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Henri IV en Gascogne (1553-1589)

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CONCLUSION

Reprenons le dernier mot de notre récit pour achever de justifier, s'il en est besoin, la thèse historique énoncée dans l'introduction et prouvée dans le livre.

Le roi de France tout entier s'était affirmé dans le roi de Navarre, à la sanction près des actes, pour laquelle lui firent si longtemps défaut la force et le pouvoir. Il suffit, pour s'en convaincre, de se représenter les traits principaux du souverain durant les deux périodes, parallèlement résumées.

L'homme de guerre qui avait fait ses premières armes sous Condé et Coligny, qui avait tenu tête à Biron et à Matignon, qui s'était joué de Mayenne, qui avait étonné la France par la prise de Cahors et l'Europe par la victoire de Coutras, qui, sans argent, sans allié notable, et avec des poignées de soldats, avait, en douze ans, combattu, fatigué, défait ou détruit huit ou dix armées, ce capitaine, déjà l'égal des plus vaillants et des plus habiles, n'avait plus rien à apprendre lorsqu'il planta sa tente en vue de Paris: le héros d'Arques et d'Ivry s'était formé en Gascogne. Vérité absolue et que ne saurait effleurer même le moindre doute.

L'étude de l'œuvre politique, plus vaste et plus complexe que l'œuvre militaire, aboutit à une conclusion analogue.

Le roi de France pacifia son pays. La paix avait été le but constant du roi de Navarre, prêt à tous les sacrifices pour l'établir ou la maintenir, même quand il n'était entouré que d'ennemis, qu'il avait sujet de redouter les perfidies de Catherine de Médicis et la politique versatile de Henri III, même quand, à se prêter aux accommodements, il risquait, parmi les calvinistes, sa popularité si chèrement acquise.

L'édit de Nantes, qui élargissait l'Etat en y introduisant la liberté de conscience et faisant de la tolérance une de ses lois fondamentales, ce dogme philosophique et politique des temps modernes, si péniblement enfanté, ne fut promulgué qu'en 1599; mais on le rencontre partout dans la vie du roi de Navarre, tantôt comme un sentiment qu'il exprime d'instinct, tantôt comme une pensée dominante, formulée avec ampleur, tantôt enfin, à l'état de revendication précise, dans les négociations, dans les manifestes, dans les traités. La paix de Saint-Germain elle-même, qui précéda la Saint-Barthélemy et en fut la première amorce, c'est l'édit de Nantes avec l'arrière-pensée du piège. Mais il n'y avait aucune arrière-pensée dans l'esprit du roi de Navarre, quand il écrivait à un catholique, cinq ans après la Saint-Barthélemy: «Combien que soyez de ceux-là du Pape, je n'avais aucune méfiance de vous… – Ceux qui suivent tout droit leur conscience sont de ma religion, et moi je suis de celle de tous ceux-là qui sont braves et bons.» La religion dont il parlait en ces termes, à l'âge de vingt-trois ans, qui fut toujours la sienne et finit par lui gagner la France entière, était celle du droit, de l'honneur, de la paix due à tous les hommes de bonne volonté, à tous les fidèles serviteurs de la royauté et du pays. Et ce n'est là qu'une pensée; mais elle reparaît, à chaque instant, confirmée et développée dans les lettres, les déclarations et les protocoles que nous avons cités ou résumés. Henri de Bourbon portait l'édit de Nantes sous sa cuirasse, au milieu des camps et des batailles, un quart de siècle avant qu'il fît de tous les bons Français une seule famille.

Forcé de tirer l'épée contre les armées que Henri III prêtait aux Guises et à la Ligue plutôt qu'il ne les envoyait, de son propre mouvement, contre lui, le roi de Navarre, en un temps où les ambitions étaient sans scrupules et où ses coreligionnaires mêmes projetèrent souvent de démembrer la France, en haine de la monarchie qui les opprimait, donna l'exemple de la fidélité à la patrie et même au roi, en repoussant les propositions de l'Espagne, en combattant les idées anarchiques de Condé et des vieux huguenots, en ne permettant jamais qu'on le regardât comme l'adversaire de Henri III. Il était donc, longtemps avant 1589, le roi «patriote», le roi de la réconciliation, de l'union, de l'unité française.

