L'Enfer C'Est Lui

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L'Enfer C'Est Lui
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Cambridge Boston New York

ISBN: 978-0-9908674-9-4

ISBN: 978-0-9908674-8-7 (Numérique)

© Venus Flytrap Press, Juin 2015

Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes des paragraphes 2 et 3 de l'article L122-5, d'une part, que les "copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective" et, d'autre part, sous réserve du nom de l'auteur et de la source, que "les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information", toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans consentement de l'auteur ou de ses ayants droit, est illicite (art; L122-4).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituera donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Sommaire

Lettre à Mama Vincent I

Remerciements VII

Part I

Social

Intermède I 3

1. Introduction 5

2. Kamikaze 15

3. Je vois des gens qui sont pauvres 27

4. Gangnam Style 45

Part II

Politique

Intermède II 63

5. Les Fausses Prophéties 65

6. Corruptibilis 85

7. Mohamed Bouazizi 95

Part III

Économie

Intermède III 113

8. Say Whaaat ?!! 115

Part IV

Changement de paradigme

Intermède IV 139

9. N.R.I.P. 141

10. Les diamants sont les meilleurs amis d'une femme 149

11. Le Petit Poucet 161

Part V

Le Nouveau Testament

Intermède V 177

12. Etat actuel et vulgaire de la Société 179

13. Abracadabra 195

****

Sky High 221

Full Circle 225

Notes 227

Enfin !!!! 237

« Si vous allez dire aux gens la vérité, vous feriez mieux de les faire rire. Sinon, ils vont t’égorger. »

Humain

Lettre à Mama Vincent

« Il y a une tendance commune à ignorer les pauvres ou de développer une certaine rationalisation de la chance des fortunés. »

John Kenneth Galbraith

Chère mama Vincent,

Si cette lettre vous surprend, alors vous n'avez aucune idée de la profonde impression que notre rencontre avec vous a fait dans notre vie depuis ce jour. Mettre un visage sur le malaise mondial nous a empêché, ma femme et moi-même, de voguer avec bonne conscience dans l'océan de l'abstrait. Je vous félicite sincèrement de prendre l'entière responsabilité des mauvaises décisions que vous avez prises dans votre vie, mais je serais stupide de croire que vos dérapages sont la totalité de votre histoire. En réalité, dès votre naissance, les dés étaient déjà pipés contre vous, et je sais à quel point cette partie du monde est sans pitié pour les mères célibataires analphabètes. Vincent aurait facilement pu être moi si j'avais atterri dans les mains de ma mère.

Ma chère, sous votre beau sourire et votre rire joyeux, j'ai décelé une douleur atroce. Vous avez encore la vie devant vous. Vous ne devez pas être un personnage sans identité, renonçant déjà à vos grands rêves et à vos aspirations. Mais là, en tenant Vincent dans mes bras, sous les yeux des agents de la loi qui passaient à côté, j’ai pendant un moment partagé votre souffrance et votre désespoir.

J’ai trouvé touchante la façon dont vous avez décrit votre fils Vincent comme votre raison de vivre. La plupart des jeunes gens de votre âge utilisent ce genre de déclarations poignantes pour se référer au garçon ou à la fille mignonne dont ils pensent qu’ils sont leur âme sœur et qu’ils finiront par jeter pour une raison blasée avec peu ou pas de remords. Pire encore, il est révoltant d'entendre des adultes réduire le sens de la vie au passage éphémère d’émotions. Pourtant, je ne peux pas ignorer que votre réalité au Kenya est très différente de celle des gens dans mon monde actuel.

Vous nous avez avoué qu’à certains moments, vous vous sentez désespérée, un paria rampant à travers les rues animées de la ville de Nairobi, qui a décidé de criminaliser la pauvreté. Ce n'est pas une surprise que la tolérance zéro de Nairobi pour les dépravés a créé le plus grand site de pauvres dans toute la région de l'Est de l'Afrique, le bidonville de Kibera. Pourtant, cela me brise le cœur de dire qu'il y a d'autres Kiberas et pire encore autour de cette planète bleue étouffante, ce qui n'est pas une consolation pour vous non plus. Au cours de mes voyages, j'ai vu d'innombrables jeunes mères avec leurs enfants mendiants dans toute la République démocratique du Congo et dans tous les coins d’Addis-Abeba en Éthiopie, et les hommes en uniformes délavés qui mendient dans les rues dans des villes en ruine à travers les États-Unis d'Amérique.

