Free

L'archéologie égyptienne

Text
iOSAndroidWindows Phone
Where should the link to the app be sent?
Do not close this window until you have entered the code on your mobile device
RetryLink sent

At the request of the copyright holder, this book is not available to be downloaded as a file.

However, you can read it in our mobile apps (even offline) and online on the LitRes website

Mark as finished
Font:Smaller АаLarger Aa

Certains d’entre eux étaient d’une richesse extraordinaire. Ici, c’est une coupe dont les anses sont deux boutons de papyrus, et le pied un papyrus épanoui ; deux esclaves asiatiques ou qu’on étalait sous les yeux des convives les jours de gala. Certains d’entre eux étaient d’une richesse extraordinaire. Ici, c’est une coupe dont les anses sont deux boutons de papyrus, et le pied un papyrus épanoui ; deux esclaves asiatiques allongé, se dresse au milieu des arbres. Évidemment les ouvriers qui ont exécuté ce travail tenaient moins à l’élégance et à la beauté qu’à la richesse et à l’effet. Ils se souciaient peu que l’ensemble fût lourd et de mauvais goût, pourvu qu’on admirât leur habileté, et la quantité de métal qu’ils avaient réussi à employer. D’autres surtout du même genre, présentées à Ramsès II, dans le temple d’Ipsamboul, remplacent les girafes par des buffles courant à travers les palmiers.

C’étaient de vrais joujous d’orfèvrerie analogues à ceux que les empereurs byzantins du IXe siècle avaient dans leur palais de la Magnaure, et qu’ils étalaient les jours de réception pour donner aux étrangers une haute idée de leur puissance et de leur richesse. On les voyait défiler avec les prisonniers, dans le cortège triomphal de Pharaon, lorsqu’il revenait victorieux de ses guerres lointaines. Les vases d’usage journalier étaient plus légers et moins chargés d’ornements incommodes. Les deux léopards qui servent d’anse à un cratère du temps de Thoutmos III ne sont pas bien proportionnés et se combinent mal avec les rondeurs de la panse, mais les coupes et l’aiguière sont d’une ordonnance heureuse et d’un contour assez pur.

Ces vases d’or et d’argent ciselé, travaillés au repoussé, et dont quelques-uns offrent des scènes de chasse ou de guerre disposées par zones, furent imités en Phénicie, et les contrefaçons, expédiées en Asie Mineure, en Grèce, en Italie, y transportèrent plusieurs des formes et des motifs de l’orfèvrerie égyptienne. La passion des métaux précieux était poussée si loin sous les Ramessides, qu’on ne se contenta plus de les employer au service de la table. Ramsès II et Ramsès III avaient des trônes en or, non point plaqués sur bois, comme en avaient eu leurs prédécesseurs, mais massifs et garnis de pierreries. Tout cela avait trop de prix pour durer et disparut à la première occasion ; la valeur artistique ne répondait pas d’ailleurs à la valeur vénale, et la perte n’est pas de celles dont on ne saurait se consoler.

Les Orientaux, hommes et femmes, sont grands amateurs de bijoux. Les Égyptiens ne faisaient pas exception à la règle. Non contents de s’en parer à profusion pendant la vie, ils en chargeaient les bras, les doigts, le cou, les oreilles, le front, les chevilles de leurs morts. La quantité qu’ils enfouissaient ainsi dans les tombeaux était si considérable, qu’après trente siècles de fouilles actives, on découvre encore, de temps en temps, des momies qui sont, pour ainsi dire, cuirassées d’or. Beaucoup de ces bijoux funéraires n’étaient que des ornements de parade, fabriqués pour le jour des funérailles, et dont l’exécution se ressent de l’usage auquel ils étaient destinés. On ne se privait pas pourtant d’enterrer avec les morts les bijoux qu’ils avaient préférés de leur vivant, et ceux-là sont traités avec un soin qui ne laisse rien à désirer. Les bagues et les chaînes nous sont arrivées en très grand nombre, et cela n’a rien que de naturel. En effet, la bague n’était pas comme chez nous un simple ornement, mais un objet de première nécessité ; on scellait les pièces officielles au lieu de les signer, et le cachet faisait foi en justice. Chaque Égyptien avait donc le sien, qu’il portait constamment sur lui afin d’en user en cas de besoin. C’était, pour les pauvres, un simple anneau en cuivre ou en argent, pour les riches, un bijou de modèle plus ou moins compliqué, chargé de ciselures et d’ornements en relief. Le chaton mobile tournait sur un pivot. Il était souvent incrusté d’une pierre avec la devise ou l’emblème choisi par le propriétaire, un scorpion, un lion, un épervier, un cynocéphale.

