyer ce détachement: dans six heures ils seront en état de le secourir.



LUCY. – Le secours vient trop tard: il est déjà pris ou tué, car Talbot ne pourrait fuir, quand il le voudrait; et Talbot ne fuira jamais, quand il le pourrait.



SOMERSET. – S'il est mort, disons donc adieu au brave Talbot.



LUCY. – Sa gloire vit dans l'univers, et la honte de sa défaite s'attache à vous.



(Ils sortent.)

SCÈNE V

Un champ de bataille près de Bordeaux


Entrent

 TALBOT ET SON FILS

TALBOT. – Jeune Jean Talbot, je t'ai mandé pour te servir de maître dans l'art de la guerre, afin que le nom de Talbot pût revivre en toi, quand l'épuisement de l'âge et la faiblesse de membres impuissants retiendraient sur une chaise ton père immobile. Mais, ô fatale et pernicieuse étoile! tu reviens aujourd'hui pour une fête funèbre, pour un terrible et inévitable péril. Cher enfant, remonte donc sur le plus léger de mes chevaux, et je t'enseignerai le moyen d'échapper par une fuite précipitée. Allons, ne diffère plus, et pars.

 



JEAN TALBOT. – Talbot est-il mon nom? suis-je votre fils? et fuirai-je? Oh! si vous aimez ma mère, ne déshonorez pas son honorable nom, en faisant de moi un bâtard et un lâche. L'univers dira: «Il n'est point le fils de Talbot, celui qui a fui lâchement quand le noble Talbot est resté.»



TALBOT. – Fuis pour venger ma mort, si je suis tué.



JEAN TALBOT. – Qui fuit ainsi ne reviendra jamais au combat.



TALBOT. – Si nous restons tous deux, nous sommes tous deux sûrs de mourir.



JEAN TALBOT. – Eh bien, laissez-moi rester, et vous, mon père, sauvez-vous. Votre mort est une perte immense, et vous devez vous conserver: mon mérite est inconnu; en me perdant, on ignore ce qu'on perd. Les Français tireront peu de gloire de ma mort; ils seraient fiers de la vôtre: avec vous s'évanouissent toutes nos espérances. La fuite ne peut ternir la gloire que vous avez acquise; mais la fuite me déshonorerait, moi qui n'ai fait aucun exploit. Tout le monde fera serment que vous avez fui pour vaincre un jour; mais moi, si je recule, on dira que c'était de peur. Il n'y aura plus d'espérance que je reste sur le champ de bataille, si à la première heure je fléchis et me sauve. Ici, à genoux, j'implore la mort plutôt qu'une vie conservée par l'infamie.



TALBOT. – Quoi! toutes les espérances de ta mère descendront dans le même tombeau?



JEAN TALBOT. – Oui, plutôt que de déshonorer le sein de ma mère.



TALBOT. – Au nom de ma bénédiction, je t'ordonne de partir.



JEAN TALBOT. – Pour combattre l'ennemi, mais non pour le fuir.



TALBOT. – Tu peux sauver en toi une partie de ton père.



JEAN TALBOT. – Je ne sauverai rien de mon père; il sera déshonoré en moi.



TALBOT. – Tu n'as pas encore eu de gloire; tu ne peux pas la perdre.



JEAN TALBOT. – Oui, et votre glorieux nom, irai-je le flétrir?



TALBOT. – L'ordre de ton père t'absoudra du reproche.



JEAN TALBOT. – Pourrez-vous rendre témoignage pour moi quand vous ne serez plus? Si la mort est inévitable, fuyons ensemble.



TALBOT. – Que je laisse ici mes soldats combattre et mourir! Jamais pareille honte n'a souillé ma vie.



JEAN TALBOT. – Et ma jeunesse en serait souillée! Il n'est pas plus possible de séparer votre fils de vous, que vous ne pouvez vous-même vous partager en deux. Restez, fuyez, faites ce que vous voudrez, je le ferai aussi; si mon père meurt, je ne veux plus vivre.



TALBOT. – Je prends donc ici congé de toi, mon noble fils; tu es né pour voir ta vie s'éteindre avant la fin de ce jour. Allons vivre et mourir l'un à côté de l'autre, et que nos deux âmes unies s'envolent ensemble de France au ciel.



(Ils sortent.)

SCÈNE VI


Une alarme. Sorties dans lesquelles le fils de

 TALBOT

est enveloppé; il est sauvé par son père

TALBOT. – Saint George, victoire! Combattons, soldats, combattons. Le régent a violé la parole qu'il avait donnée à Talbot, et nous a laissés exposés à la furie de l'épée française. – Où est Jean Talbot? – Repose-toi, mon fils, et reprends haleine: je t'ai donné la vie, et je viens de te sauver de la mort.



JEAN TALBOT. – O vous, deux fois mon père, je suis deux fois votre fils. La première vie que vous m'aviez donnée était perdue; c'en était fait; et votre belliqueuse épée, en dépit du sort, a fait recommencer le cours des ans qui me sont assignés.