J'ai fait un voyage d'investigation pour disséquer les souffrances endurées par les Brésiliens qui vivent dans la Cité de Dieu, les habitants de la Cité Jalousie à Port-au-Prince, en Haïti avant et après le tremblement de terre dévastateur, les Roumains de Blagoevgrad en Bulgarie, et les pauvres à Mumbai, en Inde. J'ai été surpris par la résilience des habitants des villes affectées par la criminalité et la pauvreté comme Scharbaeck en Belgique, Bobigny en France, Detroit aux États-Unis et la capitale San Salvador du Salvador. Et c'est triste à dire partout dans le monde il y a des milliards de gens comme vous qui leurs vies entières vivront dans la pauvreté, la famine, l'itinérance et la violence qui sera très probablement vécue entre les mains des agents de la loi.

Mon épouse et moi sommes bien conscients que les quelques billets de shillings kényans que nous vous avons donnés ne représentent que quelques maigres repas et un toit pour un ou deux jours. Après ce que vous et Vincent probablement dû faire pour survivre, vous êtes de retour sur les rues dangereuses de Nairobi, à la merci d’autres âmes compatissantes. Nous sommes profondément désolés de ne pas avoir pu vous sauver de ce cauchemar, vous et d’autres.

Après avoir donné ma monnaie en passant à des personnes aveugles et asphyxiées par la misère, je me suis demandé à plusieurs reprises, que puis-je faire ?! On a déjà beaucoup écrit sur l'inégalité. Néanmoins, j'ai décidé de lancer le débat sur une nouvelle voie qui pourrait donner à Vincent et à d'autres enfants innocents comme lui, une chance d’avoir une vie décente. Mon mantra est que Vincent doit avoir non seulement un toit sur la tête, mais une maison, pas seulement de l'eau, mais des boissons propres, pas seulement de la nourriture, mais des repas sains, et pas seulement une salle de classe, mais une éducation de qualité. Et tous ces facteurs devraient le conduire non seulement à un emploi, mais au moins à une récompense de vie universelle pour ses compétences et ses aptitudes. Moins serait considéré comme l'échec de l'humanité et une tragédie continuelle !!!

Cordialement,

Jo M. Sekimonyo


Les épigones de Maharishi ont décrit le capitalisme, le socialisme et le communisme comme des arrangements économiques. Et les tête-à-têtes économiques mélodramatiques et exhaustifs de ces loustics pompeux ne sont rien d'autre que de la piquette. Ce livre revient à la vérité de ces trois systèmes, c'est-à-dire le fait qu'ils sont comme l’économie islamique l'incarnation d'un credo socio-politico-économique.

Remerciements

« Si vous voulez changer le monde, prenez votre plume et écrivez. »

Martin Luther

Tara et moi, nous nous sommes rencontrés à Tampa, en Floride ; elle avait entrepris une grande carrière qui exige de longues heures debout, mais assurait la sécurité financière dont ses parents, des immigrés haïtiens, rêvaient. En revanche, j'étais un hippy idéaliste fou, ce que même mes amis trouvaient bizarre, et si naturel de penser que j'avais pété les plombs. D'une certaine manière, j'ai pu la convaincre de se parachuter de sa vie quotidienne stable et lumineuse pour se joindre à moi dans le côté obscur. Qu'est-ce qui lui est vraiment passé par la tête pour qu’elle parie sur moi et sur des perspectives d'études supérieures ? Comme la spéculation diabolique gagnait du terrain, nous avons déménagé dans nord-est de États-Unis ; quel soulagement.