Les chaînes étaient pour l’Égyptienne ce que la bague était pour son mari, l’ornement par excellence. J’en ai vu une en argent qui mesurait plus d’un mètre cinquante de long. D’autres, au contraire, ont à peine cinq ou six centimètres. Il y en a de tous les modules, à tresse double ou triple, à gros anneaux, à petits anneaux, les unes massives et pesantes, les autres aussi légères et aussi flexibles que le plus mince jaseron de Venise. La moindre paysanne pouvait avoir la sienne, comme les dames du plus haut rang ; mais il fallait que la femme fût bien pauvre dont l’écrin ne contenait rien d’autre. Bracelets, diadèmes, colliers, cornes, insignes de commandement, aucune énumération n’est assez complète pour donner une idée du nombre et de la variété des bijoux qu’on connaît, soit par la représentation figurée, soit en original. Berlin a la parure d’une Candace éthiopienne, le Louvre, celle du prince Psar, Boulaq celle de la reine Ahhotpou, la plus complète de toutes. Ahhotpou était femme de Kamos, roi de la XVIIe dynastie et peut-être mère d’Ahmos Ier. Sa momie avait été enlevée par une des bandes de voleurs qui exploitaient la nécropole thébaine, vers la fin de la XXe dynastie. Enfouie par eux, en attendant qu’ils eussent le loisir de la dépouiller en sûreté, il est probable qu’ils furent pris et mis à mort, avant d’avoir pu exécuter ce beau dessein. Le secret de leur cachette périt avec eux et ne fut découvert qu’en 1860, par les fouilleurs arabes. La plupart des objets que la reine avait emportés dans l’autre monde sont des bijoux de femme, un manche d’éventail lamé d’or, un miroir de bronze doré, à poignée en ébène, garnie d’un lotus d’or ciselé.

Les bracelets appartiennent à plusieurs types divers. Les uns étaient destinés à garnir la cheville et le haut du bras, et sont de simples anneaux en or, massifs ou creux, ourlés de chaînettes en fils d’or tressés, imitant le filigrane. Les autres se portent au poignet, comme les bracelets de nos femmes, et sont formés de perles en or, en lapis-lazuli, en cornaline, en feldspath vert, montées sur des fils d’or et disposées en carré, dont chaque moitié est d’une couleur différente. La fermeture consiste en deux lames d’or, réunies par une aiguillette également en or : les cartouches d’Ahmos Ier y sont gravés légèrement à la pointe. C’est également au Pharaon Ahmos Ier qu’appartenait un beau bracelet d’arc, dont la facture rappelle un peu les procédés usités dans la fabrication des émaux cloisonnés.

Ahmos est agenouillé devant le dieu Sibou et ses acolytes, les génies de Sop et de Khonou. Les figures et les hiéroglyphes sont levés en plein sur une plaque d’or ; et ciselés délicatement au burin. Le champ est rempli de pièces de pâte bleue et de lapis-lazuli taillées artistement. Un bracelet de travail plus compliqué, mais moins fin, était passé au poignet de la reine.

Il est en or massif et formé de trois bandes parallèles, garnies de turquoises. Sur le devant, un vautour déploie ses ailes, dont les plumes sont composées d’émaux verts, de lapis-lazuli et de cornaline, enchâssés dans des cloisons d’or. Les cheveux étaient engagés dans un diadème d’or massif, à peine aussi large qu’un bracelet. Le nom d’Ahmos est incrusté en pâte bleue sur une plaque oblongue, adhérente au cercle : deux petits sphinx en relief, posés de chaque côté, ont l’air de veiller sur lui.

Une grosse chaîne d’or flexible était enroulée autour du cou : elle est terminée par deux têtes d’oie recourbées, qu’on liait au moyen d’une ficelle, quand on voulait fermer le collier. Le scarabée qui lui sert de pendeloque a le corselet et les élytres en pâte de verre bleue, rayée d’or, les pâtes et le corps en or massif. La parure de la poitrine était complétée par un large collier du genre de ceux qu’on appelait Ouoskh.

