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Histoire littéraire d'Italie (3

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Le décret parle de ses enfants, quoiqu'il ne fût point marié. Peu avancé dans l'état ecclésiastique, il en avait cependant jusqu'alors 423 conservé l'habit; mais, suivant un usage assez commun dans ces bons siècles, cela ne l'avait point empêché d'avoir un grand nombre d'enfants naturels, tous, il est vrai, de la même maîtresse 424. Il se décida enfin à prendre femme à l'âge de cinquante-cinq ans, et il épousa une jeune fille de dix-huit 425, qui lui apporta pour dot six cents florins. Il paraît qu'il délibéra quelque temps sur les inconvénients de cette disproportion d'âge; il avait même composé un Traité où il pesait le pour et le contre; mais cet écrit n'a jamais vu le jour 426. Son mariage dit assez qu'il s'y décidait pour l'affirmative; et le bonheur dont il jouit avec sa femme, prouve qu'il avait raison d'être de cet avis. Retiré loin des orages politiques dans sa maison de campagne, il y passa tranquillement plusieurs années, uniquement occupé d'études et de travaux littéraires. Plusieurs de ses meilleurs ouvrages, entre autres son Dialogue sur la Noblesse 427, datent de cette heureuse époque. Il n'y éprouva d'autre chagrin que celui que lui causa la perte de la plupart de ses protecteurs et de ses meilleurs amis. Niccolo Niccoli, Laurent de Médicis, frère de Cosme, Nicolas Albergati, cardinal de Ste. – Croix, Leonardo Bruni, moururent successivement et à peu d'années de distance. Il soulagea sa douleur en payant un tribut à leur mémoire par d'éloquentes oraisons funèbres 428.

Nicolas V fut le huitième pape auprès duquel Poggio conserva son office dans la chancellerie pontificale, et ce fut celui de tous dont il eut le plus à se louer. Il avait avec lui d'anciennes liaisons, et il lui avait dédié, lorsqu'il n'était encore que Thomas de Sarzane, un Traité du Malheur des princes 429. À son avènement au trône papal, il lui adressa un discours de félicitation, et peu de temps après il lui dédia un nouveau traité des Vicissitudes de la fortune 430, le plus intéressant de tous ses ouvrages philosophiques. Bientôt il donna au même pape une preuve incontestable du fond qu'il faisait sur sa protection particulière, en publiant son Dialogue sur l'Hypocrisie 431; l'étonnante hardiesse avec laquelle il y reprend les folies et les vices du clergé lui eût peut-être coûté la vie ou au moins la liberté sous Eugène. Nicolas aima mieux employer à son profit l'esprit satirique et le talent pour le sarcasme qu'il reconnut dans cet ouvrage; il chargea l'auteur d'écrire contre cet Amédée de Savoie qui, sous le titre de Félix V, persistait à se dire pape. Poggio remplit largement les intentions du pontife; il attaqua l'anti-pape dans une longue Invective 432, et ne traita pas moins durement le noble ermite de Ripaille qu'il n'avait fait un simple professeur d'éloquence 433. Il entra plus utilement pour les lettres dans les vues de Nicolas V, en traduisant du grec en latin Diodore de Sicile et la Cyropédie de Xénophon, dans le temps que d'autres savants, excités par les libéralités du même pontife, interprétaient d'autres auteurs grecs. Toutes ces traductions, qui parurent presque à la fois, contribuèrent puissamment à remettre en honneur l'étude des anciens.

Poggio donna carrière à la fois, et à son esprit satirique, et à ce goût pour les expressions obscènes qui était alors trop commun, dans le célèbre livre des Facéties. C'est une preuve sans réplique de la licence qui régnait dans les mœurs de la cour romaine que de voir un homme alors septuagénaire 434, un secrétaire apostolique, jouissant de l'estime et de l'amitié du souverain pontife, publier librement un recueil de contes qui outragent souvent la pudeur, parmi lesquels plusieurs mettent à découvert l'ignorance et l'hypocrisie alors communes dans l'état ecclésiastique, et qui traitent même avec peu de ménagement les choses les plus sacrées de la religion. L'occasion qui donna lieu à la naissance de ce livre le prouve en quelque sorte mieux encore. Jusqu'au pontificat de Martin V, les officiers de la chancellerie romaine avaient coutume de se rassembler dans une salle commune. Le genre des conversations qu'on y tenait fit donner à cet appartement le nom de bugiale, dérivé de l'Italien bugia, mensonge, et que Poggio rend lui-même par fabrique ou manufacture de mensonges 435. On y rapportait les nouvelles du jour, et l'on cherchait à s'amuser en racontant des anecdotes plaisantes. On y censurait tout librement. On n'épargnait personne, pas même le souverain pontife. C'est principalement de ces conversations entre quelques ecclésiastiques, attachés à la cour de Rome par des fonctions graves, que sont tirés les contes pour rire et les bons mots rapportés dans les Facéties. Ce livre contient un assez grand nombre d'anecdotes sur plusieurs hommes distingués qui florissaient dans le quatorzième et le quinzième siècle, et sous ce rapport et par le mérite de la narration, il n'est pas sans intérêt littéraire. Quant à son immoralité, sans juger avec plus d'indulgence qu'il ne faut ce livre devenu trop célèbre, tout homme ami de la décence trouvera que c'est une punition assez forte de l'avoir fait, que de n'être connu de la plupart de ceux qui lisent que par cette débauche d'esprit, après une vie aussi longue, aussi laborieuse et aussi utile aux lettres que le fut celle de l'auteur.