 

Notre première neige a été intéressante pour moi, c’est le moins qu’on puisse dire. C'était la première fois Tara m'a jeté son regard de « Dexter », tenant un couteau bien aiguisé, et n'a pas dit un mot pendant une minute. Gardez à l'esprit que même pendant mon sommeil, j’avais des accès de colère dénonçant l'écart croissant entre ceux qui jouissent de tous et ceux qui croupissent à l'ombre coincés derrière qu'un mur invisible. Je ne me rendais pas compte que ma charmante épouse en avait marre de mes homélies et de mes plaintes sur malaise socio-politico-économique mondial, et encore plus de mes plans pour présenter au monde ce que je crois être le remède. Bien sûr, j'ai pris des notes sur des centaines de bouts de papier qui sont restés comme des feuilles mortes sur le plancher de notre bureau, mais sans arriver à rassembler l'énergie et la discipline nécessaires pour terminer un manuscrit. Un ami de la famille a même suggéré que je rassemble mes idées dans un livre pour que je puisse réunir des disciples ; un culte ? Une idée saugrenue, à l'époque. Bien que j’ai eu du mal à l'admettre, Tara avait raison. Je n’avais que pleurniché pendant des années, il était temps que je me mette à écrire.

Pourquoi le titre de ce livre n'est-il pas « Codex Gigas de l’Économie ? » Nassau Senior m'a battu à l'écriture la bible du diable économique. L’enfer c’est lui ? Qui ? Votre esprit paresseux pourrait se précipiter à une conclusion certaine dès maintenant. La musique douce turque et une patience hors pair peuvent être utiles pendant ce voyage ; ce livre creuse des défis de longue date que des générations d'économistes et des politiciens indolents, et leurs groupies ont supprimés ou dirigés dans la mauvaise direction pendant deux siècles. Ceci n'est ni une parodie clandestine ni une démonstration impitoyable de prouesse, mais une dissection réelle et provocatrice de notre monde et du capitalisme.

A part ma colère et mon anxiété, je dois remercier les gens à qui il arrive de s'asseoir à côté de moi dans les autobus pendant mes fréquents et épuisants trajets et avec qui j'ai eu certaines des discussions les plus mémorables de mon existence. Parmi eux, le doyen d'une université qui a eu des mots très durs pour le Prix Nobel d'économie, Milton Friedman pour être issu d'une famille juive modeste de New-York et « s’être transformé en un trou du cul » (ses mots). Aussi à ma sauce spéciale d'ingrédients, amis et ennemis qui ont été mus par l'appétit insatiable de prouver que mes idées étaient folles ; vous m'avez aidé à renforcer mes arguments et mes convictions, je vous aime, Mesdames et Messieurs.

Surtout, je suis plus que reconnaissant à ma femme, ma partenaire dans le crime, pour les tactiques excessives mais efficaces qu’elle a utilisées pour m’obliger à entreprendre la tâche ardue d'écrire ce livre.

La pertinence de l’économie hétérodoxe est plus que jamais menacée. Un certain nombre de programmes économiques hétérodoxe a déjà été dissous. Si les institutions qui sont apparues dans cette école de pensée économique restent sur la même voie et n’ajustent pas leurs objectifs de produire des économistes qui aspirent à devenir des théoriciens à succès, des penseurs, à en produire qui vont devenir des pragmatiques accomplis, des êtres humains qui raisonnent, leur rôle dans ce marché concurrentiel mondial deviendra obsolète. La fin de l’économie hétérodoxe pourrait également être la meilleure chose pour le renouveau de l'institutionnalisme ou mieux encore l’adoption par les institutions et la diffusion de l’Ethosisme, un flux moral plus lucide et pertinent.

Social

Intermède I

« Notre plus grande peur n'est pas que nous soyons incompétents. Notre plus grande peur est que nous soyons démesurément puissants. C'est notre lumière, et non notre partie sombre qui nous effraie le plus. Nous nous demandons, qui suis-je pour être brillant, formidable, talentueux et fabuleux ? En fait, que n'êtes-vous pas ? Vous êtes un enfant de Dieu. Vous ne rendrez pas service au monde en vous rapetissant. Il n'y a rien de brillant à se diminuer pour que les autres se sentent en sécurité à votre contact. Nous sommes tous faits pour briller, comme le font les enfants. Nous sommes nés pour faire éclater au grand jour la gloire de Dieu présente en nous. Elle n'est pas seulement présente en certains d'entre nous ; elle l'est dans chacun. Et en laissant notre propre lumière briller, nous donnons inconsciemment la permission aux autres de faire la même chose. En nous libérant de notre propre peur, notre présence libère automatiquement les autres. »

