Les Mozart, Comme Ils Étaient (Volume 1)

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Les Mozart, Comme Ils Étaient (Volume 1)
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Les Mozart, comme ils étaient

© Diego Minoia

Les Mozart, comme ils étaient

Une famille à la conquête de l'Europe

les voyages, l a musique, les rencontres, les curiosités Le contexte historico-social, la famille,

l'enfance et l'adolescence de Wolfgang Amadeus

Volume 1

(1747 - 1763)

Traduit par Loretta Barbarossa

Tous droits réservés

Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sans le consentement par écrit de l'auteur

www.diegominoia.it

Designer couverture: Marta Colosio

Diego Minoia

Les Mozart, comme ils étaient

Une famille à la conquête de l'Europe

Les voyages, la musique, les rencontres, les curiosités Plan de l'œuvre

Volume 1

1^ partie: Salzbourg et la famille Mozart

Salzbourg - Les Princes - les Évêques - Curiosités de Salzbourg - la musique à la cour des Princes - Évêques - Les musiciens de la Cour de Salzbourg - La famille Mozart (la mère, la sœur, le père, Wolfgang) - La place de Wolfgang dans l'histoire de la Musique - La vie des Mozart à Salzbourg - les revenus des Mozart -

la catalogue des compositions de Mozart.

2^ partie: Pensée, culture et société au XVIIIè siècle La situation géo-politique vers la moitié du XVIII siècle- L'Illuminisme - La société aux temps des Mozart - Théâtre, pouvoir et société - Le théâtre et les imprésarios -

les dédicaces et les gains des compositeurs et librettistes - Les " Castrats" -

Musiciens protégés, prêtés, volés - la musique au XVIIIè siècle- le rôle du musicien dans la seconde moitié du XVIIIè siècle - Le mélodrame - L'église et la musique - Évolution et perfectionnement des instruments musicaux au XVIIIè siècle

3^ partie : La vie quotidienne aux temps des Mozart La maison en Europe au XVIIIè siècle - Le panier ou garde-infante -

Conservatoires et Hôpitaux des pauvres - La lessive - La glace - La nourriture et l’évolution des goûts - Artistes et rôle social - Autres charmes et curiosités : animaux domestiques, Le "Grand habit à la Française" - Paris, le "phare" des modes - Le gossip et les salons aristocratiques - Le "mal obscur" - Les salons de Paris - Le sexe

4^ partie : Les Mozart avant les voyages européens

De 1755 à 1762 : Léopold Mozart, l'École de violon et la formation des jeunes enfants prodiges - La correspondance de Mozart - Les lettres de 1755/1756 -

Léopold Mozart : un peu Auteur, un peu commerçant - Les lettres de l'éditeur Lotter di Augusta - La production de papier jusqu'au XVIIIè siècle - le stratagème

de Léopold - la Foire - L'édition au XVIIIè siècle et les Droits d'Auteur - Les

"copiages de Léopold - Les taxes au XVIII siècle - La formation musicale de Nannerl et Wolfgang à Salzbourg - Les premières compositions de Wolfgang.

5^ partie : Les premiers voyages

Voyager au XVIIIè siècle: les rues, le Guide, les auberges, les dangers - Un peu d'histoire du service des postes jusqu'à l'époque des Mozart - Les premiers voyages: Monaco et Vienne - Vienne, la Capitale de l'Empire - Curiosités -

Correspondance de Vienne - les vêtements au XVIIIè siècle - Les Académies et la musique à la Cour - Le commerce et la diversification de la consommation - les meubles - Que faisaient Wolfgang et Nannerl durant les exhibitions? - Les témoignages de Léopold et des autres personnes présentes - Le phénomène des jeunes enfants prodiges au XVIIIè siècle.

