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Le crime et la débauche à Paris

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XVI
L'AUTOPSIE DE MENESCLOU

L'autopsie de Menesclou a été pratiquée sous la direction de MM. les docteurs Dassay et Sappey. Elle a démontré que l'assassin avait dû être doué d'une force peu commune et que son cerveau, dont le lobe droit était beaucoup plus gros que le gauche, ne pesait pas moins de 1,382 grammes. Les docteurs ont encore pratiqué une autre opération, celle de la transfusion du sang d'un jeune chien, sous la peau de la face; mais soit qu'il se fût écoulé un temps trop long entre le moment de la décollation et celui où a pu être tentée l'expérience, soit aussi tout autre motif, le résultat n'a pas répondu à l'attente des expérimentateurs. Cependant on a remarqué une légère coloration de la peau, ainsi que quelques mouvements des lèvres.

La même expérience, renouvelée sur le tronc, n'a produit aucun effet. Les restes de Menesclou ont été en outre l'objet de diverses recherches d'histologie qui seront ultérieurement mises au jour. Les poumons du supplicié étaient atteints de tubercules. Menesclou était donc phtisique à un degré assez avancé. La taille de Menesclou était de 1 mètre 73. On avait attribué à Menesclou des habitudes contre nature; après vérification des organes examinés, il a été reconnu par M. Dassay, que cette accusation était mal fondée. La famille de Menesclou ignorait encore à midi que le condamné avait été guillotiné, le matin.

XVII
UN RÉGICIDE GLORIFIÉ

Sur une curieuse gravure du temps, possédée par M. F. Febvre, sociétaire de la Comédie-Française, dans son hospitalière Villa Fritz, à Champs, on lit: L'histoire au vray de la Victoire, obtenue par Frère Jacques Clément, Religieux de l'Ordre Saint-Dominique lequel tua, d'un cousteau, Henri de Valois les jours d'Aoust, au bourg St-Cloud, luy présentant une lettre, et le désespoir de d'Espernon, sur la mort du dit Henry de Valois, son maistre.

En un autre coin de la gravure sont inscrits ces vers:

 
Un Jacobin, nommé Jacques Clément,
Considérant le mal qu'Henri faisait en France
Lui remit une lettre, et puis, très promptement
Luy donna d'un coustel, à droiste, près de la panse258.
 

XVIII
EXÉCUTION A NEW-YORK

Le Messager franco-américain, qui se publie à New-York (août 1880), porte:

Maintenant que Chastine Cox et Pietro Balbo ont payé leur dette à la justice humaine, il sera utile de savoir ce que fera cette même justice des meurtriers, exceptionnellement nombreux, en ce moment, qui attendent ses décisions aux Tombs. On en compte en ce moment dix dans cette prison, et sur ce nombre cinq ont assassiné leur femme. C'est d'abord Augustus Leighton, quarante-quatre ans, d'apparence distinguée et d'humeur joviale. Il avait épousé Mary Deane et s'était séparé volontairement ensuite de son épouse. Malgré cela, il était resté jaloux et comme Mary avait un amant, Leighton lui rendit visite, le 13 juin dernier et l'entourant tendrement de ses bras, lui coupa la gorge.

Vient ensuite Benjamin Davis, le véritable type du nègre et de la brute. Nellie Crawfort, sa femme, menait une existence interlope, dont le misérable profitait. Trouvant qu'elle ne lui donnait pas assez d'argent, il la saisit, la jeta à terre et la tua à coups de botte.

La cellule 41 est occupée par Onnifrio Mangano, c'est encore un Italien et lui aussi a tué sa femme, dans un accès de jalousie.

Deux autres assassins habitent la cellule 15, Charles Powers, qui a tué sa femme dans des circonstances atroces. Catherine Powers venait d'accoucher, lorsque son infâme mari rentra ivre, dans la misérable cave qu'elle occupait. Elle l'appela à son aide et le bandit lui répondit, par des coups de poing et de bâton. Le lendemain, la pauvre mère et son enfant mouraient à l'hôpital.

Thomas Weldon rentre, le 21 juin; les voisins entendent Julia, sa femme, crier bientôt: «Tom, ne me tuez pas.» La brute était ivre et la tue à coups de tisonnier.