 

Un ouvrage plus sérieux suivit de près les Facéties 436; c'est le fruit des conversations savantes qu'il eut avec plusieurs hommes de lettres de ses amis qu'il recevait à sa table, à la campagne, pendant quelques vacances que lui laissait son emploi. Il est divisé en trois parties qui roulent sur différents sujets. Ceux des deux premières parties sont de peu d'intérêt 437; la troisième est toute philologique; il y est question de savoir si, du temps des anciens Romains, le latin était la langue commune, ou seulement celle des savants. Poggio y défend la première opinion contre Leonardo Bruni, qui dans leurs entretiens avait soutenu la seconde.

En 1453, la place de chancelier de la république étant devenue vacante, la réputation de Poggio et l'influence puissante des Médicis fixèrent sur lui le choix de ses concitoyens. Il quitta entièrement Rome, où il avait occupé pendant l'espace de cinquante-un ans un modeste, mais paisible emploi, et vint s'établir à Florence avec sa famille. Il y reçut bientôt une nouvelle preuve de l'estime publique, et fut nommé l'un des Prieurs des arts. Les soins et les occupations de sa place de chancelier ne le détournèrent entièrement, ni de ses travaux ni de ses querelles littéraires. Peu de temps après son retour de Florence, il eut, avec Laurent Valla, une guerre de plume presque aussi violente que celle qu'il avait avec Filelfo. Un fruit plus heureux de ses loisirs fut son Dialogue Sur le malheur de la destinée humaine 438, la traduction de l'Âne de Lucien 439 remplit aussi quelques uns de ses moments. Il se proposa en la publiant, d'établir, comme un point d'histoire littéraire, que c'était à cet opuscule du philosophe de Samosate qu'Apulée avait dû l'idée de son Âne d'or.

L'Histoire de Florence est le dernier, comme le plus grand et le meilleur ouvrage de Poggio. Elle est divisée en huit livres, et comprend la portion la plus intéressante des annales de la liberté florentine; elle s'étend depuis 1350 jusqu'à la paix de Naples, en 1455. L'emploi qu'il remplissait dans la république lui ouvrait toutes les sources, et il sut en profiter; mais il ne put terminer entièrement cet important ouvrage 440. Il mourut le 30 octobre 1459, et fut enterré avec beaucoup de magnificence dans l'église de Ste. Croix. Ses enfants 441 obtinrent la permission de suspendre son portrait 442 dans une des salles publiques du palais; et ses concitoyens lui érigèrent, peu de temps après, une statue, qui fut placée à la façade de l'église de Santa Maria del fiore 443. Il mérita tous ces honneurs rendus à sa mémoire, par son ardent amour pour sa patrie, dont il eut toujours à cœur la gloire et la liberté, par l'étendue de ses connaissances et par la supériorité de ses talents. L'aigreur et l'emportement de ses invectives venaient de la même source que l'exagération et l'enthousiasme de ses éloges, c'est-à-dire, d'un esprit qui se portait toujours aux extrêmes et ne voyait rien modérément. La liberté de ses mœurs pendant la première partie de sa vie, et la licence de ses écrits, justement blâmées aujourd'hui, étaient à peine remarquées dans son siècle. Elles ne nuisirent ni à la considération dont il jouissait à la cour de Rome, ni à sa faveur auprès de deux papes aussi pieux qu'Eugène IV et Nicolas V. Il avait, pour se maintenir dans le monde, une sorte de dignité personnelle, l'urbanité de ses manières, la force de son jugement et l'enjouement de son esprit 444. Quant au style de ses ouvrages, si on le compare à celui de ses prédécesseurs immédiats, on est frappé de leur différence et surpris de ses progrès. On sent enfin qu'il n'y avait plus qu'un pas à faire de ce degré d'élégance latine à celui que Politien et quelques autres atteignirent bientôt après 445.

Celui de tous ses contemporains qui eut avec lui les querelles les plus vives, et qui l'égala le plus en renommée, fut le célèbre Filelfo. Sa vie pleine de vicissitudes et d'orages, les grands services qu'il rendit aux lettres, la trempe singulière et bizarre de son esprit, méritent aussi une attention particulière. Dans les trente-sept livres de ses lettres, dans ses satires, et dans plusieurs autres de ses ouvrages imprimés, il parle souvent de lui-même: la plupart des écrivains de son temps se sont occupés de lui, soit pour l'attaquer, soit pour le défendre; plusieurs savants se sont exercés depuis sur sa vie et sur ses ouvrages; on n'est donc embarrassé que du choix 446.

Francesco Filelfo naquit le 25 juillet 1398, à Tolentino, dans la Marche d'Ancône. Les premiers historiens de sa vie 447 ont dit que sa famille était honnête; il vaut mieux les en croire que Poggio, qui prétend, dans ses Invectives et dans ses Facéties, qu'il était le bâtard d'une blanchisseuse et d'un prêtre. Il fit ses études à Padoue, sous les plus célèbres professeurs, et ce fut avec tant d'éclat qu'il y fut lui-même nommé professeur d'éloquence à dix-huit ans. Appelé à Venise, en 1417, il y professa pendant deux années. Il s'y fit des amis puissants, et fut admis aux droits de cité par un décret public. Le désir d'apprendre la langue grecque l'appelait à Constantinople: l'état de sa fortune ne lui permettait pas ce voyage; l'estime dont il jouissait, engagea la république à l'attacher, en qualité de secrétaire, à la légation qu'elle entretenait dans cette capitale de l'empire Grec. Il s'y rendit en 1420, et prit pour maître de langue et de littérature grecques, Jean Chrysoloras, frère du célèbre Emmanuel. Ses progrès furent aussi grands que rapides. Il remplissait en même temps, avec assiduité les devoirs de son emploi. Les éloges que sa conduite et ses succès lui attirèrent parvinrent aux oreilles de l'empereur. Jean Paléologue le prit à son service, avec le titre de secrétaire et de conseiller. Filelfo avait déjà fait preuve de talent pour les négociations. Le Bailo, ou ambassadeur vénitien auquel il était attaché, l'avait envoyé auprès de l'empereur des Turcs, Amurath II, pour traiter de la paix entre ce prince et Venise 448, et le traité avait été conclu à la satisfaction de la république.

