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Les Soeurs Rondoli

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II. Deux ans s’écoulèrent, puis les hasards du service en mer me ramenèrent à Bombay…

Deux ans s’écoulèrent, puis les hasards du service en mer me ramenèrent à Bombay. Par suite de circonstances imprévues on m’y laissa pour une nouvelle mission à laquelle me désignait ma connaissance du pays et de la langue.

Je terminai mes travaux le plus vite possible, et comme j’avais encore trois mois devant moi, je voulus aller faire une petite visite à mon ami, le roi de Ganhara, et à ma chère petite femme Châli que j’allais trouver bien changée sans doute.

Le Rajah Maddan me reçut avec des démonstrations de joie frénétiques. Il fit égorger devant moi trois gladiateurs, et il ne me laissa pas seul une seconde pendant la première journée de mon retour.

Le soir enfin, me trouvant libre, je fis appeler Haribadada, et après beaucoup de questions diverses, pour dérouter sa perspicacité, je lui demandai: «Et sais-tu ce qu’est devenue la petite Châli que le Rajah m’avait donné».

L’homme prit une figure triste, ennuyée, et répondit avec une grande gêne:

Il vaut mieux ne pas parler d’elle!

– Pourquoi cela? Elle était une gentille petite femme.

– Elle a mal tourné, seigneur.

– Comment, Châli? Qu’est-elle devenue? Où est-elle?

– Je veux dire qu’elle a mal fini.

– Mal fini? est-elle morte?

– Oui, seigneur. Elle avait commis une vilaine action».

J’étais fort ému, je sentais battre mon coeur, et une angoisse me serrer la poitrine.

Je repris: «Une vilaine action? Qu’a-t-elle fait? Que lui est-il arrivé?»

L’homme, de plus en plus embarrassé murmura: «Il vaut mieux que vous ne le demandiez pas.

– Si, je veux le savoir.

– Elle avait volé.

–Comment, Châli? Qui a-t-elle volé?

– Vous, seigneur.

– Moi? Comment cela?

– Elle vous a pris, le jour de votre départ, le coffret que le prince vous avait donné. On l’a trouvé entre ses mains!

– Quel coffret?

– Le coffret de coquillages.

– Mais je le lui avais donné».

L’Indien leva sur moi des yeux stupéfaits et répondit: «Oui, elle a juré, en effet, par tous les serments sacrés, que vous le lui aviez donné. Mais on n’a pas cru que vous auriez pu offrir à une esclave un cadeau du roi, et le Rajah l’a fait punir.

– Comment, punir? Qu’est-ce qu’on lui a fait?

– On l’a attachée dans un sac, seigneur, et on l’a jetée au lac, de cette fenêtre, de la fenêtre de la chambre où nous sommes, où elle avait commis le vol».

Je me sentis traversé par la plus atroce sensation de douleur que j’aie jamais éprouvée, et je fis signe à Haribadada de se retirer pour qu’il ne me vît pas pleurer.

Et je passai la nuit sur la galerie qui dominait le lac, sur la galerie, où j’avais tenu tant de fois la pauvre enfant sur mes genoux.

Et je pensais que le squelette de son joli petit corps décomposé était là, sous moi, dans un sac de toile noué par une corde, au fond de cette eau noire que nous regardions ensemble autrefois.

Je repartis le lendemain malgré les prières et le chagrin véhément du Rajah.

Et je crois maintenant que je n’ai jamais aimé d’autre femme que Châli.

15 avril 1884