Puis viennent ensuite Richard Caulfiel, qui a assassiné, le 29 juin, son camarade Balcock d'un coup de hache; Henri Riley, le charretier meurtrier d'un enfant, qui jouait sur sa voiture; Michael O'Neil, excellent père qui a pris la caisse dans laquelle son bébé dormait sur le toit de la maison et l'a précipitée dans la rue; Frederik Munzberg, qui a assassiné il y a quelques jours le malheureux peintre Xavier Lindhauer; enfin, George Apps, le meurtrier de John Collins.

Comme on le voit, la peine de mort étant aujourd'hui érigée en principe absolu, dans l'État de New-York, il y a de l'ouvrage en réserve, pour le bourreau259.

XIX
DÉPENSE D'UN MÉNAGE PARISIEN (1698) D'APRÈS MADAME DE MAINTENON

Versailles, novembre 1698.

Lettre de madame de Maintenon à madame d'Aubigné 260.

Je vous promets un laquais fort grand; les petits ne sont bons à rien. S'il vous déplaît, chassez-le, si son successeur a le même malheur, chassez-le aussi jusqu'à ce que vous en aie trouvé un bon. J'en ai deux très inutiles, que je vous prêterai. Il vous faut un bon feu, de la gelée et peu de train. Quatre chevaux vous suffiront. Je vous écris tout ce qui me vient dans la tête – non pour vous gêner, mais pour vous instruire. – Vous croirez bien que je connais Paris mieux que vous.

Dans ce même esprit, voici, ma chère sœur, un projet de dépense tel que je l'exécuterais, si j'étais hors de la cour261.

Vous êtes donc deux personnes, monsieur et madame;

3 femmes;

4 laquais;

2 cochers;

1 valet de chambre.


Je compte 4 sols de vin pour vos quatre laquais et vos deux cochers. C'est ce que madame de Montespan donne aux siens. Si vous avez de vin en cave, il ne vous coûterait pas trois sols. J'en mets 6 pour votre valet de chambre et 20 pour vous deux, qui n'en buvez pas pour trois.

Je mets une livre de chandelle, par jour, quoiqu'il n'en faille qu'une demi-livre.

Je mets 10 sols en bougie; il y en a six à la livre, qui coûte 1 livre 10 sols et qui dure trois jours.

Je mets deux livres pour le bois. Cependant, vous n'en brûlerez que trois mois de l'année; car il ne faut que deux feux.

Je mets une livre 10 sols pour le fruit. Le sucre ne coûte que 11 sols la livre, et il n'en faut qu'un quarteron262 pour une compote.

Je mets deux pièces de rôti; on en épargne une, quand monsieur ou madame soupe ou dîne en ville. Mais aussi j'ai oublié une volaille bouillie pour le potage; nous entendons le ménage. Vous pouvez fort bien, sans passer 25 livres, avoir une entrée, tantôt de saucisses, tantôt de langue de mouton ou de fraise de veau, le gigot bourgeois, la pyramide éternelle et la compote, que vous aimez tant! Cela posé, et que j'apprends à la cour, ma chère enfant, votre dépense ne doit pas passer 100 livres par semaine, c'est 400 par mois. Posons 500, afin que les bagatelles, que j'oublie ne se plaignent point que je leur fais une injustice.

 


Tout cela n'est-il pas honnête? Et le reste de vos revenus ne peut-il suffire à certains extraordinaires, qu'on ne peut prévoir ou éluder, comme quelques grands repas, l'entretien de deux carrosses, l'acquit de quelques petites dettes?

Cent pistoles (mille livres) suffiront pour vos habits. Vous avez une année d'avance, et je vous en donnerai.

Bonsoir, en voilà assez pour un jour. Si de tout ce que je vous ai dit, un mot peut vous être utile, je n'aurai nul regret à ma peine. Et du moins, je vous aurai appris à ne pas dédaigner le ménage; en lisant ce projet, peut-être me trouverez-vous naïve. Essayez-en, et l'on vous trouvera magnifique.

Adieu, mon enfant, aimez-moi comme je vous aime.

XX
ATTAQUES NOCTURNES AUX ÉTATS-UNIS

On s'est plaint à diverses époques, à Paris, à Londres, des attaques nocturnes: voici ce qui se passe, dans les rues de New-York, en plein midi, en 1880, et doit nous consoler et nous fortifier, dans la résignation.