 

Jean Paléologue le députa, en 1423, à Bude, en qualité de son ministre, à l'empereur Sigismond. Cette mission remplie, il fut invité par Ladislas, roi de Pologne, à assister, comme ministre impérial, aux fêtes de son mariage qui devaient se célébrer à Cracovie. Filelfo s'y rendit à la suite de Sigismond, et récita, le jour de la cérémonie 449, une harangue solennelle, en présence des souverains qui y assistaient, des grands seigneurs, accourus de toutes les parties de l'Europe, et d'une foule immense de spectateurs.

De retour à Constantinople, après quinze ou seize mois d'absence, il reprit le cours de ses études; mais il trouva, dans la maison même de son maître, un sujet de distraction. La fille de Chrysoloras, à peine âgée de quatorze ans, était d'une beauté parfaite. Filelfo, dans l'âge des passions, et qu'une conformation particulière y rendit plus ardent 450, devint amoureux de la jeune Theodora, la demanda, l'obtint de son père, et l'épousa du consentement même de l'empereur, dont Theodora était parente. Il repassa enfin à Venise avec elle, en 1427. C'étaient ses amis qui l'avaient engagé, par leurs instances, à y revenir: il les trouva presque tous absents, et Venise ravagée par la peste. Les promesses qu'on lui avait faites d'un établissement étaient oubliées. Ses effets et ses livres, arrivés avant lui, déposés dans la maison d'un ami, n'en pouvaient sortir, parce que, dans la chambre où étaient les caisses, il était mort un pestiféré. Tout lui conseillait de quitter Venise; Theodora était effrayée; une de ses femmes était morte de la peste: enfin il partit; et se rendit à Bologne, avec une maison nombreuse, regrettant amèrement d'avoir abandonné Constantinople, et déjà menacé du besoin.

L'accueil qu'il reçut à Bologne le rassura. On alla au-devant de lui: pour le fixer dans cette ville opulente et amie des lettres, on lui offrit, aux conditions les plus avantageuses 451, et il accepta une chaire d'éloquence et de philosophie morale. Mais ce bonheur ne dura que quelques mois. Bologne, qui était alors au pouvoir du pape, se révolta, chassa le légat, fut assiégée par une armée pontificale, et livrée à toutes les horreurs des troubles civils. On désirait à Florence que Filelfo vînt s'y fixer. Niccolo Niccoli; Leonardo Bruni, Ambrogio le Camaldule, redoublèrent alors leurs instances auprès de lui, et leurs efforts pour lui assurer un sort convenable; ils réussirent à l'un et à l'autre, et Filelfo, après en avoir obtenu la permission, avec beaucoup de peine, quitta Bologne pour Florence, où il commença aussitôt ses leçons 452.

Dans cette ville remplie de savants, il étonna par sa science et par son zèle infatigable à la propager. On le voyait le matin, dès le point du jour, expliquer et commenter les Tusculanes de Cicéron, ou une des Décades de Tite-Live, ou l'un des Traités de Cicéron sur l'Art oratoire, ou l'Iliade d'Homère. Après s'être reposé quelques heures, il revenait lire publiquement Térence, les Épîtres de Cicéron, quelqu'une de ses Harangues, Thucydide ou Xénophon. Quelquefois encore, il ajoutait à ses leçons des lectures sur la morale 453; et de plus, pour satisfaire de jeunes Florentins 454, admirateurs du Dante, il lisait et commentait son poëme les jours de fête, dans l'église de Santa Maria del Fiore, sans en être chargé par l'autorité publique, et sans en recevoir d'émoluments. Dans une si laborieuse carrière, il était soutenu par le nombre et la dignité de son auditoire. Quatre cents des personnes les plus distinguées de Florence, par leurs connaissances et par leur rang, suivaient journellement ses leçons. Il eut pour amis les plus considérables; mais bientôt ils devinrent ses ennemis, ou il les regarda comme tels. Il se fit des querelles avec Charles Marsupini d'Arezzo, avec Niccolo Niccoli, ami de Charles, avec Ambrogio le Camaldule, amis de l'un et de l'autre, avec Cosme de Médicis et Laurent son frère, amis et bienfaiteurs de tous, enfin avec le redoutable Poggio, qui se porta pour champion des Médicis.

Filelfo, sur ces entrefaites, fut assailli et blessé au visage par un assassin de profession, lorsqu'il se rendait à son école; il prétendit et soutint que ce coup venait des Médicis. La fureur des factions était alors très-animée. Il s'était jeté dans celle des nobles; et les Médicis étaient à la tête de celle du peuple. Ils furent abattus, Cosme emprisonné, mis en danger de la vie et banni. Filelfo, ennemi peu généreux, vomit contre lui et contre ses partisans des satires emportées, obscènes et sanglantes 455. Ils revinrent triomphants; il ne jugea pas à propos de les attendre, et se rendit à Sienne, où il s'engagea pour deux ans à professer les belles-lettres. De Sienne, il continua sa guerre satirique avec tant de fureur, qu'il fut enfin déclaré rebelle par un décret public et banni de Florence, dix mois après en être sorti. Ce n'est pas tout: l'assassin qui l'avait manqué à Florence, quelqu'il fût et de quelque part qu'il vînt, le poursuivit à Sienne, où il l'alla chercher pendant qu'il était allé aux bains de Petriolo. Filelfo, revint à Sienne, reconnut ce sicaire, qui se nommait Philippe, et le fit arrêter.