6^ partie: Les Mozart et le Grand Tour européen/1 - Allemagne et Pays Bas, Paris

Ce qu'était le Grand Tour ? - Le grand Tour au contraire des Mozart - Les étapes du voyage: Salzbourg, Monaco, Augusta, Ulm, Ludwigsburg, Bruchsal, Schwetzingen, Heidelberg, Mannheim, Worms, Magonza, Francfort, Magonza, Coblenza, Bonn, Cologne, Aquisgrana, Liège, Tirlemont, Louvain, Bruxelles, Mons, Bonavis, Gournay, Paris

Volume 2

7^partie: Les Mozart et le Grand Tour européen/2

Paris: rencontres, espoirs, cadeaux, succès, curiosités. Les compositions

"parisiennes" de Wolfgang

8^ partie: Les Mozart et le Grand Tour européen/3 - Londres Londres: un monde "nouveau", rencontres musicales de formation, stratégies de marketing et crises du gouvernement. Les compositions " londoniennes" de Wolfgang

9^ partie: Les Mozart et le Grand Tour européen/4 - Le long retour Calais, Dunkerque, Lille, Gand, Anvers, Rotterdam, L'Aja, Amsterdam, L'Aja, Harlem, Amsterdam, Utrecht, Anvers, Bruxelles, Valenciennes, Cambrai, Paris, Dijon, Lion, Genève, Lausanne, Berne, Zurich, Winterthur, Sciaffusa, Donaueschingen, Dillingen, Augusta, Monaco, Salzbourg

10^ partie: Salzbourg/ Vienne/ Salzbourg

Le retour dans la vie courante de Salzbourg, la période de sédimentation et de développement des apprentissages musicaux de Wolfgang, le second voyage à Vienne, la période supplémentaire d'études à Salzbourg en préparation des voyages en Italie

Interlude

le grand Tour en Italie au XVIIIè siècle, les opinions et les journaux des autres voyageurs du Grand Tour. L'Europe et l’Italie dans la seconde moitié du XVIIIè siècle

11^ partie: Premier voyage en Italie

Salzbourg, Innsbruck, Bolzano, Rovereto, Verona, Mantoue, Milan, Lodi, Parme, Bologne, Florence, Rome, Sessa Aurunca, Capua, Naples, Rome, Civita Castellana, Terni, Spoleto, Foligno, Loreto, Senigallia, Pesaro, Rimini, Imola, Bologne, Parme, Piacenza, Milan, Turin, Milan, Brescia, Vérone, VVicenza Padoue, Venise, Padoue,Vicenza, Vérone, Rovereto, Bressanone, Innsbruck, Salzbourg

12^ partie: Second voyage en Italie

A Milan pour la composition de la sérénade théâtrale "Ascanio in alba", de nouveau à Salzbourg.

13^ partie: Troisième voyage en Italie

A Milan pour la composition de l'œuvre "Lucio Silla", à Salzbourg au service de la Cour

14^ partie: Vienne et Monaco

Tentatives infructueuses à Vienne - "la finta giardiniera" à Monaco - Le triste retour à Salzbourg - Le licenciement des Mozart - la séparation entre Léopold et Wolfgang - Départ de Wolfgang et sa mère pour chercher fortune ailleurs Avis au lecteur: des parties sur fond gris sont présentes dans le livre. Il s'agit d'informations et approfondissements qui complètent la discussion et élargissent la compréhension des arguments immédiatement traités auparavant. Bien qu'il soit permis de les ignorer pour ne pas interrompre la lecture des évènements étroitement liés à la famille Mozart (en y retournant peut être à un autre moment), j'espère qu'ils seront appréciés en tant que contribution à l'insertion de chaque situation racontée dans son contexte historique et social.

Présentation

Pourquoi ce livre? Parce qu'il n'existait pas! J'ai cherché durant des années un livre avec ces caractéristiques sur la famille Mozart. N'ayant rien trouvé, comme j'ai toujours fait avec mes livres, je l'ai écrit moi même. Nous pouvons trouver des dizaines de publications sur Mozart, certaines sur la biographie d'Amadeus, d'autres avec des détails et des analyses musicales techniques de ses compositions, d'autres encore avec un mélange de biographie et analyses musicales

Ce livre est différent des autres, le lecteur s'en rendra compte dès les premières pages. D'abord, il s'occupe de la famille Mozart en entier et non seulement de Wolfgang. Ensuite il ne contient pas d'analyses musicales des compositions et la biographie est reconstruite principalement en extrayant les informations de la source la plus directe faisant autorité: la correspondance de Mozart. Enfin, il possède de nombreux arguments qui sont absents dans les autres publications sur la famille Mozart: des informations sur leur époque, sur leur façon de penser et de vivre, des curiosités sur les évènements et les situations dont ils ont été protagonistes etc.