Les meilleurs mêmes d'entre les souverains sont condamnés, par leur principe, par la loi qui les institue, à tenir pour ennemis, au dedans certains hommes, au dehors certaines nations, et à leur rendre guerre pour guerre. Si ce sentiment d'inimitié est de la haine, il y eut une haine au cœur de Henri IV. Roi de France, il détesta, combattit et voulut abattre cette puissance hispano-allemande qui s'incarnait dans la Maison d'Autriche et, depuis Charles-Quint, menaçait constamment l'Europe de son joug. C'est que, tout enfant, au milieu des débris d'un royaume conquis par l'Espagnol, il avait connu, par tradition, le poids de ce joug, et que, plus tard, roi de Navarre, vivant dans le dangereux voisinage de Philippe II, il avait vu souvent, non seulement ses petits Etats, mais le royaume de France voués au démembrement par les Espagnols et les «espagnolisés». Toute sa politique extérieure, toutes ses vues sur un équilibre européen favorable à son pays, vinrent de la haute et salutaire aversion que lui légua Jeanne d'Albret pour l'ennemi héréditaire, et qui s'entretint au spectacle des marchés de la Ligue avec Philippe II.

Il ne suffit pas à un roi d'aimer son pays, d'être grand par lui-même, d'être le premier de son temps: s'il ne connaît pas les hommes, s'il ne sait pas les susciter ou les choisir pour les associer à sa mission, il ne la remplira point. Cette science des hommes, Henri IV la posséda au plus éminent degré: il eut les ministres, les capitaines, les négociateurs, les magistrats, tous les coopérateurs que réclamait sa royale tâche. Mais il n'avait pas attendu l'héritage de Henri III pour lire dans le cœur et dans l'esprit de ses serviteurs. Il les connut dès la première heure, il les devina, les appela, les mit en leur place, fut leur compagnon autant que leur chef, et il aurait pu dire de la plupart d'entre eux ce qu'il dit un jour de Biron, avant sa chute: «Je le montre volontiers à mes amis et à mes ennemis».

La vertu souveraine, le charme tout-puissant de Henri de Bourbon furent sa clémence et sa tendre sollicitude pour le «pauvre peuple». La vie du roi de Navarre est pleine de pardons généreux, de charités touchantes, d'exquises cordialités. C'est avec de tels trésors qu'il remporta ses plus belles victoires; et quand ils montèrent avec lui sur le trône enfin conquis, ils attirèrent toute la France à ses pieds.

Ici peut s'arrêter ce parallèle, maintenu à dessein dans les principales lignes de l'histoire, par où se jugent les hommes et les époques. L'œuvre de Henri IV est le patrimoine de la France et de la civilisation elle-même. A Dieu ne plaise que, pour flatter l'orgueil des pays nourriciers désignés sous le nom collectif de Gascogne, nous les invitions à revendiquer un injuste privilège de gloire! Mais qu'elle sache bien, cette première patrie du fils de Jeanne d'Albret, depuis les frontières espagnoles du Béarn jusqu'aux plaines de la Dordogne, depuis les plages de La Rochelle jusqu'aux portes de Toulouse, qu'elle sache bien que ce n'est pas seulement l'enfant-roi qui est sorti de son sein, mais le roi tout entier.

APPENDICE

I

Voici la liste des principaux ouvrages qu'il a fallu consulter pour écrire la présente étude:

Lettres missives de Henri IV, recueil de Berger de Xivrey et de J. Guadet.

Histoire de Navarre, par André Favyn.

Histoire des derniers troubles de France, par Pierre Mathieu.

Chronologie Novenaire, de Palma Cayet.

Histoire et Mémoires, d'Agrippa d'Aubigné.

Economies royales, de Sully.

Vie de Mornay.

Journal de P. de L'Estoile.

Histoire de Jacques-Auguste de Thou.

Mémoires divers (Castelnau, La Noue, duc de Bouillon, Marguerite de Valois, Brantôme).

Vie militaire et privée de Henri IV, par Musset-Pathay.

Histoire de France, par Mézeray.

Histoire de France, par le Père Daniel.

Histoire de Henri le Grand, par Hardouin de Péréfixe.

Education de Henri IV, par Duflos.

Histoire des troubles en Béarn, par l'abbé Poeydavant.

Histoire de Jeanne d'Albret, par Mademoiselle Vauvilliers.

Histoire de la Gascogne, par l'abbé Monlezun.

Histoire de l'Agenais, du Condomois et du Bazadais, par J. – F. Samazeuilh.