On le mit à la question, et l'on tira de lui, par la force des tourments, l'aveu d'un nouveau projet d'assassinat. Il fut condamné à une amende de cinq cents livres d'argent. Filelfo, peu satisfait de cette peine, appela devant le gouverneur de la ville, qui condamna Philippe à avoir le poing coupé: il l'aurait même puni de mort, sans l'intercession de Filelfo lui-même. Ce ne fut point par un mouvement de compassion que l'offensé demanda cette mutation de peine, mais plutôt comme il l'écrivit à Æneas Sylvius, pour que celui qui l'avait voulu assassiner, vécût mutilé et couvert d'infamie, au lieu d'être délivré, par une mort prompte, des tourments de la vie et de ceux de sa conscience 456.

Toujours persuadé que le parti des Médicis avait armé contre lui cet assassin, il poussa la fureur jusqu'à vouloir leur rendre la pareille. De concert avec les exilés florentins réfugiés à Sienne, il mit le poignard à la main d'un certain Grec qui se chargea de les délivrer de Cosme et de ses principaux partisans. Le coup manqua; l'assassin fut pris, avoua tout, eut les deux mains coupées, et Filelfo, qu'il accusa dans ses interrogatoires, fut condamné à avoir la langue coupée et banni à perpétuité 457. Comment un savant tel que lui se porta-t-il à de pareils excès? Est-il vrai, d'un autre côté, qu'un homme tel que Cosme de Médicis y eût donné lieu en s'y portant le premier? L'animosité des partis explique tout. Que Cosme eût positivement commandé un assassinat, c'est ce que le dernier auteur de la vie de Filelfo ne croit pas, faute de preuves; il n'en a point non plus qui l'autorisent à le nier; il pense que Médicis n'ignorait pas ce qui se tramait contre ce violent ennemi, et qu'au lieu de s'y opposer, comme il l'aurait pu, il en parut satisfait 458. Quoi qu'il en soit, si l'on regardait comme irréconciliables deux ennemis qui en sont venus l'un contre l'autre à de telles mesures, on se tromperait encore. Cosme, naturellement généreux, et à qui son immense pouvoir laissait tout le mérite d'une réconciliation, la désira le premier; Ambrogio le Camaldule l'entreprit; il y trouva d'abord Filelfo très-rebelle. «Que Médicis emploie, répondait-il, les poignards et les poisons; moi, j'emploierai mon génie et ma plume. Je ne veux point de l'amitié de Cosme, et je méprise sa haine. Je préfère une inimitié ouverte à une fausse bienveillance 459;» mais le bon Ambrogio ne se découragea point, et finit par réussir.

Ce qui paraît presque aussi peu croyable, c'est que, dans de telles agitations, parmi ces craintes et ces projets de vengeance, Filelfo remplissait, comme à l'ordinaire, ses fonctions de professeur, et que pendant son séjour à Sienne, il ne composa, pas seulement des satires en vers et des harangues ou invectives en prose contre ses puissants ennemis, mais des ouvrages d'érudition, tels que la traduction latine des Apophthegmes des anciens rois et grands capitaines de Plutarque; il y commença même ses livres De exilio, ou ses Méditations florentines 460. Il y écrivit aussi, dans le même temps, beaucoup de lettres, les unes philosophiques, les autres purement littéraires, d'autres enfin où, en parlant de ses querelles et des poursuites dont il était l'objet, il ne dit rien des haines politiques qui en étaient la véritable cause; il attribue tout à l'envie excitée par ses succès.

Mais avant cette réconciliation, il crut qu'il était prudent de quitter Sienne et de s'éloigner davantage de Florence. Sa renommée, toujours croissante, lui attirait, de plusieurs côtés à la fois, des propositions avantageuses. L'empereur grec, le pape Eugène IV, le sénat de Venise, celui de Pérouse, le duc de Milan, et enfin la république de Bologne se le disputaient. Il donna la préférence aux deux derniers, et promit de se fixer auprès de Philippe-Marie Visconti, à condition qu'il irait d'abord à Bologne remplir un engagement de six mois. Les Bolonais, pour ce simple semestre, lui avaient promis quatre cent cinquante ducats, salaire magnifique et sans exemple 461, et ils lui tinrent parole. Il reparut donc à Bologne 462 dix ans après qu'il en était parti; mais cette ville était loin d'être assez tranquille pour qu'il le fût lui-même. Visconti le pressait vivement d'aller à lui; l'impatience naturelle de Filelfo augmentait par les obstacles: enfin, sous des prétextes assez peu spécieux 463, il quitta Bologne avant les six mois expirés, et alla s'établir à Milan avec sa famille. Les sept années qu'il y passa auprès du duc furent les plus tranquilles et les plus heureuses de sa vie. Bien vu à la cour, bien payé, logé dans une maison richement meublée, dont Visconti lui fit don; nommé citoyen de Milan, rien ne manquait, ni à sa considération, ni à son bonheur. Le seul chagrin qu'il éprouva, mais qui lui fut très-amer, fut la perte inattendue et prématurée de sa femme Théodora, ou, comme il aimait à l'appeler, de sa chère Chrysolorine. Elle le laissait père de quatre enfants 464; cependant sa douleur fut si forte, qu'il voulut renoncer au monde et prendre l'état ecclésiastique; mais le pape, à qui il en écrivit, ne lui répondit pas, et le duc Philippe-Marie, qui voulait le retenir, y réussit en lui faisant épouser une jeune et riche héritière d'une famille noble de Milan. Le duc mourut; la femme qu'il avait donnée à Filelfo mourut aussi peu de mois après. La première idée que lui donna son veuvage, fut encore de demander au pape un asile dans l'Église; la seconde fut de se marier une troisième fois.