Au travers de ce travail je voudrais fournir un nouvel instrument, moins spécialisé et certainement non musicologique, mais plus riche d'informations et d'idées qui permettent de plonger pleinement dans la manière de vivre et de penser de la seconde moitié du XVIIIè siècle.

J'espère être parvenu à humaniser les Mozart, sans avilir le sujet mais en exposant simplement et clairement les arguments provenant de mon intéressement de plus de dix ans pour Amadeus, Léopold, Nannerl et les mille personnages avec lesquels ils ont été en contact.

Depuis le début, mon intention a été d'écrire un livre qui soit intéressant, facile à lire et amusant autant pour les musiciens (qui ne trouvent pas toujours dans les publications spécialistes des informations et des approfondissements qui permettent de mieux comprendre le contexte dans lequel ont vécu les Mozart) que pour les amateurs de musique (qui pourront s'approcher du "Génie" de Salzbourg sans devoir l'observer du bas vers le haut du piédestal sur lequel il est trop souvent relégué).

Le tout traité sans vols pindariques inutiles de "critique", mais avec la proximité et l'affection que les Mozart méritent pour ce qu'ils ont donné à l'Humanité, en obtenant en échange bien moins que ce qu'ils nous ont offert.

Je raconterai donc comment étaient vraiment les Mozart, comment l'on vivait et pensait au XVIIIè siècle en ajoutant, chaque fois que cela m'a semblé utile pour le

 

lecteur, des curiosités et de brefs approfondissements sur des situations ou des arguments liés étroitement à ce que firent, virent et pensèrent les Mozart lorsqu'ils étaient à Salzbourg, lorsqu’ils voyageaient dans le "tour européen", lorsqu'ils sont venus trois fois dans la bien aimée Italie etc.

Dans ce travail nous nous occuperons de la période qui va de 1747 à 1775, presque trente ans qui comprennent la formation de la famille Mozart, la naissance des enfants, les premières sorties de Salzbourg pour les faire connaître comme des enfants prodiges, le Grand Tour européen, les trois voyages en Italie jusqu'aux dernières tentatives à Vienne et Monaco faites par Wolfgang et son père.

Après cette période, Wolfgang voyagea seul (à l'exception de brève partie du début du voyage entre Monaco et Paris, où il fut accompagne par sa mère, qui mourra dans cette ville), il déménagea définitivement à Vienne, se maria et termina sa parabole artistique et humaine en 1791. la période après 1777, donc, est une nouvelle phase de la vie d'Amadeus qui exulte dans le cadre de ce texte.

Le lecteur intéressé par ce travail pourra choisir, selon ses préférences et habitudes, entre l'achat de la version e-book ou l'édition traditionnelle ou en papier, chacune en deux volumes.

Bonne lecture.

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart 1^ Partie

Salzbourg et les Mozart

Le récit des aventures liées à la famille Mozart pourrait être défini en empruntant le sous-titre du Don Giovanni, un "drame ludique". Un oxymore qui a certainement amusé Mozart qui aimait les jeux de mots et qui, sans aucun doute, s'adapte très bien au séducteur protagoniste de l’œuvre. mais la définition peut également s'adapter à la parabole de Mozart, même si l'inversion des termes

"Comédie dramatique" serait probablement plus adapte et définirait mieux le parcours des Mozart sur cette terre. Les débuts, en effet, furent même si avec quelques difficultés, certainement joyeux et riches de satisfactions pour le tout jeune Wolfgang, enfant prodige avec sa sœur Maria Anna dite Nannerl: des concerts auprès des principales Cours européennes, des compliments et des dons de la part des régnants et du Pape, des admissions à de prestigieuses Académies musicales (Bologne, Vérone), des honneurs (Chevalier de l'ordre de l'Éperon d'or, accordés par le Pape Clément XIV), des voyages d'aventures pleins de rencontres intéressantes, la découverte du monde au delà des frontières de la petite Principauté de Salzbourg.

Toute la famille participa aux tournées, au moins durant les premières années, pour lancer les deux frères prodigieux, y compris lors du long voyage européen qui toucha l'Allemagne, la Hollande, la Belgique, la France, l'Angleterre et la Suisse. Lors des trois voyages italiens, au contraire. voyagèrent uniquement Wolfgang et son père Léopold, désormais décidé à compléter la formation de l'unique fils pour le préparer à la carrière de compositeur, en l’amenant à

"s'abreuver directement à la source" de la musique de l'époque: l'Italie. Aventures et voyages qu'ils entreprirent pleins d'espoir, de curiosités et les oreilles grandes ouvertes pour écouter, comprendre, absorber la musique, les styles, les modes qui auraient fait du petit "phénomène" un géant de la musique. Cependant tout n'alla pas comme ils l’espéraient et l'aventure de la comédie joyeuse se transforma doucement en drame.