De l'amour de Henri IV pour les lettres, par l'abbé Brizard.

Le Château de Pau, par Bascle de Lagrèze.

Les Béarnais au temps de Henri IV, par Alphonse Pinède.

Variétés Girondines, par Léo Drouyn.

Archives historiques de la Gironde, précieux recueil, créé et dirigé par M. Jules Delpit, et enrichi, d'année en année, par des travaux, – entre autres ceux de MM. Delpit, Tamizey de Larroque et Léo Drouyn, – dont nous voudrions pouvoir louer dignement le mérite. (Page 2.)

II

Jeanne d'Albret «était, dit Favyn, d'une humeur si joviale, que l'on ne pouvait s'ennuyer auprès d'elle. Eloquente entre les personnes de son siècle, selon les erres de la reine Marguerite, elle pouvait, par le moyen de ses discours, charmer les ennuis et passions de l'âme».

Tel est le portrait, sans doute ressemblant, de la jeune fille et de la jeune femme. Plus tard, Jeanne connut, à son tour, les «ennuis et passions de l'âme».

«C'était, dit Bascle de Lagrèze, la femme la plus instruite de son temps: elle savait le grec, le latin, la plupart des langues vivantes; elle surveillait les études de ses enfants. Instruite par Marot dans l'art de faire des vers, elle enseignait à ses élèves la poésie, qui ennoblit le langage et donne à la prose plus de charme et d'harmonie.»

 

Les anciens auteurs vantent sa «santé florissante», qui ne tarda pourtant pas à dépérir.

«On aime à interroger le château de Pau sur la manière dont Jeanne d'Albret y vivait. Elle consacrait toute la matinée au travail; elle répondait, de sa propre main, aux gouverneurs et aux magistrats, lorsqu'ils s'adressaient directement à elle. Après son dîner, elle donnait audience, soit dans son palais, soit dans son parc, à tout le monde, pendant deux heures; ensuite les seigneurs et les dames étaient admis à lui faire leur cour jusqu'à son souper. Ses plus doux moments étaient ceux qu'elle passait à s'entretenir avec des savants et des hommes de lettres attirés et retenus auprès d'elle par son esprit supérieur autant que par ses libéralités. Si les vertus privées de la reine eussent suffi pour rendre son peuple heureux, le Béarn aurait joui de la continuation des temps de prospérité de Henri II et de Marguerite.» (Page 8.)

C'est à l'époque du passage de Charles IX à Nérac, en 1565, que Mézeray place la réponse de Jeanne d'Albret à Catherine de Médicis, et il rapporte cette réponse dans les termes suivants: «Si j'avais mon fils et tous les royaumes de la terre dans ma main, je les jetterais tous au fond de la mer, plutôt que de perdre mon salut.» (Page 34.)

On lit dans le Château de Pau qu'aussitôt que Jeanne eut pris possession de la souveraineté tout entière, elle ne cacha plus ses sentiments et sa ferme volonté de répandre partout ce qu'elle appelait la «liberté évangélique». Ce haut esprit tomba dans la manie. «Elle travaillait, comme sa mère, à décorer ses appartements de tapisseries brodées de ses mains habiles. Elle avait composé, au château, une tente de plusieurs pièces qu'elle nommait les prisons «rompues». C'était l'emblème des liens et du joug du pape, qu'elle prétendait avoir brisés. Elle y avait retracé diverses scènes de l'histoire sacrée, comme la délivrance de Suzanne, celle du peuple d'Israël opprimé par Pharaon, l'élargissement de Joseph, etc. Elle se plaisait à figurer des chaînes rompues, des menottes, des estrapades, des gibets mis en pièces, et au-dessus, elle inscrivait, en grosses lettres, ces paroles de saint Paul: «Ubi spiritus, ibi libertas». Son animosité contre la religion catholique se montrait partout. Elle avait une très belle tapisserie, faite de la main de Marguerite, et représentant le sacrifice de la messe; elle enleva la partie où le prêtre montrait au peuple la sainte hostie, et y substitua un renard qui, se tournant vers l'assemblée, semblait dire, en faisant d'horribles grimaces: «Dominus vobiscum».