Le mercredi 8 septembre, quelques instants après midi, le nommé James Mooney, mécanicien de son état, demeurant 125 Ouest 24e rue, se rendait tranquillement chez lui, lorsque deux individus l'ont assailli à l'improviste, par derrière, et l'ont renversé sur le pavé. Mooney a tenté de leur résister, mais il n'a réussi qu'à se faire meurtrir la tête et le corps de coups de pied, après quoi l'un des bandits a retourné ses poches et a pris le peu d'argent qu'elles contenaient. Cela se passait au coin de la 6e avenue et de la 24e rue, sous les veux d'une cinquantaine de personnes. Quelques hommes résolus se sont élancés sur les deux audacieux coquins, mais ceux-ci ont aussitôt tiré un revolver et ont menacé de tuer quiconque s'approcherait d'eux. A la vue des revolvers le rassemblement s'est dispersé, en toute hâte, et les deux bandits se sont éloignés tranquillement, sans se presser, personne n'osant les molester.

La police a fini pourtant par les arrêter.

La loi de Lynch est toujours en honneur, en Amérique, et personne ne songe à en médire, quand on croit qu'elle ne fait que devancer l'application de la loi régulière; mais souvent elle est inspirée par d'autres sentiments que ceux de la justice, comme dans le cas suivant:

Un nommé Thomas Mac Donald, âgé de vingt-huit ans, fermier, demeurant près de Commercial-Point, à quelques milles de Columbus (Ohio), a été enlevé de sa maison et pendu à un arbre d'un bosquet voisin, par des hommes restés inconnus. Mac Donald était venu du Kentucky, il y a quelques années et avait épousé la fille d'un riche cultivateur de la localité.

Il s'était fait détester de ses voisins, par son caractère querelleur et vindicatif. Samedi dernier, il s'est pris de querelle avec l'un d'eux, nommé Thomas Beaver, et a été fort maltraité. Les villageois ont ensuite décidé de se débarrasser de lui, et pour cela ils n'ont rien trouvé de mieux que de le pendre.

Quant aux exécutions régulières, il y en a toutes les semaines. Cette semaine, deux nègres, Williere Powell et Achille Thomas, âgés de dix-neuf et vingt-trois ans, ont été pendus devant la Court House de la paroisse Saint-James (Louisiane), en présence de trois mille spectateurs. Il avaient été condamnés comme meurtriers d'un nommé Théogène Gaudet. Tous deux ont parlé du haut de l'échafaud, un quart d'heure environ. Ils ont reconnu leur culpabilité et exprimé l'espoir de recevoir le pardon de Dieu. La mort produite par strangulation pour chacun d'eux, n'est survenue qu'après vingt-six minutes de pendaison.

Décidément, nous n'avons pas tant à envier à la libre Amérique, en France, on ne tue plus que les honnêtes gens, livrés au bon plaisir des malfaiteurs.

XXI
MEURTRE D'UN DENTISTE

(Francisco, 1er juillet 1880)

A Oakland, le docteur Alfred Lefèvre263, dentiste établi en cette ville, a été blessé mortellement de deux coups de revolver, par un des principaux employés de la London and San Francisco Bank, M. Édouard Schrœder, lequel était venu à Oakland pour accomplir son funeste projet. La victime n'a survécu que peu d'instants à sa blessure; la balle lui ayant perforé les intestins.

Le docteur Alfred Lefèvre était l'un des plus populaires et des plus habiles dentistes d'Oakland, où il résidait depuis dix-sept ans et où il avait toujours joui d'une excellente réputation, aussi bien comme homme privé que comme praticien émérite. Il était âgé de quarante-sept ans et natif de France. Il laisse une veuve et quatre enfants, dont l'aîné n'a pas encore onze ans et le plus jeune quatorze mois.

Edward F. Schrœder, l'assassin du docteur Lefèvre, est un jeune homme de trente-deux ans, occupant une fort jolie position à la Banque de Londres, à San Francisco. Il a toujours mené une conduite exemplaire et s'est acquis l'estime générale. Sa jeune femme, âgée d'environ vingt-cinq ans, est la fille du Rév. docteur Stebbins, de San Francisco. Il l'avait épousée clandestinement et à l'insu de son père, qui s'en était montré scandalisé. Mais depuis lors, l'accord s'était fait dans la famille qui vivait en bonne intelligence.