Dans la partie finale de la vie de Wolfgang, durant les années de la recherche d'une consécration à Vienne, après les grands succès, un processus de

"refoulement" progressif du musicien de Salzbourg commença dans l'esprit à la mode et superficiel du public viennois, une attitude qui donna certainement beaucoup d'amertume et de déception au musicien et à l'homme. Nous parlerons de tout cela en temps voulu, ainsi que de la musique de Mozart, je pense cependant que, pour connaître réellement un Artiste, il faut comprendre les lieux 11

Diego Minoia - Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart qu'il fréquentait, les manières de vivre et de penser de son époque, les rencontres et les idées qui l'ont formé.

Sans ces informations nous pourrions certainement jouir de l'écoute des compositions de Mozart mais nous risquons de limiter notre compréhension à l’environnement musical, au musicien et pas à l'homme dans son intérêt, vu justement ce qu'apportent les lieux, les personnes et les idées. Il est donc opportun de partir du début, et le début est Salzbourg, la ville qui fut d'abord un berceau et ensuite une prison dans la perception des Mozart.

Salzbourg où tout a commencé

Mon récit commence inévitablement par Salzbourg. Dans cette belle petite ville, maintenant autrichienne mais à l'époque, encore sur les territoires bavarois, étendue sur la rive du fleuve Salzach, en effet, le 27 janvier 1756 naissait Johannes Chrysostomus (le saint du jour) Wolfgangus (nom du grand-père maternel) Theophilus (nom du parrain) Mozart. Theophilus (du grec Theofilos, ami de Dieu, qui aime Dieu) fut bientôt transformé en Amadeus et, ensuite, parfois gracieusement réduit à Amadé. dans les lettres du père, parfois également la version allemande Gottlieb, ainsi qu'affectueusement Wolferl.

Salzbourg était à l'époque la petite capitale (elle comptait environ 16000

habitants) d'une des nombreuses Principautés faisant partie du Saint Empire Romain des nations germaniques, une fédération d’états indépendants (certains gouvernés par des souverains laïcs et d'autres par des Princes Archevêques) qui reconnaissaient la suprématie à l'empereur. Le Prince Archevêque de Salzbourg était de droit primat d'Allemagne et chef des évêques bavarois donc, pour être précis, le très revendiqué (par les autrichiens) Wolfgang Amadeus Mozart en réalité est allemand de Bavière. Il le confirme lui même (mais son père Léopold, allemand d'Augusta, en fait de même), lorsque, dans les lettres de la correspondance, il compare les usages et les coutumes des pays étrangers qu'il parcourt, il les compare en disant "ça n'est pas comme en Allemagne" ou "nous les allemands". Nous trouvons d'autres confirmations dans une lettre, envoyée par Léopold Mozart de Paris à Maria Theresia Hagenauer (épouse de l'ami Johann Lorenz Hagenauer) avec l'adresse suivante: "A Madame/ Madame Maria Theresia/Hagenauer/Salzbourg/en Bavière".

L'empreinte religieuse, à Salzbourg, était bien évidente, même architecturalement, vu la présence de nombreuses églises et d'un Chapitre de la Cathédrale qui comptait jusqu'à 24 canons. La Principauté fut durant des siècles liées à la Bavière, culturellement et économiquement, ce n'est qu'en 1816, après 12

Diego Minoia – Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart des hauts et des bas qu'elle fut attribuée territorialement à l'Autriche suite aux décisions

prises

lors

du

11

Diego Minoia - Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart Congrès de Vienne, Dans la Principauté le Prince-Évêque avait (comme du reste le Pape dans l'État de l’église) tant le pouvoir spirituel que temporel. Les origines de l’assaut nous ramènent à un monastère présent depuis le Vè siècle mais la ville commença à se développer après que S.Rupert s'y installa au siècle suivant. Au fil des siècles la ville connu de nombreuses luttes de pouvoir mais se développa avec un aspect médiéval, sombre et gris, tant au Château que sur le sommet de la colline et dans la zone urbaine en contrebas, traversée par des rues étroites et sombres.