Bascle de Lagrèze, après avoir rappelé les excès commis en Béarn par les réformés, ajoute: «Faut-il donc s'étonner que le souvenir de ces scènes de désolation et de carnage ait laissé une impression profonde dans la mémoire populaire, et jeté sur le nom de Jeanne d'Albret un reflet de sang? Je n'ai pas oublié les récits des anciens du pays que j'aimais à écouter, dans mon enfance, comme un écho des traditions du temps passé. Ils faisaient d'étranges histoires sur la cruauté de la reine Jeanne, à laquelle ils attribuaient toutes les horreurs commises dans son temps, et, de plus, singulièrement augmentées et grossies par leur imagination effrayée et crédule.» (Page 37.)

On lit dans l'Histoire de France de Mézeray, au sujet du monitoire contre Jeanne d'Albret: «… Le roi très-chrétien (Charles IX) commanda à Loysel et à L'Isle, ses ambassadeurs à Rome, de remontrer au pape: Qu'en cette entreprise sur la personne d'une reine menaçant tous les rois qui sont frères, ils étaient tous obligés d'empêcher ce coup qui portait directement sur leurs têtes, lui principalement, à qui cette princesse touchait si près d'alliance et de parenté, qui savait que son aïeul avait été dépouillé de ses Etats pour l'affection qu'il avait témoignée envers la France, qui avait vu mourir son mari pour son service dans la guerre contre les huguenots, et qui nourrissait son fils aîné dans sa cour. Par ainsi qu'il ne pouvait abandonner la protection d'un orphelin et d'une veuve… Mais qu'outre ces considérations de piété et de générosité, celles de son Etat y étaient jointes de trop près pour le dissimuler…» (Page 38.)

Voici le résumé du testament de Jeanne d'Albret:

Après avoir recommandé son âme à Dieu et l'avoir supplié de lui pardonner ses péchés, elle ordonne que son corps soit inhumé, sans pompe ni cérémonie, au lieu où le roi son père avait été enseveli. Ensuite, elle enjoint au prince son fils de cultiver la piété, en la réglant selon le culte dans lequel il a été nourri, de ne pas s'en laisser détourner par les intérêts, les passions et les plaisirs du monde; de veiller à l'exécution de ses ordonnances; de fuir les mauvais conseillers, les libertins, et d'appeler dans son conseil les hommes vertueux; d'avoir un soin particulier de sa sœur Catherine, de la traiter en bon frère, de faire achever son éducation en Béarn, et de la marier avec un prince de sa religion; d'aimer comme ses frères le prince de Condé et le prince de Conti, ses cousins. Enfin, elle institue le prince de Navarre son héritier et met ses deux enfants, leur personne, leur fortune et leur croyance, sous la protection du roi, de la reine et des ducs d'Anjou et d'Alençon. (Page 77.)

III

«Antoine de Bourbon descendait en ligne directe et masculine de Robert, comte de Clermont, cinquième fils du roi saint Louis.

«Ce Robert épousa Béatrix, fille et héritière de Jeanne de Bourgogne, baron de Bourbon de par sa femme Agnès, à cause de quoi Robert prit le nom de Bourbon, non pas toutefois les armes, mais il retint celles de France.

«Cette sage précaution a beaucoup servi à ses descendants pour se maintenir dans le rang de princes du sang, qui peut-être se fût perdu, s'ils n'en eussent pas usé de la sorte.

«Entre les branches puînées qui sont issues de cette branche de Bourbon, la plus considérable et la plus illustre a été celle de Vendôme. Elle portait ce nom, parce qu'elle possédait cette grande terre, qui lui était venue, en 1364, par le mariage de Catherine de Vendôme, sœur et héritière de Bouchard, dernier comte de Vendôme, avec Jean de Bourbon, comte de la Marche. Pour lors, elle n'était que comté; mais elle fut depuis érigée en duché par le roi François Ier, l'an 1515, en faveur de Charles, qui était deux fois arrière-fils de Jean et père d'Antoine. Ce Charles eut sept enfants mâles: Louis, Antoine, François, un autre Louis, Charles, Jean, et un troisième Louis. Le premier Louis et le second moururent en enfance, Antoine demeura l'aîné; François, qui fut comte d'Enghien, et gagna la bataille de Cérisoles, mourut sans être marié; Charles fut cardinal du titre de Saint-Chrysogone et archevêque de Rouen: c'est lui qu'on nomme le vieux cardinal de Bourbon; Jean perdit la vie à la bataille de Saint-Quentin; le troisième Louis s'appela le prince de Condé et eut des enfants mâles des deux lits: du premier sortirent Henri, prince de Condé, François, prince de Conti, et Charles, qui fut cardinal-archevêque de Rouen, après la mort du vieux cardinal de Bourbon; du second vint Charles, comte de Soissons.