Quant aux causes réelles qui ont motivé la tragédie, elles ne sont pas encore bien établies, et il règne à ce sujet quelques doutes, que n'a pas éclaircis l'enquête. Il est néanmoins certain que madame Schrœder, qui habitait Oakland, avait souvent rendu visite au docteur Lefèvre, dans le but de se faire nettoyer ou arracher des dents.

Elle rapporte que, lors de sa dernière visite, c'est-à-dire samedi dernier, elle aurait été soumise par le dentiste à l'influence du chloroforme, et qu'en cet état le docteur Lefèvre l'aurait outragée. Lundi, dans l'après-midi, elle était allée au-devant de son mari, arrivant de San Francisco, et l'avait informé de ce qui lui était arrivé. Le mari, voulant venger l'honneur de sa femme outragée, serait allé immédiatement trouver le docteur pour le tuer.

D'après une autre version, celle de Mary Agnew, qui a depuis fort longtemps été employée, par le docteur Lefèvre, en qualité d'assistante, pendant les opérations, il paraît établi que jamais le docteur n'a administré le chloroforme à l'une de ses clientes, sans qu'une tierce personne fût présente; que d'ailleurs les portes étaient toujours grandes ouvertes, afin que tout le monde pût aller et venir, et que264, par conséquent, il était littéralement impossible qu'il se passât rien d'illicite.

Maintenant les docteurs experts appelés en témoignage ont émis l'opinion que l'emploi des agents anesthésiques sur des patients, pouvaient leur causer certaines hallucinations, qui leur faisaient croire à l'accomplissement de faits, qui n'existaient que dans leur imagination, et ils en concluent que l'accusation, formulée par madame Schrœder contre le docteur Lefèvre, pourrait bien être purement imaginaire.

Quoi qu'il en soit, le jury du coroner, en rendant son verdict, a déclaré que le défunt Alfred Lefèvre, âgé de quarante-sept ans, et natif de France, était mort le 26 juillet, dans son office, au coin des rues Huitième et Broadway, à Oakland, par suite d'une hémorragie interne, causée par une blessure d'arme à feu dans la région de l'abdomen, et que cette blessure lui avait été infligée, par un nommé Edward F. Schrœder, coupable du crime de meurtre.

Les débats qui auront lieu au cours du procès détermineront sans doute le cas qu'on doit faire de certaines versions contradictoires. En attendant, et comme pour ajouter encore au mystère, qui semble entourer cette tragique affaire, on rapporte que madame Schrœder a disparu du domicile de son père, où elle s'était réfugiée avec ses enfants, et l'on ajoute qu'elle aurait dit à la prison de ville en quittant son mari qui l'engageait à prendre soin des enfants: «Adieu! car vous ne me reverrez plus vivante!»

XXII
EXÉCUTION DANS LES PRISONS ET CORDES DE PENDUS

On se rappelle que lors du ministère de M. Dufaure, un projet fut élaboré concernant la façon dont seraient réglées, à l'avenir, les exécutions capitales265.

Aux termes de ce projet, on voulait éviter de rendre publiques ces exécutions, tout en leur maintenant la publicité exigée par la loi. Nous croyons savoir que les Chambres auront à en délibérer, dans le cours de la présente session. Cette mesure est bien inutile; il importe de maintenir au supplice, sa publicité, son exemple et de mettre, autour de l'échafaud, un important cordon de troupes, comme pour les exécutions militaires. On ne croira pas, en France, à la réalité de l'exécution, qui n'aura pas eu lieu en public.

Dans une pendaison de cinq Allemands (faisant partie d'une bande d'assassins), qui vient d'avoir lieu (août 1880) aux État-Unis, la foule se précipita de force dans l'une des cours de la prison, où le supplice venait d'avoir lieu, et là, elle piétina les corps, encore chauds, des condamnés, pour leur arracher et se partager les cordes des pendus, sur les corps desquels des industriels mirent des affiches, pour réclames.