Le tournant architectural et culturel de la ville eut cependant lieu avec le Prince-Évêque Wolf-Dietrich von Raitenau (1559-1617), parent de la famille De'

Medici car neveu de Giovanni Angelo de' Medici, Pape Pie IV. Ce fut Von Raitenau, fortement contre-réformateur durant sa jeunesse à Rome qui conçut la transformation baroque en style italien de Salzbourg, achevée ensuite par ses successeurs. L'ambition de faire de Salzbourg une "petite Rome" se voit également dans la Cajetan Kirche (Église de S.Gaetan) commandée à l'architecte italien Gaspare Zugalli, qui rappelle S.Pierre et dans laquelle fut ensuite créée une Échelle sainte qui rappelait l'échelle romaine de San Giovanni in laterano. Von Raitenau restaura la Residenz, le Palais de la ville où l'on pouvait vivre plus confortablement et que l'on administrait plus facilement par rapport aux froids locaux du Château et attribua la mission de projeter le nouvelle Cathédrale à l'architecte de Vincence Vincenzo Scamozzi (le même qui projeta le Théâtre de Sabbioneta, premier édifice en brique utilisé comme théâtre depuis l'ère moderne). Il fit démolir et reconstruire une grande partie du centre habité sous forme d'inspiration italienne, avec d'amples places et des maisons aux couleurs pastelles qui rappelaient, sans nier les traditions locales, des aspects et des caractères de type plus méridionaux.

Le lien avec l'Italie est également démontré par le fait que justement à Salzbourg, en 1614, fut réalisé le premier mélodrame hors des frontières italiennes : il s'agit d' Orfeo (vraisemblablement celui de Monteverdi, qui l'avait créé en 1607 pour la Cour de Mantoue des Gonzague et qui en avait publié la partition en 1609). Cependant, le personnage de von Raitenau, sans nier ses incontestables mérites, ne manquait certainement pas de côtés en contraste avec sa passion pour l'art : à partir de sa prédisposition guerrière (il eut une longue querelle pour le contrôle des mines de sel gemme présentent sur le territoire, une vraie source de richesse ) jusqu'à l'indulgence envers des aspects mondains qui sortaient du cadre ecclésiastique (il eut une maîtresse, Salomé Alt, qui l'honora de quinze enfants et pour laquelle il fit construire le Palais Mirabel avec ses splendides jardins).

13

Diego Minoia - Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart De nombreux Princes-Évêques succédèrent à Von Raitenau, ils complétèrent la transformation de la ville en ce petit bijou que l'on peut encore admirer, jusqu'à Sigismund III Christoph von Schrattenbach (1698-1771). D'origines nobles et de formation culturelle romaine, il fut amant des arts et eut Léopold Mozart à son service ainsi que Johann Michael Haydn (frère du plus fameux Franz Joseph Haydn), qui fut Maître de chapelle à Salzbourg et influença musicalement les premières œuvres de composition de Wolfgang Mozart . A Schrattenbach suivi Hieronymus Joseph Franz de Paula Colloredo von Wallseey und Mels (1732-1812) qui gouverna la Principauté de 1772 à 1803, lorsque le domaine fut sécularisé il fut d'abord confié à Ferdinand d'Hasdbourg et ensuite directement administré par Vienne, la capitale de l'Empire des Habsbourg.

Colloredo, d'un caractère autoritaire bien qu'adepte d'un certain Illuminisme paternaliste, fut un homme de culture amant de l'art, ainsi qu'un violoniste amateur. La diffusion de certaines idées illuministes auprès des Princes européens est démontrée par le fait que Colloredo avait dans son atelier les portraits de Rousseau et de Voltaire. Il avait des idées précises et des goûts très définis, certes non avant-gardistes par rapport à l'époque, concernant les musiques qu'il voulait utiliser dans les situations civiles et religieuses de la Principauté . A un certain point, afin de réduire les frais, il élimina les activités théâtrales auxquelles Wolfgang aspirait en tant que compositeur. La relative compétence musicale de Colloredo peut sans doute expliquer le bas concept qu'il avait de Léopold Mozart comme musicien, sans doute également embêté par les pressions insistantes de celui-ci qui aspirait à une promotion de vice maître de chapelle en charge supérieure. Chose qui, entre autre, n'arriva jamais malgré le récit des succès triomphants que Léopold avait certainement diffusé en ville en rappelant les étapes du Grand Tour européen effectué quelques années auparavant.