TALBOT. – Quand j'ai vu ton épée faire jaillir le feu du casque du dauphin, cela a rallumé dans le coeur de ton père un orgueilleux désir de la victoire au visage hardi. Alors la pesante vieillesse s'est sentie animée de l'ardeur du jeune âge et d'une fureur guerrière: j'ai repoussé Alençon, Orléans, le duc de Bourgogne, et je t'ai délivré de l'orgueil de la Gaule. Le fougueux Bâtard qui t'a tiré du sang, ô mon fils! et qui a eu les prémices de ton premier combat, – je l'ai attaqué soudain, – et dans le rapide échange de nos coups, j'ai bientôt fait couler son ignoble sang: et dans mon dédain, je lui ai adressé ces mots: «Je fais couler ton sang impur, vil et méprisable, faible et indigne dédommagement du pur sang que tu as fait jaillir des flancs de Talbot mon brave enfant;» et ici, brûlant de frapper à mort le Bâtard, je t'ai puissamment secouru. – Dis-moi, unique souci de ton père, n'es-tu pas fatigué, Jean? Comment te trouves-tu? Mon enfant, veux-tu maintenant quitter ce champ de bataille et te sauver? Maintenant te voilà dignement reçu chevalier. Fuis, pour venger ma mort quand je ne serai plus: le secours d'un homme est peu de chose pour moi. Oh! c'est trop de folie de hasarder tous notre vie dans une seule petite barque. Moi, si je ne meurs pas aujourd'hui sous les coups des Français, je mourrai demain de mon grand âge; ils ne gagnent rien par ma mort; et en restant ici, je n'abrège ma vie que d'un jour. Mais en toi mourront ta mère, et le nom de notre famille, et ma vengeance, et ta jeunesse, et la gloire de l'Angleterre. Si tu restes, nous exposons tout cela et bien plus encore: et si tu veux fuir, tout cela sera sauvé.



JEAN TALBOT. – L'épée d'Orléans ne m'a fait aucun mal; mais vos paroles font couler le plus pur sang de mon coeur. Oh! quel avantage, au prix d'une telle infamie, que de traîner une vie misérable et de sacrifier une glorieuse renommée! Avant que le jeune Talbot fuie le vieux Talbot, que le cheval qui me porte succombe et meure, et me laisse à pied comme les vils paysans de France, en butte au mépris et objet d'outrages! Oui, par toute la gloire que vous avez acquise, si je fuis je ne suis pas le fils de Talbot: ne me parlez donc plus de fuir; c'est en vain: si je suis le fils de Talbot, je dois mourir aux pieds de Talbot.



TALBOT. – Allons, suis-moi donc, et sois l'Icare d'un Dédale au désespoir. Ta vie m'est bien chère; si tu veux combattre, combats à côté de ton père, et après t'être illustré, mourons tous deux fièrement.



(Ils sortent.)

SCÈNE VII


Une alarme: combats. Entre le vieux

 TALBOT

blessé, conduit par des soldats français

TALBOT. – Où est ma seconde vie? – C'est fait de la mienne. – Oh! où est le jeune Talbot? où est le vaillant Jean? O mort glorieuse ternie par la captivité, la valeur du jeune Talbot fait que je te reçois en souriant. Lorsqu'il m'a vu chanceler et tomber sur mes genoux, il a brandi au-dessus de ma tête son épée sanglante, et comme un lion affamé, il a commencé avec furie les plus terribles exploits. Mais lorsque mon défenseur courroucé s'est vu seul, ne protégeant plus que ma vie expirante, et sans ennemis qui le vinssent assaillir, alors les yeux étincelants, le coeur saisi de rage, il s'est élancé soudain de mes côtés dans le plus épais des bataillons français, et dans cette mer de sang mon enfant a éteint sa vie et son âme sublime, et là est mort dans son noble orgueil mon Icare, ma fleur.



(On apporte Jean Talbot mort.)

UN DES SERVITEURS DE TALBOT. – O mon cher maître! voyez: c'est votre fils qu'ils portent.



TALBOT. – O mort hideuse, qui te fais un jeu de nous insulter ici, bientôt affranchis de ton insolente tyrannie, et unis par les liens de l'immortalité, les deux Talbot voleront ensemble au travers des cieux légers, et en dépit de toi échapperont au néant de l'oubli. – (

A son fils

.) – O toi dont les blessures annoncent une mort si dure, parle à ton père avant de rendre ton dernier soupir! brave encore la mort en parlant, qu'elle veuille ou ne veuille pas t'écouter; traite-la comme un Français, comme ton ennemi. – Pauvre enfant! il me semble qu'il sourit, comme s'il voulait dire: «Si la mort avait été un Français, la mort serait morte aujourd'hui!» Approchez, approchez, et mettez-le dans les bras de son père. Mon âme ne peut plus supporter tant de douleurs. Soldats! adieu: j'ai ce que je voulais avoir, et mes vieux bras sont le tombeau du jeune Jean Talbot!



(Il meurt.)

FIN DU QUATRIÈME ACTE.



ACTE CINQUIÈME

SCÈNE I

Toujours devant Bordeaux


Entrent

 CHARLES, ALENÇON, LE DUC DE BOURGOGNE, LE BATARD D'ORLÉANS ET LA PUCELLE

CHARLES. – Si York et Somerset avaient envoyé du renfort ici, nous aurions eu une journée sanglante.



LE BATARD. – Avec quelle furie le jeune nourrisson de Talbot abreuvait de sang français son épée novice!



LA PUCELLE. – Je l'ai attaqué une fois en lui disant: «Toi, jeune homme, sois vaincu par une jeune fille.» Mais, avec un fier et majestueux dédain, il m'a répondu: «Le jeune Talbot n'est pas fait pour se commettre avec une prostituée;» et, s'élançant