Le même fait s'est récemment produit à l'Opéra de Paris, où un machiniste s'était pendu, sous la scène. Quand le commissaire de police du IXe arrondissement, M. Daudet, vint, pour constater le suicide, on ne put lui représenter un seul morceau de la corde, tous les rats l'avaient coupée et partagée, pour se porter bonheur, dans leur carrière si agitée.

XXIII
LE SUICIDE

«Nous sortons de cette vie par trois portes: l'une immense, aux proportions colossales, par laquelle passe une foule de plus en plus compacte, c'est la porte des maladies; la seconde, de moindre grandeur, et qui semble se rétrécir graduellement, c'est la porte de la vieillesse; la troisième, sombre, d'apparence sinistre, toute maculée de sang, c'est la porte des morts violentes, accidents, meurtres, duels et suicides

Ces lignes, extraites d'un livre curieux et rare, l'Ordre divin, par le révérend Sussmilch, ont été écrites en 1740, et, de nos jours, elles ont acquis un caractère frappant de vérité.

En effet, si la mortalité par les maladies peut avoir quelque peu diminué, la mortalité, par les accidents et surtout par les suicides, s'augmente, dans des proportions extraordinaires. La rapidité d'accroissement du nombre des morts volontaires dans les divers États européens est aujourd'hui telle que les gouvernements se sont émus et ont prescrit des enquêtes, dont les résultats ne sont pas encore connus très complètement, quant aux causes déterminantes de la mort volontaire, mais ont été dénombrés, avec une grande exactitude, par pays et par époques.

 

Un statisticien Italien, le professeur Morselli, a relevé les résultats déjà constatés, car il établit ces points principaux: 1º Que le suicide s'accroît, à peu d'exceptions près, dans tous les pays européens; 2º Que la proportion d'accroissement du nombre des suicides est plus rapide que la proportion d'accroissement de la population. Il s'ensuivrait donc que le nombre des morts volontaires augmente, avec les progrès de la civilisation matérielle et avec l'affaiblissement des idées religieuses.

En comparant les chiffres des suicides, obtenus pour les trente dernières années du siècle, on constate que le nombre moyen annuel des suicides est passé de 1845 à 1875:

De 212 à 347 pour la Suède; de 138 à 129 pour la Norvège; de 306 à 448 pour le Danemark; de 1,642 à 3,343 pour la Prusse; de 235 à 362 pour la Belgique; de 340 à 706 pour la Saxe royale; de 809 à 2,472 pour l'Autriche; de 2,951 à 5,256 pour la France266.

On ne connaît pas les chiffres de l'Angleterre et de l'Italie, pour la période de 1865 à 1875; mais de 1025 suicides annuels qu'elle comptait vers 1850, l'Angleterre est passée au chiffre de 1544, pour la période de 1871 à 1875. L'Italie comptait, pendant la période de 1860 à 1865, une moyenne annuelle de 718 suicides; ce chiffre est passé à 923 pour la période de 1871-1875. En Hollande, on n'a pas de chiffres antérieurs à la période de 1865-1877; ce pays comptait à cette époque 94 suicides contre 146 dans la dernière série d'années. Notons enfin, pour qui voudrait comparer les nombres des suicides, en France et en Allemagne, que la proportion d'accroissement a été beaucoup plus forte, dans l'ensemble des contrées, groupées sous la qualification d'empire Allemand, que dans notre pays. Ce nombre, qui, en 1845, était de 2751, s'est élevé au chiffre de 5389 pendant la période dernière de 1871 à 1875.

Sauf dans les pays Scandinaves, où l'épidémie du suicide paraît s'être amoindrie, on constate que partout il y a progression et dans quelques pays les aggravations sont énormes. Ainsi, de 1845 à 1875, le fléau du suicide a doublé en Prusse, en Bavière, en Saxe, a triplé en Autriche et dans le duché de Bade; il a augmenté de 80 pour cent en France, d'environ 60 pour cent en Angleterre, en Danemark, en Belgique. Les contrées où la proportion d'accroissement est vraiment effrayante sont: le canton de Neuchâtel, où cette proportion a quadruplé; celui de Genève, où elle a triplé.

Bien que les nombres cités plus haut soient le résultat de relèvements, faits avec soin sur des documents officiels, il n'en est pas moins vrai que l'exactitude des déclarations n'est pas la même pour tous les pays.