«Or, conclut Hardouin de Péréfixe, il y avait huit générations de mâle en mâle depuis saint Louis jusqu'à Antoine, qui était duc de Vendôme, roi de Navarre et père de notre Henri.»

Brantôme a tracé un portrait d'Antoine de Bourbon:

«Il était très bien né, brave et vaillant, car de cette race de Bourbon il n'y en a point d'autres; belle apparence, belle taille, et plus haute de beaucoup que celle de tous messieurs ses frères; la majesté toute pareille, la parole et éloquence très bonne. Il acquit et laissa après lui une très belle réputation en Picardie et en Flandre, quand il fut lieutenant du roi et quand il s'en alla, roi de Navarre, commander en Guienne; car il conserva très bien à ses rois ces pays, et si en conquêta: de sorte qu'on ne parlait, en cela, que de M. de Vendôme.

«Mal récompensé pourtant de ses rois, et même du roi Henri, quand il l'oublia en son traité de paix entre lui et le roi d'Espagne, qu'il ne se fit aucune mention du recouvrement de son royaume de Navarre d'un seul petit trait de plume; et certes, il y eut du tort, car ce prince avait fidèlement servi la couronne de France, pour laquelle soutenir, au moins les siens, la reine Jeanne était déshéritée, et était aussi cousine germaine du roi…»

De Thou rapporte que les conseillers de François II, à l'époque de la conjuration d'Amboise, voulurent faire assassiner Antoine de Bourbon dans le cabinet même du roi. Le roi de Navarre, informé du complot, ne laissa pas d'entrer dans le cabinet. «S'ils me tuent, dit-il à un de ses gentilshommes, prenez ma chemise toute sanglante, portez-la à mon fils et à ma femme: ils liront dans mon sang ce qu'ils doivent faire pour me venger.»

Sa droiture et sa respectueuse contenance devant François II firent échouer le complot.

Ce prince avait, outre les défauts déjà signalés, une honteuse et bien étrange monomanie, – que quelques écrivains, par une confusion qui s'explique, ont gratuitement prêtée à son fils Henri IV. Il prenait, il volait tout ce qui lui convenait! Chaque soir, ses valets de chambre, en le déshabillant, inspectaient ses poches, et, le lendemain, ils allaient à la recherche des personnes victimes du vol royal. (Pages 24-36.)

IV

Il est à remarquer, dit Bascle de Lagrèze, comme une particularité historique très curieuse, que tous les historiens se sont trompés sur la date de la naissance de Henri IV, qu'ils fixent au 13 décembre. Voici ce que nous lisons dans le Journal des naissances et morts des princes de Béarn, tenu par l'évêque d'Oloron: «Ce 14 de décembre 1553, ma dicte Jehanne, princesse de Navarre, accoucha de son troisième fils à Pau en Béarn, entre une et deux heures après minuict. Lequel fut baptisé le mardi VIe jour de mars dudict an, audit lieu de Pau; et furent ses parrains, le roi de Navarre, son grand-père, qui le nomma Henry, et Monseigneur le cardinal de Vendôme, son oncle paternel, et fut sa marraine, la sœur du roi de Navarre, veufve de feu Monseigneur de Rohan.» (Page 11.)

On connaît la première strophe du motet religieux et populaire que, selon la tradition, Jeanne d'Albret aurait chanté à la naissance de Henri IV.

En voici la traduction:

 
Notre-Dame du bout du pont,
Venez à mon aide en cette heure!
Priez le Dieu du ciel
Qu'il me délivre vite,
Qu'il me donne un garçon;
Tout, jusqu'au haut des monts, l'implore.
Notre-Dame du bout du pont,
Venez à mon aide en cette heure!
 

Au sujet de ce cantique publié pour la première fois dans le Château de Pau, l'auteur donne ce détail archéologique: «Voyez-vous en face de l'aile méridionale du château, au milieu du Gave, les piliers à demi ruinés d'un vieux pont qui n'existe plus? Au bout de ce poit, s'élevait jadis une chapelle dédiée à la Vierge, et célèbre par la renommée de ses miracles. C'est à Notre-Dame du bout du pont que les Béarnaises adressaient leurs prières, dans toutes leurs peines, dans toutes leurs souffrances, et surtout dans les douleurs de l'enfantement…» (Page 10.)