Après trois ans de troubles qui suivirent à Milan la mort du dernier Visconti, François Sforce lui ayant succédé 465, Filelfo, bien traité par le nouveau duc, voulut cependant se rendre à la cour d'Alphonse, roi de Naples, qui avait témoigné le désir de le voir. Il fit en effet ce voyage, dont il eut tout lieu d'être content. Ce roi, ami des lettres, le reçut à Capoue avec les plus grands honneurs, le créa chevalier, lui permit de porter ses armes, et voulant principalement honorer en lui le poëte, plaça lui-même sur sa tête la couronne de laurier. De retour à Milan, Filelfo, en apprenant la prise de Constantinople par les Turcs, nouvelle déjà très-douloureuse pour lui, qui regardait cette capitale de l'empire grec comme sa seconde patrie, apprit encore que Manfredina Doria, sa belle-mère, avait été faite esclave avec ses deux filles. Dans sa douleur, il voulait que François Sforce envoyât un ambassadeur à l'empereur des Turcs, pour demander la liberté de ces captives. Il se proposait lui-même pour cette ambassade. La connaissance qu'il avait du pays, et la mission qu'il avait autrefois remplie auprès d'Amurath, père de Mahomet, étaient ses titres. Le duc ne jugea pas à propos de faire cette démarche; mais il permit à Filelfo de députer, en son propre nom, deux jeunes gens vers Mahomet II, avec une ode et une lettre grecque de sa composition, où il demandait au sultan cette grâce, en offrant une rançon 466. Mahomet, qui n'était point un barbare, et qui se piquait même d'honorer les savants, accueillit favorablement cette requête, et rendit, sans rançon, la liberté aux trois esclaves.

Filelfo, depuis cette époque, fit pendant à peu près quinze années son séjour habituel à Milan. Sa vie toujours agitée n'en était pas moins laborieuse; il acheva et publia un grand nombre d'ouvrages en prose et en vers; celui qui l'occupait le plus était un grand poëme en vingt-quatre livres qu'il avait entrepris à la gloire de François Sforce, sous le titre de Sfortiados; il en avait achevé les huit premiers livres quand le héros du poëme mourut 467. Galéaz-Marie son fils s'intéressa peu aux lettres, et laissa dans l'oubli Filelfo, que l'indigence atteignit bientôt, et qui se vit obligé, après avoir été dix-sept ans attaché à la maison des Sforce, et en avoir tant célébré la gloire, à vendre ses meubles, ses livres et jusqu'à ses habits pour vivre et soutenir sa famille.

Il chercha inutilement pendant plusieurs années à sortir de cette position, jouissant pour tout bien, dans une vieillesse avancée, d'une force et d'une santé inaltérables, enseignant, écrivant, travaillant sans relâche, se plaignant toujours, et ne se décourageant jamais. Ses principales vues étaient dirigées vers Rome, où il désirait ardemment être placé. Ce qu'il avait en vain espéré de Pie II, de ce pape ami des lettres, ou plutôt de cet homme de lettres devenu pape, et qui avait été son disciple, de Paul II qui l'avait plusieurs fois flatté par ses éloges et soutenu par ses libéralités, il l'obtint enfin de Sixte IV, et fut appelé à Rome pour remplir une chaire de philosophie morale, avec de forts appointements et de magnifiques promesses. Reçu par le pontife et par la cour romaine avec toutes les distinctions qui pouvaient flatter son amour-propre 468, il ouvrit, peu de temps après, son cours, en expliquant devant un nombreux auditoire les Tusculanes de Cicéron. Il fit encore, malgré son grand âge, deux fois le voyage de Milan. Il y allait chercher sa femme et ses enfants; mais au premier de ces deux malheureux voyages, il vit mourir deux de ses fils; au second, il perdit sa femme; elle n'avait que trente-huit ans et il approchait de quatre-vingts; en la perdant, il perdait tout l'espoir et tout l'appui de sa vieillesse. Son infortune particulière fut suivie d'une catastrophe publique. Le duc Galéaz-Marie fut assassiné, et son fils Jean Galéaz, enfant de huit ans, déclaré son successeur, mais on sait sous quels funestes auspices. La peste avait éclaté à Rome; Filelfo craignit d'y retourner; il songea, ou à se fixer auprès de la nouvelle cour de Milan, ou, ce qu'il aurait beaucoup mieux aimé, à obtenir son retour à Florence. Réconcilié avec les Médicis, et en correspondance suivie avec Laurent-le-Magnifique, il obtint par lui ce qu'il désirait le plus. La Seigneurie abolit les décrets portés contre lui et le nomma pour remplir à Florence la chaire de langue et de littérature grecques. Âgé de quatre-vingt-trois ans, il ne craignit point d'accepter cet engagement, ni d'entreprendre encore ce voyage; mais il y épuisa le reste de ses forces; il tomba malade quinze jours après son arrivée, et mourut le 31 juillet 1481.