Ensuite, le caractère rebelle et effronté du jeune Amadeus ainsi que les insubordinations difficilement retenues (entre temps il avait été engagé comme musicien auprès de la Cour archiépiscopale et, ensuite, comme organiste), ne le rendirent pas un personnage apprécié, au point qu'à la fin Wolfgang "obtint"

d'être licencié, avec en plus le fameux coup de pied reçut par le comte Karl Joseph Félix Arco, Chamberlan de l'Archevêque. Nous parlerons de cela et de bien d'autres choses par la suite en suivant les aventures de Mozart au travers de la riche correspondance qui nous est parvenue.

 

Mais comment la ville de Salzbourg était-elle organisée socialement à l'époque des Mozart ?

La petite ville princière, comme toutes les autres capitales des nombreux États indépendants et confédérés de l'Empire, avait le Prince et sa Cour au centre, ceux-14

Diego Minoia – Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart ci, tout comme les ondes concentriques formées par une pierre jetée dans l'eau, étaient couronnés par des groupes sociaux qui présentaient des niveaux culturels et économiques inférieurs à mesure que l'on s'éloignait du centre.

13

Diego Minoia - Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart Le premier groupe était formé par la partie la plus élevée de l'aristocratie locale, distinguée de nominations et de charges pour la gestion de la Principauté (ou bien spirituelles, avec les Chanoines de la Cathédrale, ou bien temporelles, avec les responsables des différentes administrations) et des activités publiques et privées de l'Archevêque (Grand Chamberlain, Conseillers, Ministres etc.). Dans un ultérieur cercle, qui agissait sur les précises indications du "cercle magique"

décisionnel, un groupe de fonctionnaires qui pouvaient gérer leur peu de pouvoir envers leurs soumis et qui avait donc un certain prestige social provenant de leur rôle: les fonctionnaires du palais, les hautes hiérarchies militaires, les musiciens avec des charges importantes (Maîtres de Chapelle, Maîtres de concerts, Compositeurs de Cour).

Encore plus éloigné du pouvoir mais qui dépendaient économiquement, au moins en partie, du Palais, se trouvaient les bourgeois, moyens et petits (artisans, commerçants, divers professionnels) qui faisaient des affaires et fournissaient des services à ceux qui possédaient de l'argent. Enfin, il y avait la populace qui allait du garçon au serviteur, de l'homme de labeur à ceux qui vivaient au jour le jour: ceux-ci n'avaient ni droit ni prospectives et se considéraient chanceux s'ils parvenaient à obtenir quelques subventions qui puissent les aider à vivre.

Souvent, en effet, des supplications de tout genre étaient adressées aux bureaux princiers, celles-ci pouvaient aller de la demande d'un poste de travail à une demande d'aide financière pour leur chômage, de la demande d'être exempté de quelque taxe (nous verrons que même Léopold Mozart le fit par rapport à la taxe sur le vin importé) au permis pour se marier. Presque chaque aspect de la vie des citoyens était soumis à la volonté (parfois au caprice) des puissants. Il est vrai que la majorité de ces demandes de subsides étaient généralement satisfaite (vingt pourcent de la population de Salzbourg jouissait de quelques subsides), parfois moins importants par rapport à la demande, ce qui permettait au Prince de maintenir une certaine tranquillité sociale en faisant cependant clairement comprendre qu'il ne s'agissait pas de droit mais de dons gracieusement accordés aux sujets.

Curiosités de Salzbourg

Voici quelques curiosités (certaines provenant du Journal écrit par Nannerl), liées à la vie quotidienne de Salzbourg, qui peuvent nous aider à mieux comprendre cette lointaine époque et la vie quotidienne de la famille Mozart.

Coups de fouet à la municipalité: lorsque l'on "découvrait" des jeunes filles qui se comportaient de manière moralement inconvenante par rapport à la sexualité, 15

Diego Minoia - Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart elles étaient publiquement fouettées dans la Mairie et envoyées dans une "maison de correction". Le 11 août 1775 ce sort arriva à sept femmes de chambre.