Il existe, en effet, un très grand nombre de localités où le décès, par suicide, échappe aux constatations judiciaires, par suite à la statistique. Si une telle constatation est facile, dans les contrées de populations agglomérées, elle est plus difficile, dans les pays où les habitants se trouvent disséminés sur de grands espaces, où les familles peuvent plus aisément dissimuler les causes véritables du décès.

Par conséquent, si nous connaissons, d'une manière précise, le chiffre des décès par suicide, dans les grands pays comme la France et l'Angleterre, il n'en est pas de même pour l'Allemagne, l'Autriche, la Russie, l'Italie, où nombre d'habitants n'ont que peu de relations avec les centres administratifs.

A quelles causes faut-il attribuer cette maladie du suicide, un genre de folie, suivant beaucoup de médecins, qui doit avoir pour origine une lésion au cerveau?

M. Morselli divise ces causes ou influences en quatre grandes divisions: la division des influences cosmiques ou naturelles; la division démographique, la division sociale et la division individuelle, cette dernière embrassant, comme subdivisions, le sexe, l'état civil, la profession, la condition sociale, le tempérament mental, etc.

Les influences dites cosmiques, c'est-à-dire de climat, de saison, de jour et d'heure, ne donnent que des résultats négatifs. Toutefois, on a constaté une simultanéité entre l'accroissement du nombre des suicides et l'élévation de la température.

Les influences ethnographiques et démographiques ne paraissent pas devoir nous arrêter, car on ne découvre pas aisément quels sont les rapports qui peuvent exister entre les mœurs et les usages du pays et la fréquence des suicides. Notons toutefois que l'influence de race paraît se manifester surtout pour les peuples Germains, puisque dans tous les États Allemands, qu'ils fassent partie de l'Empire Allemand ou de l'agglomération Autrichienne, le nombre des suicides qu'ils comptent, est constamment le plus élevé.

Les influences sociales ne se font sentir bien clairement que pour le culte. On remarque que le suicide est plus fréquent chez les protestants que chez les catholiques et surtout les juifs. La densité de la population reste sans importance sur le chiffre des suicides, mais c'est un fait bien connu, que l'on se suicide beaucoup plus fréquemment et beaucoup plus facilement, dans les villes que dans les campagnes.

Les influences individuelles, biopsychologiques sont celles que l'on a essayé le plus souvent de déterminer, d'une manière précise. Trois points seulement sont établis sans réplique, c'est que le nombre des femmes qui se tuent est de trois à quatre fois moins élevé que celui des hommes; que le suicide fait moins de victimes, parmi les personnes, engagées dans les liens du mariage, que parmi celles qui vivent isolées, principalement en ce qui concerne les hommes. On constate, en effet, que le nombre des morts volontaires est beaucoup plus élevé parmi les célibataires que chez les veufs, et plus élevé également chez les veufs que chez les hommes mariés.

Enfin le suicide s'accroît avec l'âge jusqu'à la limite extrême de la vie, le nombre de personnes suicidées est plus grand parmi les vieillards que parmi les personnes, dans la jeunesse ou dans la force de l'âge.

Quant aux motifs de suicides, il est difficile de les établir d'une manière bien précise, les statistiques officielles ne donnant, à cet égard, aucun renseignement sur lequel on puisse baser une opinion. La cause de cette lacune réside surtout dans ce fait que les familles, si elles déclarent le suicide d'un parent, n'indiquent pas toujours les causes de sa funeste résolution.

Notons aussi que pour un grand nombre de suicides, quand l'individu se tue secrètement ou loin de sa demeure, la cause de sa mort reste absolument inconnue. On peut toutefois énumérer comme causes principales de suicide: la perte de la fortune, le désir d'échapper à une action judiciaire, celui de ne plus être à charge à une famille, les déceptions de cœur267, la monomanie, les maladies incurables et douloureuses, etc.

Un curieux enseignement ressort des documents statistiques que l'on possède en France: les motifs qui poussent la femme au suicide sont habituellement plus généreux, plus élevés, plus empreints de cette grande morale, qui rend bien des philosophes indulgents pour le suicide.