Cette citation de Marianne Williamson suscitant l'inspiration est extraite de son livre, A Return to Love : Reflections on the Principles of a Course in Miracles, Harper Collins, 1992. Elle provient du chapitre 7, Section 3 (Pages 190-191). Même si Nelson Mandela n'a jamais prononcé cette citation dans son discours inaugural de 1994, pour ma génération, elle a toujours été rattachée à cet homme. S'il n'y avait qu'une chose objective à dire sur son mandat de président d'Afrique du Sud cela serait que son approche arc-en-ciel couarde pour supprimer l’apartheid en a fait le champion des bourgeois blancs d'Afrique du Sud. Et, bien sûr, si l'on essaye simplement de l'analyser dans son contexte qui est celui d'un homme qui a passé vingt-sept ans en prison sans demander pardon à ses geôliers ou fendre le crâne d'un autre détenu, il a en substance mérité d'être considéré comme l'une des figures mythiques du pouvoir de conviction et qui illustre la force de caractère nécessaire dans la lutte contre les injustices sociales, politiques, et économiques. Existe-t-il un meilleur moyen de passer à la prochaine phase de cette expédition ?

CHAPITRE I

Introduction

« L'art est une tentative pour intégrer le mal. »

Simone de Beauvoir

Je n'utilise pas de CD. J'écoute de vieilles chansons sur des vinyles. Parcourir les magasins d'occasion à la recherche d'un Sam Cooke, d'un Wendo Kolosoy, d'un Thelonious Monk, d'un Eduardo Sanchez de Fuentes, d'un Jimmie Rodgers, d'un Notorious B.I.G, d'un Mikhaïl Glinka, d’une Mariam Makeba, d'un Nana Mouskouri, d'un Fela Kuti, ou d'un Beethoven est aussi apaisant que faire du yoga. Je chéris les rythmes des authentiques musiques folkloriques péruviennes et les instruments de musique mongols davantage que les bidules ravagés et inhabituellement tordus d'une pop star. Pour moi, toute forme d'expression qui cesse d'être une expérience et devient une forme d'art perd son aura divine. Ce livre est une expérience, pas un exercice artistique acrobatique comme ceux que l'on montre dans des émissions pour vous rappeler qu'ils existent.

J'ai été excommunié d'une longue liste de salons de thé et de bars sous le faux prétexte d'être un sorcier marxiste ou une incarnation de Ferdinand Lassalle. Le grand public associe incorrectement un examen du statu quo économique avec une bravoure anticapitaliste basée sur une paranoïa aiguë du livre de Karl Marx Das Kapital. Si vous ne me croyez pas, essayez de révéler au grand jour les pires aspects du capitalisme ou de l’économie islamique, et bam, la société vous ostracise en vous collant l'étiquette de socialiste. Pourtant, susciter une conversion vers une nouvelle alternative robuste au capitalisme ne vous attirera que des regards effrayés de réincarnations autoproclamées de Marx. Que peut-on dire des combats de coq ennuyeux entre les divinités du capitalisme de notre époque ? Vous devriez être aussi dégoûtés que moi de ces spectacles de clowns qui retirent progressivement la substance des dialogues sur les inégalités économiques. Mes colères peuvent se transformer en tsunami mais il y a des événements dans notre vie qui, bien qu'étant modestes, s'avèrent être importants.

Lors d'une escale à l'aéroport international de Kenyatta à Nairobi au Kenya, alors que j'attendais d'embarquer sur mon vol pour rentrer aux États-Unis, on m'a demandé ce que je voulais être plus tard. L'homme était assis de l'autre côté de ma table. Il semblait avoir près de soixante-dix ans. Je pouvais deviner par ses traits et son accent qu'il venait du Rwanda, un pays accusé par de nombreux rapports d'organisations des Nations Unies et autres organisations non-gouvernementales de surveillance, d'être le cerveau derrière les horreurs politiques et sociales de mon pays natal. Vous pouvez comprendre ma colère après avoir été briefé sur la façon dont le Rwanda a fourni un soutien financier et militaire à des groupes de bandits sadiques, et comment, en retour, le Rwanda a directement pillé les ressources naturelles du Congo et est indirectement devenu une plaque tournante du commerce de ressources minérales.