Les Grenadiers: lorsque l'Archevêque se déplaçait pour se rendre hors de la ville il était escorté par de nombreux grenadiers (40, dans les notes de Nannerl) comme escorte d'honneur et de protection contre des attaques éventuelles La grace: la Fraternité de la Trinité avait obtenu le privilège de pouvoir demander, à l'occasion du Vendredi Saint, la grace pour un condamné à mort. Nannerl écrit qu'il s'agissait d'un meunier qui avait assassiné un huissier de justice.

Les dangers dans les brasseries: un certain Mr. Stadler s'est asphyxié dans la cave de la brasserie Stockhammer (encore active aujourd'hui à Salzbourg).

Expériences physiques: à l'Université de Salzbourg occasionnellement se tenaient des leçons de physique avec la réalisation d'expériences, auxquelles uniquement les nobles de la ville pouvaient participer. Dans des lieux moins austères également, comme par exemple dans la Brasserie Kugel, où dans la salle de la municipalité on "représentait" des expériences de physique, c'est ce qui arriva durant la période du marché de la part de Phisicus Hooghe. On ne connaît rien de ce Hooghe mais il est certain qu'à l'époque, des personnages comme Docteur Dulcamara dans l’ élixir d'amour de Donizetti, circulaient dans les foires en même temps que les vrais savants, avec quelques astuces ils joignaient les deux bouts en atteignant la crédibilité populaire et le croissant intérêt pour les sciences typiques de ces temps là.

Les expériences scientifiques parmi les curiosités et le phénomène social Parmi les expériences les plus simples qui étaient à la mode à la moitié du XVIIIè siècle, au point de les afficher en peinture dans les milieux familiaux, il y avait celle de démontrer l'importance de l'air pour les êtres vivants: on mettait un petit animal sous une cloche en verre de laquelle on extrayait l'air à l'aide d'une pompe spéciale et on restait là à le regarder mourir. Dans l'Europe toute entière la curiosité pour les sciences se propageait, même parmi les femmes, au point que dans les salons parisiens on formait des groupes de 20/25 personnes pour assister à des cours de chimie, de physique ou d'histoire naturelle. Sur les tables des femmes les traités de physique et de chimie remplaçaient les romans et les livres de philosophie. En Europe on publie des journaux pour femmes qui unissent des arguments scientifiques à la poésie, des conseils pour l'étiquette aux nouvelles d'astronomie etc. Des accidents et des "martyrs" dans la recherche du progrès, 16

Diego Minoia – Les Mozart comme ils étaient

1^ partie - Salzbourg et la famille Mozart comme celui de J.P. de Rozier, chimiste et physique qui donnait des leçons aux nobles parisiens et qui est passé à l'histoire pour avoir été le protagoniste, avec sa montgolfière, du premier accident aérien mortel de l'histoire. Même l'anatomie eut ses adeptes, comme la comtesse de Coigny âgée de dix-huit ans qui semble t-il, durant ses voyages, emmenait un cadavre dans une caisse pour ses exercices dissection.

les exercices: dans un environnement comme Salzbourg, pauvre en évènements susceptibles d'interrompre la vie quotidienne, même aller voir l'entraînement des soldats devient une occasion pour sortir de chez soi et se distraire.

Les processions : à différents moments de la vie liturgique, on célébrait des évènements solennels. Parmi ceux-ci la procession du Corpus Domini accompagnée par la chevalerie princière et par des tirs à blanc durant les différents arrêts effectués sur la Place de la Cathédrale. Il est évident qu'à Salzbourg, les fêtes liturgiques étaient célébrées de manière moins cruelle que celles de Paris où lors de la fête de la S. Jean, le Roi de France lui même mettait le feu à un bûcher sur lequel des chats et des renards étaient jetés et brûlés vifs.

Suicides et folies: même alors, les situations de désespoir induites par la misère et par l’insupportable méchanceté de quelques "maîtres" trop autoritaires ne manquaient pas. Dans les chroniques de Nannerl on rapporte par exemple, le suicide d'un pauvre Schlauka, domestique pendu à 23h30 dans sa chambre. Un certain von Amann, au contraire, devenu fou, semble t'il et hospitalisé en ville pendant qu'un certain Edlenbach meurt dans la forteresse où il était enfermé à cause de son embêtante ivresse.