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Les Merveilles de la Locomotion

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D. – Locomotion en tous sens, dans toute direction et dans tout milieu

C'est vers 1560, à ce que l'on rapporte, que Gutter de Nuremberg inventa le fusil à air comprimé. Philon de Byzance parle même d'un tube construit par Ctésibius, dans lequel l'air comprimé lançait un trait et qu'il nomme aérotone. Peut-être n'est-ce tout simplement que la sarbacane qu'emploient les écoliers pour lancer des boules d'argile aux oiseaux.

Quoi qu'il en soit, l'invention dont nous voulons parler remonte, quant à son principe, aux temps les plus reculés. Les effets qu'on peut obtenir de l'air comprimé, comme propulseur, sont connus depuis longtemps; mais c'est d'une époque toute récente que date son application au transport des petits paquets.

L'Angleterre nous a précédés dans cette voie, nous avons déjà eu l'occasion de le constater. Après avoir rendu hommage à son esprit d'initiative, nous expliquerons de quelle manière s'opère à Paris le transport des dépêches télégraphiques au moyen de l'air comprimé.

Un tube de six centimètres et demi de diamètre intérieur, suspendu à la voûte des égouts, réunit entre eux les six bureaux télégraphiques de la rue de Grenelle-Saint-Germain (Administration centrale), de la rue Boissy-d'Anglas, du Grand-Hôtel, de la Bourse, de l'Avenue de l'Opéra (près du Théâtre-Français) et de la rue des Saints-Pères, formant un polygone fermé de 6718m,80 de longueur. Chacun des côtés de ce polygone a de 900 à 1,400 mètres de longueur et se compose d'éléments droits ou courbes, horizontaux, inclinés, parfois même verticaux. Le rayon le plus petit à l'angle de deux rues est de 12 mètres et la pente la plus forte de 0m,05 par mètre, sauf aux abords des bureaux, où ce rayon atteint 3 mètres et où le tube devient vertical. Telle est la voie.

Le matériel de transport se compose d'étuis en fer garnis de cuir, ayant 0m,06 de diamètre et 0m,12 à 0m,15 de longueur. Chacun d'eux porte gravé le nom de la station à laquelle il est destiné. Ce sont les wagons.

Le propulseur est des plus simples. Il est renfermé dans deux cylindres en tôle, mesurant chacun 4 à 5 mètres cubes et, dans lesquels on comprime de l'air. Nous avons déjà vu quelle ressource offrent les conduites de Paris, dont l'eau peut s'élever à une hauteur de 15 mètres et possède, par conséquent, une pression représentée par une colonne d'eau équivalente. Un troisième cylindre reçoit l'eau de la ville et chasse l'air dans les deux premiers cylindres où on le puise quand on en a besoin.

Il est inutile d'insister sur les robinets, niveaux, manomètres, qui sont le complément indispensable de ces appareils et qui servent à en suivre la marche, à en régler le fonctionnement. Disons seulement que les moyens employés pour comprimer l'air varient. Nous en avons indiqué un, c'est le plus simple. On fait usage aussi de petites turbines et on emploiera bientôt une machine à vapeur, actionnant des pompes à air. Enfin, on a imaginé un appareil d'entraînement, dont le principe, qui rappelle l'injecteur Giffard, servant à l'alimentation des locomotives, est celui de la trompe ou soufflerie des forges catalanes. C'est un jet d'eau arrivant au centre d'un tuyau en communication avec l'air extérieur et sur lequel il agit mécaniquement pour l'entraîner et le comprimer.

Nous avons décrit le réseau principal. À ce réseau se rattachent des réseaux secondaires; deux d'entre eux sont reliés à la Bourse, et forment un réseau de 18 kilomètres. Le réseau de Paris, avant peu d'années, sera porté à 50 kilomètres. Nous avons fait connaître le matériel et le propulseur. Assistons au départ d'un train du bureau central.

La station de départ prévient par le télégraphe la station voisine, qu'un train est prêt à partir. Celle-ci répond par trois coups frappés sur le timbre qu'elle l'attend. Une petite porte est ouverte sur le tuyau. Les wagons y sont engagés: un ou plusieurs pour chaque station, selon le nombre des dépêches et un ou plusieurs wagons omnibus pour les dépêches de station à station. À leur suite, on met le piston, qui ne diffère des wagons que par une rondelle en cuir emboutie à l'une de ses extrémités. On ferme la porte, et l'air est introduit par un robinet. Il siffle et le train part. Un ronflement a lieu, une minute se passe, puis plus rien; le train est à destination. On referme le robinet d'air et, en manœuvrant les robinets du cylindre à eau, on prépare une nouvelle provision d'air comprimé.

Au bureau central, il part et il arrive un train tous les quarts d'heure. Les dépêches à destination de la province ou de l'étranger sont remontées immédiatement à l'aide d'une corde et d'un panier dans la grande salle du départ et réparties entre les différents appareils, qui communiquent avec le réseau télégraphique.

Tout cela est bien simple, mais ce résultat si merveilleux n'a été obtenu qu'après de longs efforts et des essais multipliés. On a essayé au moins vingt wagons d'espèces différentes avant de s'arrêter à celui qui est employé! Aujourd'hui, si tous les essais ne sont pas terminés, – car on travaille toujours et on perfectionne, – ils sont, du moins, en si bonne voie que toute incertitude est levée et que le système qui fonctionne depuis plusieurs années peut être considéré comme ayant reçu du temps la sanction qui le consacre.

Le tube peut passer dans l'air, sous le sol ou dans l'eau; il suffit que les joints soient hermétiques pour que son fonctionnement soit parfait. C'est assurément l'un des moyens de locomotion les plus remarquables, un de ceux qui rendent déjà et pourront rendre dans l'avenir les plus grands services.

FIN