Ce jour-là, une seule question me hantait ; combien de souffles et de vies perdus la République démocratique du Congo devrait supporter avant que le monde ne dise que c'en est trop ? Sur un ton hargneux, j'ai répondu à sa question d'une façon simple et audacieuse : « Je vais mettre fin au cauchemar de la République démocratique du Congo ». Tout en essayant de s'arrêter de rire, il m'a demandé quelles seraient mes solutions pour la RDC. Après tout, mon pays natal a traversé plus d'un demi-siècle de chaos économique et social. J'ai d'abord joyeusement formulé mes idées. Il a retiré ses lunettes et m'a demandé d'approfondir mon plan. Inutile de dire que plus je parlais, plus je semblais bête et naïf. Finalement, je n'ai pas été capable de clairement exprimer ma vision, pour la simple et bonne raison que je n'avais jamais sérieusement pensé à tout ceci en détail. Mon plan tout entier ne pouvait satisfaire à un examen en profondeur. La conversation décontractée s'est alors transformée en expérience humiliante et cela m'a rendu humble.

Ce livre émane des disciplines économiques monopolisées depuis plus d'un siècle par les rois de l'évasion et les mathématiciens. Pour toutes les mauvaises raisons que l'on connaît, les économistes ont réduit en millions de petits morceaux le Saint Graal qu'est la classique valeur du travail et ont enlevé à l’humanisme et au monde réel leurs fondements théoriques. Ensuite, ils se sont donné le mal de regrouper certaines pièces, en utilisant des hypothèses stupides comme pansements. Il y a une part de vérité dans l’accusation du Marxiste mis en quarantaine, Fred Moseley, selon laquelle le système économique du monde universitaire a été construit de façon à récompenser ceux qui restent dans le courant dominant. Cet homme vertueux est le Shoichi Yokoi de l’économie, privé de célébrité et de fortune, se cachant dans les jungles de South Hadley au Massachusetts. Il croyait fermement que ses anciens camarades reviendraient le chercher un jour, et qu’ensemble, ils lanceraient un dernier assaut contre le capitalisme. Hélas, simplement blâmer l’orthodoxie pour la non-exactitude de ses théories ne suffira pas à restaurer la vision classique d’un marché efficace ou à nous emmener vers la terre promise.

J’ai commencé ce livre sur une note personnelle avec une lettre à Mama Vincent. C’est une adolescente qui élève seule son enfant dans la rue, que ma femme et moi avons rencontrée dans le centre de Nairobi au Kenya. À un moment donné, j’ai dû tenir Vincent dans mes bras pour tenir les policiers éloignés. Ma renommée de touriste au Kenya a protégé Vincent et sa mère de tout harcèlement policier. La ville de Nairobi a fait passer une ordonnance criminalisant la pauvreté plutôt que de faire la guerre aux inégalités. Cet apartheid de l’ère moderne n’attire pas l’attention internationale, car les oppressés et les oppresseurs ont la même couleur de peau. De nombreuses autres villes adoptent la même approche démente et n’ont pas été inquiétées tant que la ligne qu’elles ont tracée ne déterre pas les conflits raciaux.