Aucune vie aussi longue ne fut peut-être jamais plus remplie et ne le fut autant jusqu'à la fin que celle de Filelfo; aucune n'aurait été plus heureuse si les vices de son caractère n'avaient mis obstacle à son bonheur; ceux qui lui firent peut-être le plus de tort furent la vanité et l'orgueil. L'une lui fit un besoin de l'éclat, de la magnificence, d'un état de maison, d'un train de gens et de chevaux, d'une dépense de table qui ne vont qu'aux grands seigneurs, et qui souvent les ruinent. Il lui fallut, pour soutenir ce luxe, s'avilir sans cesse par des éloges outrés et par des demandes indiscrètes; et le produit de ses bassesses ne suffisait pas toujours à satisfaire les besoins de sa vanité. L'autre vice le portait à se regarder non seulement comme le premier, le plus savant, le plus éloquent de son siècle, mais de tous les siècles. Les preuves qu'on en voit, je ne dis pas dans ses poésies, où on les pardonnerait peut-être, mais dans ses lettres, devaient le rendre en même temps ridicule et odieux. De là ce peu d'égards et même ce mépris qu'il marquait pour les savants et les hommes de lettres les plus distingués de son temps; de là aussi ces dures représailles auxquelles il fut exposé, et ces querelles bruyantes qu'il eut si souvent à soutenir.

Outre celles que nous avons déjà vues, et qui furent les plus violentes, parce qu'elles avaient un fondement politique, il en eut de purement littéraires, mais qui n'en furent pas pour cela plus polies. Il ne se montra modéré que dans la dernière. Georges Merula, son disciple, non moins irascible que lui, l'attaqua publiquement, sur un léger prétexte 469, par deux lettres pleines d'injures et de fiel. Filelfo, qui touchait alors à la fin de sa carrière, et moins irrité peut-être, parce qu'il n'avait pas tort, ne répondit point cette fois; mais il trouva dans un autre de ses disciples un ardent et courageux défenseur 470. Il en avait fait un grand nombre dans les différents professorats qu'il avait si long-temps exercés, et l'on en compte plusieurs parmi les hommes qui ont le plus illustré ce siècle et le suivant 471. C'était une postérité savante dans laquelle il se voyait revivre. Il aurait pu revivre réellement dans une autre postérité, qui devait être aussi très nombreuse. Il avait eu de ses trois femmes vingt-quatre enfants des deux sexes; et il ne lui restait plus que quatre filles quand il mourut. L'aîné de ses deux fils, Jean-Marius, né à Constantinople en 1426, élevé avec autant de soin que de tendresse, mais d'un caractère difficile, inconstant et bizarre, eut dans les agitations de sa vie comme dans ses travaux, des traits multipliés de ressemblance avec son père; il fut comme lui, philologue, orateur, philosophe et poëte. Filelfo, qui était excellent père, et qui aimait ce fils plus que tous ses autres enfants, eut, après tant de pertes douloureuses, le chagrin de le perdre encore, un an avant de mourir.

Il laissa une grande quantité d'écrits de tout genre, les uns finis, les autres imparfaits, et dont plusieurs sont inédits, et le seront peut-être toujours. Les principaux ouvrages imprimés sont des traductions latines de la Rhétorique d'Aristote, de deux Traités d'Hippocrate, de plusieurs Vies de Plutarque, de ses Apophtegmes, de la Cyropédie de Xénophon, et deux Harangues de Lysias; ce sont des traités philosophiques, tels que ses Convivia Mediolanensia, ou Banquet de Milan, dialogues faits, comme ceux de Poggio, sur le modèle du Banquet de Platon, où l'auteur introduit plusieurs de ses savants amis, discutant à table des questions relatives aux sciences et à la philosophie morale 472; ou tels que le Traité de Morali Disciplinâ, ouvrage divisé en cinq livres, dont le dernier n'est pas fini 473; c'est un grand nombre de harangues ou de discours oratoires et d'oraisons funèbres, de petits traités et d'autres opuscules rassemblés en un seul recueil 474; on y distingue, peut-être au dessus de tout le reste, un discours consolatoire à un noble Vénitien, sur la mort de son fils, qui a aussi été imprimé à part, et que l'on recherche, non seulement parce qu'il est rare, mais parce qu'il est plein de raison, de philosophie et même d'éloquence 475; ce sont enfin des poésies latines, dont l'auteur se glorifiait plus que de tous ses autres ouvrages; car la réputation de bon poëte était celle qu'il ambitionnait le plus, et la couronne poétique dont le décora le roi de Naples, était ce qui, dans toute sa vie, l'avait le plus flatté.