Quant aux modes de suicide, ils varient peu, suivant les pays, partout les désespérés ont recours à la pendaison, au pistolet, à l'arme blanche, au poison, à l'asphyxie par immersion ou le charbon. Les femmes ont rarement recours aux armes blanches ou à feu, mais presque toujours se donnent la mort, par les deux derniers modes indiqués.

La manie du suicide est-elle guérissable? A cette question manque la réponse, puisqu'aux philosophes qui réclament, pour la combattre, une instruction forte et étendue, une éducation morale bien suivie, on répond que le suicide est aussi commun dans les classes élevées de la société que parmi les classes inférieures. Seules, les personnes dont les convictions religieuses sont sincères, à quelque culte qu'elles appartiennent, ne présentent que des cas fort rares de suicides; quels que soient leurs chagrins, leurs déceptions et leurs souffrances, elles se conforment au précepte religieux, qui interdit à l'être humain de chercher à devancer l'heure finale de sa vie.

258De nos jours, on a tenté d'offrir aux régicides des armes d'honneur, pour perpétuer, dans leur famille et la mémoire des hommes, le souvenir des crimes accomplis ou tentés.
259Les Américains dépassent, pour l'esprit pratique et utilitaire, les Anglais.
260Lettres de madame de Maintenon.—Mémoires complets 24 vol (Bibliot. nation.). —État de la France où l'on voit tous les princes, ducs et pairs, ensemble les noms des officiers de la maison du roy, avecque leurs gages, privilèges, suivant l'état porté à la cour des Aydes (dédié au roy), 3 vol in-12. Paris, Trabouillet, 1697. Cet ouvrage donne les détails sur le cérémonial pour le lever, le coucher, l'habillement du roy, l'emploi de sa journée.
261En 1684, le roi, qui se levait entre huit et neuf heures du matin, allait chez madame de Maintenon, de sept heures du soir jusqu'à dix heures, qui était l'heure de son souper; après quoi, il passait chez madame de Montespan jusqu'à minuit, et le petit coucher était ordinairement fini à minuit et demi, au plus tard, à une heure.
262La veuve de Scarron déterminait le roi à entreprendre des travaux ruineux, pour les finances et les hommes, à Maintenon, où 20,000 soldats empruntés aux régiments de Picardie, Champagne, Royal des Vaisseaux, Languedoc, Navarre, Feuquières, Crussol, La Fare, Fusiliers du Roi, Alsace, Vaubecourt, Lyonnais, Dauphin, la Reine, Anjou, Vermandois, Dragons, remuaient des terres, sous le commandement du Marquis d'Uxelles, surveillant 8,000 maçons. La favorite écrivait à madame St. Géran (28 juillet 1687): Les hommes sont bien fous de se donner tant de soins, pour embellir une demeure, où ils n'ont que deux jours à loger. (Voir aux Archives les États du Comptant, signés par Louis XIV.)
263Ne disons pas de mal de cette profession et souvenons-nous qu'un chirurgien dentiste (en 1763) rue Mauconseil, au premier étage, nommé Talma, originaire du Brabant, mais de souche Espagnole, eut, le 15 octobre, pour fils, François-Joseph, qui fut le plus illustre tragédien, non seulement de France, mais du monde entier. En face, était un bureau de loterie, tenu par le Castillan Mira, dit Brunet, où naquit Jean Joseph (1766), mort en 1851, qui fonda les Variétés (1805), où il obtint les succès comiques, qu'il avait déjà ébauchés sur le théâtre de la Cité (ancien Prado) avec Odry, Legrand, Lepeintre et Potier.
264Des faits de cette nature sont fréquents, souvent cachés par le silence intéressé des victimes ou des familles. Espérons qu'ils sont limités à la libre Amérique, en souhaitant que l'éther et le chloroforme, toujours si délicats, si difficiles à manier, ne soient appliqués que par des docteurs-médecins et non par des Mns-dentistes, ce qui veut dire seulement: Mécaniciens-Dentistes! (Voir les débats de l'affaire femme Préterre contre son mari. – Cour de Paris, chambre civile, Mes Allou et Housse.)
265Loi du 27 décembre 1880.
266Les suicides dans l'arrondissement de Laon (1853).
267Surtout dans la jeunesse ou dans la vieillesse: Car lorsqu'on est très vieux, on devient très enfant(Victor Hugo).