Durant mon enfance, on m’a inculqué la notion que les disparités socio-politico-économiques étaient dictées par les lois de la nature ; quelqu’un devait être pauvre pour être le serviteur d’un riche ! Durant les années 90, les riches Congolais ont cherché à se réfugier à l’Ouest pendant la guerre civile. J’ai été témoin de la façon dont, en un clin d’œil, la plupart de ces familles ont perdu le style de vie luxueux auquel elles étaient habituées. Après avoir vécu pendant près de deux décades en exil, même les plus puissants généraux et les proches de l’ancien président ont petit à petit succombé à la paralysie de la misère. Ce n’est donc pas surprenant si bon nombre de barons et de militants de l’Ancien Régime sont rentrés chez eux en rampant et s’investissent activement dans le nouveau système parasite. Mon sage ami sud-africain fait référence à une loi naturelle pour expliquer ce cycle : « Serpent un jour, serpent toujours ! »

 

Ce témoignage personnel sert à montrer la vérité universelle accablante selon laquelle les gens, tout comme les nations, s’intéressent plus à eux-mêmes jusqu’à ce que la chance tourne. Il en va de même pour le mouvement « Occupez Wall Street », après que les Américains aient vu leur rêve de maison avec palissade partir en fumée, ou lorsque les américains ordinaires travaillant dur se sont aperçus que leur retraite avait été complètement anéantie par quelques vagabonds avides. Un autre exemple caustique est le petit groupe constituant l’oligarchie russe qui n’a plus la cote auprès de Vladimir Poutine, et qui ne peut s’empêcher de prêcher une justice et une égalité strictes depuis son exil doré à Londres. Qu’y a-t-il à dire des pays européens jonglant avec des dettes hallucinantes plus élevées que leur PIB ? Ajoutez à ce tableau le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, les pays BRIC qui font exploser leur croissance économique au péril de Mère Nature. Il faut aussi rajouter à ce mélange la majorité arabe qui, ne se satisfaisant plus de la petite part de la richesse nationale tandis qu’une minorité dépense le reste, a changé de position.

Ces récents volcans bouillonnants devraient attirer notre attention sur le fait que l’on devrait rechercher des mesures préventives pour briser le statu quo. Au XXIe siècle, le discours apathique des économistes, « Tant que l’on poursuivra l’évolution actuelle et que l’on ajustera la roue du vieux capitalisme un petit peu plus, tout ira bien », a perdu de sa force et de sa pertinence depuis longtemps. Il est plus que jamais impératif d’initier une révolution culturelle et de développer une réelle alternative au système socio-politico-économique brutal et primitif qui prévaut actuellement, le capitalisme, et à sa version querelleuse, l’économie islamique.

Le pot-pourri bruyant dans ma tête provient du défi auquel chaque pays doit faire face sur cette planète mourante : la disparité socio-politico-économique. C’est le résultat d’une croisade pénible pour découvrir un moyen pragmatique de rendre cet écart négligeable. Ne vous arrachez pas les cheveux tout de suite ; je n’ai pas totalement perdu l’esprit en vous recommandant de sauter sur la selle de l’un des deux chevaux condamnés. Le socialisme et le communisme ont échoué, mais maintenant le capitalisme et l’économie islamique nous déçoivent. Ce livre vous fera parcourir de nombreux labyrinthes sombres et élaborés. Les économistes devraient laisser à la religion et à la médecine le soin de révéler les mystères de l’anormal et du naturel tout en nous réconfortant, ou en abusant de nous, par la même occasion. La responsabilité de l’économie est de trouver des solutions aux excès et à la thésaurisation, ou de les limiter, avant d’entreprendre des vagabondages intellectuels. À la place, elle s’est vue réduite à l’état de glorification du faussement socio-économique.

J’ai noté le scepticisme concernant le fait que quelque chose d’autre que le capitalisme puisse fonctionner. Aujourd'hui, les gens ne se rendent pas compte que le capitalisme faisait partie d’un paradigme basé sur des normes et pratiques sociales barbares. Généralement, lorsqu’une solution sociale domine une zone pendant aussi longtemps que le capitalisme, il devient plus difficile de concevoir que d’autres modèles qui s’occupent d’autres objectifs et questions, existent ou pourraient être construits. Après tout ce que nous commençons à croire, il n’y a qu’une seule façon de faire les choses, et c’est le plus dangereux des appâts.