4231435.
424On en fait monter le nombre jusqu'à quatorze, douze garçons et deux filles.
425Selvagg'a di Chino Manenti de' Buondelmonti.
426Il était en forme de Dialogue, et intitulé: An senii sit uxor ducenda. Apostolo Zeno en possédait une copie. (Voy. Dissert. Voss., t. I, 48.)
427Il le publia en 1440. (Voy. Poggii Opera, etc., p. 64.)
428Les trois premières sont imprimées dans les œuvres de Poggio; la quatrième a été publiée par l'abbé Mehus, en tête de l'édition des lettres de Leonardo Bruni, 1741, 2 vol. in-8.
429Ibid., p. 392.
430De Varietate fortunæ, imprimé pour la première fois à Paris, en 1723.
431Voy., sur ce Dialogue, ci-dessus, p. 315, note.
432Poggii Opera, etc., p. 155.
433The Life of Poggio Bracciolini, ch. 10.
434C'était en 1450.
435Bugiale nostrum, hoc est menda ciorum velut officina quædam. Épilogue ou péroraison, à la fin des Facéties.
436Historia disceptative convivalis (et non pas convivialis, comme on le lit dans la Vie de Poggio, par M. William Shepherd, p. 451) Pogii Oper., p. 32.
437Ie Lequel, dans un repas, a des obligations à l'autre, celui qui l'offre, ou celui qui y est invité; 2e, laquelle des deux sciences est au-dessus de l'autre, la médecine ou la science des lois?
438De miseriâ humanæ conditionis, ibid., p. 86.
439Lucii philosophi syri comœdia quæ Asinus intitulatur, è græco in latinum conversus. (Poggii Oper., p. 138.)
440L'Histoire de Florence, écrite par lui en latin, fut achevée et traduite en italien par Jacques Bracciolini, l'un de ses fils. Cette traduction, imprimée à Venise, 1476, in-fol., et réimprimée plusieurs fois, fut seule connue pendant long-temps. L'original latin ne fut publié à Venise qu'en 1715, par J. – B. Recanuti, avec des notes et une Vie de Poggio, qui n'a d'autre défaut que d'être trop courte.
441Il laissa de son mariage cinq garçons et une fille, l'aîné des garçons se fit moine; le second et le quatrième prirent aussi l'état ecclésiastique, mais restèrent séculiers, et possédèrent plusieurs charges à la cour de Rome. Le troisième, nommé Jacopo, traducteur de l'Histoire Florentine, étant entré au service du cardinal Riario, se trouva impliqué, en 1478, dans la conspiration des Pazzi contre les Médicis, et fut un des conjurés pendus par le peuple aux fenêtres de l'Hôtel-de-Ville. Le cinquième enfin, nommé Philippe, se maria, mais ne laissa que des filles.
442Il était peint par Antoine Pollajuolo. Voy. Vasari, éd. de Rome, 1759, in-4., t. I, p. 438.
443La destinée de cette statue est assez remarquable. Dans des changements faits en 1560, à la façade de Ste. – Marie, par François, grand-duc de Toscane, elle fut transportée dans un autre endroit de l'édifice, et elle y fait maintenant partie du groupe des douze apôtres. (Recanati, Vita Poggii, p. xxxiv.)
444The Life of Poggio, etc., p. 486.
445Ibid. Les Œuvres de Poggio furent recueillies pour la première fois à Strasbourg, 1510, petit in-fol., et plus amplement à Bâle, 1538; ses lettres n'en sont pas la partie la moins intéressante. On doit les joindre à celles de Coluccio Salutato, de Leonardo Bruni, de Filelfo et d'Ambrogio le Camaldule, pour la connaissance de l'histoire littéraire du quinzième siècle.
446Il a paru récemment en italien une Vie de Filelfo, qui peut épargner désormais toutes nouvelles recherches; elle est intitulée: Vita di Francesco Filelfo da Tolentino, del Cav. Carlo de' Rosmini Raveretano, Milano, 1808, 3 vol. in-8. Je m'en suis servi utilement pour rectifier quelques inexactitudes des auteurs que j'avais suivis, et pour réparer beaucoup d'omissions. En donnant quelque étendue à cette Vie et à la précédente, j'ai voulu faire connaître ce que c'était en Italie que ces savants du quinzième siècle, qu'on se représente ordinairement comme des pédants obscurs ensevelis dans des collèges. Je ne les ai point nommés Le Pogge et Philelphe, suivant notre usage commun, mais Poggio et Filelfo, à l'exemple du plus vraiment français de tous les auteurs français du dix-huitième siècle, de Voltaire, qui les appelle toujours ainsi.
447Cités par M. de' Rosmini, ub. sup., t. I, p. 5.
448Lancelot, Mém. sur Philelphe, Académ. des inscr. et bell. – lettr., t. X, et Tiraboschi, t. VI, part II, p. 284, se sont trompés, en disant que c'était par ordre de l'empereur grec qu'il avait fait cette ambassade. M. de' Rosmini a redressé cette erreur, d'après une lettre inédite de Filelfo. Voy. ub. supr., p. 12.
44912 février 1424.
450Il était ce qu'on appelle en grec τρεορχις, et ce qu'il a rendu lui-même dans ces deux vers latins inédits, cités par M. de' Rosmini, t. I, p. 113. Non venio, Caspar, nam sudant inguina multo Æstu, quo testes tres mihi bella movent.
451Quatre cent cinquante sequins annuels, dont cinquante lui furent comptés d'avance.
452Avril 1429.
453Ambrosii Traversari Epist., p. 1007 et 1016.