Où se trouve le livre magique dans lequel trouver comment briser le sort ? Comme un taureau enragé, à la grande incrédulité de mes amis et collègues, j’ai brusquement interrompu ma prometteuse carrière de prostitution intellectuelle et je me suis plongé dans ce qui semblait être du vagabondage académique. Mon objectif initial était de suivre la trace de tout le système commercial depuis la comptabilité, la finance, le management, la politique, et pour finir l’économie. Alors que j’approfondissais ce que j’avais prévu être la dernière partie de mon voyage, des « gourous » de l’économie m’ont écœuré en passant plus de temps à donner des corrélations accidentelles et à impressionner le public, qu’à expliquer d’une façon claire et concise et à résoudre les problèmes économiques mondiaux. Malheureusement, la fainéantise de ces orateurs a biaisé le point de vue du public. Ce que je peux partager de mon expérience avec chacun d’entre vous qui pensez à questionner la forme de commerce actuellement dominante et le capitalisme, c’est de ne pas vous attendre à être bien accueillis ; soyez prêts à faire face à la fureur des Maccarthystes délirants, comme j’ai l’habitude de le faire !!

J’ai laissé à la classe des paresseux cérébraux économistes et politiciens les mauvaises habitudes de tourner autour des problèmes importants. À la place, vous, le lecteur, et moi allons nager contre le courant du torrent. Les chapitres un à six sont des exemples de cas en défaveur du statu quo social, politique et économique actuel : le capitalisme. Et si je vous revoie de l’autre côté du chapitre sept, alors serrez fort ma main à travers les chapitres huit à dix sur des concepts fondamentaux purement socio-économiques qui s'inscrivent dans leur contexte. Prenez votre temps pour digérer le chapitre onze et préparez-vous à recevoir une grosse gifle. Pour l’argument de clôture, le chapitre douze suit la recommandation de James Tobin : « Les bons articles d’économie contiennent des surprises et stimulent d’autres travaux ».

Quoi d’autre ? J’ai rendu la lecture de ce livre plus facile que de tenter de brûler ses graisses. Chaque chapitre débute avec des citations qui vous donneront un indice sur ce à quoi vous pouvez vous attendre et ils sont entrecoupés d’« intermèdes » entre les parties afin d'éveiller les jeunes lecteurs ayant un temps de concentration court. Pour ajouter aussi un zeste de roman destiné aux littéraires enthousiastes. Je dois me confesser auprès de ceux qui s’attendent à des tableaux colorés et à des nombres. Je suis sincèrement désolé de vous décevoir. Pourtant, une chose est sûre, à aucun moment, je n’ai mâché mes mots.

L’idée d’écrire un livre peut se comparer à l'expérience de se retrouver nu devant un large public ; je n’ai jamais eu de problème à le faire. Mais mon combat intérieur constant durant cette expérience a consisté à synchroniser mon cœur avec mon esprit. Tout cela pour dire que j’ai eu à surmonter la tentation d’être guidé seulement soit par la passion, soit par la vision, l’intensité et la précision qui sont essentielles dans cette entreprise qu’est la création d’un concept central pertinent. Souvenez-vous que dans la vie, la passion sans vision est une perte d’énergie, et que la vision sans passion est une impasse.

Une âme magnifique chantait souvent. Swami Vivekananda l’exprime de manière si éloquente : « Prenez une idée. Faites de cette idée votre vie – pensez-y, rêvez-en, vivez cette idée. Laissez votre cerveau, vos muscles, vos nerfs, chaque partie de votre corps, se remplir de cette idée, et laissez de côté toutes les autres idées. C’est le chemin du succès. » Le monde connaîtra peut-être un jour l’ampleur des sacrifices que j’ai fait pour cultiver cette idée, dont je me soucie vraiment, d'une solution aux graves injustices mondiales qui sont à la fois socials, politiques, et économiques. Cependant, l’encre de ce livre serait inutile si je ne vous donnais pas une alternative complète au capitalisme, une solution qui pourrait réparer les ratés de soi-disant petits dieux de la politique économique. Il est temps de réintroduire l’analyse dialectique sans pour autant réveiller les vieux démons de l’économie. Par-dessus-tout, j’espère que ce livre stimulera bon nombre de personnes et les poussera à débattre sur la solution proposée et à la faire avancer. Ou bien à donner vie de façon créative à un autre chemin s’éloignant du capitalisme, afin que William Godwin repose, enfin, en paix.