454M. de' Rosmini l'affirme, d'après l'assertion positive de Filelfo, dans un discours italien adressé aux jeunes gens même qui suivaient son cours, pièce que cet estimable biographe a publiée le premier, Monumenti inediti du tome I, n°. IX, p. 124. Les expressions de son auteur n'ont en effet rien d'équivoque: Da niuno castrecto… senz' alcun altro o publico a privato premio a ciò fare indocto, cominciai quello poeta pubblicamente legere. Ceci dément Tiraboschi, qui dit, non moins affirmativement, t. VI, part. II, p. 286, que Filelfo était spécialement chargé de et d'expliquer le Dante, il en donne pour preuve le décret public du 12 mars 1431, qui accordait à ce savant les droits de citoyen de Florence, cité par Salvino Salvini, dans la Préface de ses Fasti consolari, p. xviii. Mais Tiraboschi et Salvini lui-même paraissent s'être trompés sur ce passage du décret; il est bien dit: Considerato… quod Franciscus Filelfi qui legit Dantem in civitate Florentiæ, etc.; mais rien n'indique qu'il ne le lut pas spontanément et gratuitement; et l'assertion de Filelfo, énoncée devant les Florentins qui suivaient ses leçons, est très-positive pour ne laisser aucun doute.
455Les Satires de Filelfo furent imprimées pour la première fois à Milan, sous ce-titre: Philelphi opus Satyrarum seu Hecatostichon Decades X, 1476, in-fol.; réimprimées à Venise, 1502, in-4., et à Paris, 1508, in-4. Cosme y est désigné sous le nom de Munus (traduction latine du nom grec Cosmos); Niccolo Nlccoli, sous celui d'Utis; Charles d'Arezzo est appelé Codrus; Poggio est nommé Bambalio, etc. Il faut avoir essayé de lire ces productions monstrueuses, pour se figurer un pareil débordement de fiel et d'obscénités.
456Philelfi Epist., p. 18.
457La sentence est rapportée par Fabroni, Vita Cosmi Med., t. II, p. 111; elle est datée du 11 octobre 1436.
458Pure crediamo ch' egli non ignorasse ciò che si macchinava per altri in danno di quel letterato, e in luogo d'opporsi, come potea, se ne mostrasse contento, etc. Vita di Fr. Filelfo, t. I, p. 98.
459Philelphi Epist., l. II, p. 14.
460Le premier de ces deux ouvrages est imprimé, Philelphi Opuscula, Spire, 1471; Milan, 1481; Venise, 1492, in-fol., etc. (Debure, Bibl. instr., ne cite que cette dernière édition.) Les Meditationes Florentinæ, De exilio, etc., qui ne sont qu'un seul et même ouvrage, devaient avoir dix livres; l'auteur n'en écrivit que trois, l'un à Sienne, et les deux autres à Milan. Ces trois livres sont restés inédits. Vita di Filelfo, p. 88, note 2.
461Philelphi Epist., l. II, p. 15.
46216 janvier 1439.
463Voy. Vita di Fr. Filelfo, p. 102.
464Deux garçons et deux filles, et non pas huit enfants, comme le dit Lancelot dans le Mémoire déjà cité, et comme Apostolo Zeno l'a répété, Dissert. Voss., t. I, p. 283. Voyez Vita di Filelfo, t. II, p. 11. note 2.
46525 mars 1450.
466Tiraboschi rapporte inexactement ce fait très-remarquable, t. VI, partie II, p. 290; M. de Rosmini l'a rectifié, Vita di Filelfo, t. II, p. 90, et il a publié le premier le texte grec de la lettre de Filelfo à Mahomet II, avec une traduction italienne, n°. X des Monumenti inediti du même volume, p. 305.
467Le 8 mars 1466. Ces huit livres de la Sforciade sont restés inédits; on en conserve des copies dans la bibliothèque Ambroisienne à Milan, dans la Laurentienne à Florence, et dans d'autres bibliothèques. Le début du poëme est imprimé, Histor. Typograph. Litter. mediolan. de Sassi, p. 178 et suiv., et Catalog. cod. latin. biblioth. Laurent., de Bandini, t. II, col. 129. M. de' Rosmini a donné une analyse des huit livres, suffisante pour en faire connaître le plan et la marche, Vita di Filelfo, t. II, p. 159-174.
4681474.
469Filelfo avait critiqué avec raison le mot turcos dont Merula se servait au lieu de turcas.
470Ce fut le jeune Gabriel Pavero Fontana, de Plaisance. Il publia contre Merula, dont le véritable nom était Merlani, une Merlanica prima, qui devait être suivie de plusieurs autres; mais la mort de Filelfo mit fin à cette guerre entreprise pour lui.
471On y distingue, outre ceux que nous venons de voir, Agostino Dati, auteur de l'Histoire de Sienne; le célèbre jurisconsulte Francesco Accolti d'Arezzo; Alexander ub Alexandro, auteur des Genetialium Dierum; Bernardo Giusiniani, l'historien de Venise, et une infinité d'autres moins connus aujourd'hui, mais qui eurent alors de la célébrité; sans compter des hommes du premier rang, tels que le pape Pie II, Æneus Sylvius, et Pierre de Médicis, fils de Cosme et père de Laurent-le-Magnifique.
472Il devait y avoir trois Dialogues, mais Filelfo n'en écrivit que deux. Les sujets discutés dans le premier sont, la théorie des idées, l'essence du soleil selon les opinions des anciens, l'astronomie, la médecine, etc.; le second traite de la prodigalité, de l'avarice, de la magnificence, des fondateurs de la philosophie, de la lune, de ses influences, etc. etc. Les Convivia Meliod. ont été imprimés, Milan et Venise, 1477; Spire, 1508; Cologne, 1537; Paris, 1552, etc.
473Venise, 1552.
474Fr. Philelphi orationes cum quibusdam aliis ejusdem Opusculis. Milan, 1481, in-fol., édition très-rare, faite sous les yeux de l'auteur. Debure, Bibl. instr. Belles-Lettr., t. II, p. 275, ne cite que la réimpression de 1492.
475Ad Jacobum Anton. Marcellum, patricium Venetum, et equitem auratum, de obitu Valerii filii, consolatio. Rome, 1475, in-fol. Marcello fut si content de cet ouvrage, qu'il envoya à l'auteur un bassin d'argent d'un travail admirable, du poids de plus de sept livres, et qui valait plus de cent sequins; ce qui paraîtra plus étonnant, c'est que Filelfo, lorsqu'il l'eut reçu, ne voulut pas qu'il passât dans sa maison plus d'une nuit, le porta dès le lendemain matin chez le duc de Milan, et lui en fit don devant tout son conseil. Franc. Philelphi Epist. liv. XVIII, p. 127.