Il a pour agrafes deux têtes d’épervier en or, dont les détails étaient relevés d’émail bleu. Les rangs sont composés de cordes, enroulées, de fleurs à quatre pétales en croix, d’antilopes poursuivies par des tigres, de chacals accroupis, d’éperviers, de vautours et d’uraeus ailées, le tout en or repoussé, et cousu sur le linceul au moyen d’un petit anneau soudé derrière chaque figure. Au-dessous, pendait sur la poitrine une de ces pièces carrées qu’on appelle un pectoral.

La forme générale est d’un naos. Ahmos, debout dans une barque entre Ammon et Râ, reçoit, sur la tête et sur le corps, l’eau qui doit le purifier. Deux éperviers planent, à droite et à gauche du roi, au-dessus des dieux. La silhouette des figures est dessinée par des cloisons d’or ; le corps était rendu par des plaquettes de pierre et d’émail, dont beaucoup sont tombées. Le morceau est un peu lourd, et l’usage ne s’en comprend guère si on l’isole du reste de la parure. Pour juger sainement l’effet qu’il produisait, on doit se rappeler ce qu’était le vêtement des femmes égyptiennes : une sorte de fourreau d’étoffe semi-transparente, qui s’arrêtait au-dessous des seins et les laissait saillir librement. Le haut de la poitrine et du dos, les épaules, le cou étaient à découvert, sauf une paire de bretelles étroites qui maintenaient le fourreau et l’empêchaient de glisser. Les femmes riches habillaient cette nudité de bijoux. Le collier voilait à moitié les épaules et le haut de la poitrine. Le pectoral masquait le sillon qui se creuse entre les seins. Les seins eux-mêmes étaient parfois emboîtés chacun dans une sorte de coupe d’or émaillé ou peint, qui en épousait exactement les contours. À côté de ces bijoux, des armes et des amulettes étaient entassés pêle-mêle : trois grosses mouches d’or massif suspendues à une chaînette mince, neuf petites haches, trois en or, six en argent, une tête de lion en or d’un travail minutieux, un sceptre en bois noir enroulé d’or, des anneaux de jambes, des poignards. L’un d’eux, enfermé dans une gaine d’or, avait un manche en bois, décoré de triangles en cornaline, en lapis-lazuli, en feldspath et en or.

 

Pour pommeau, quatre têtes de femme en or repoussé ; une tête de taureau renversée, en or, dissimule la soudure de la lame au manche. Le pourtour de la lame est en or massif, le corps en bronze noir, damasquiné. Sur la face supérieure, au-dessous du prénom d’Ahmos, un lion poursuit un taureau, en présence de quatre grosses sauterelles alignées ; sur la face inférieure, le nom d’Ahmos et quinze fleurs épanouies, qui sortent l’une de l’autre et vont se perdant vers la pointe. Un poignard, découvert à Mycènes par M. Schliemann, présente un système de décoration analogue ; les Phéniciens, qui copiaient assidûment les modèles égyptiens, ont probablement transporté celui-là en Grèce. Le second poignard de la reine a une forme qu’il n’est pas rare de rencontrer aujourd’hui encore dans la Perse et dans l’Inde.

C’est une lame en bronze jaunâtre très lourd, emmanchée d’un disque en argent. Pour s’en servir, on appuyait le pommeau lenticulaire dans le creux de la main, et l’on passait la lame entre l’index et le médius. On se demandera quel besoin une femme, et une femme morte, avait de tant d’armes. L’autre monde était peuplé d’ennemis contre lesquels on devait lutter sans relâche, génies typhoniens, serpents, scorpions gigantesques, tortues, monstres de toute sorte. Les poignards qu’on enfermait au cercueil avec la momie aidaient l’âme à se protéger, et comme ils n’étaient utiles que pour la lutte corps à corps, on avait ajouté quelques armes de jet, des arcs, des boumerangs en bois dur et une hache de guerre. Le manche est en bois de cèdre revêtu d’une feuille d’or.

La légende d’Ahmos y est écrite en caractères de lapis-lazuli, de cornaline, de turquoise et de feldspath vert. Le tranchant est saisi dans une entaille du bois et maintenu en place par un treillis de fils d’or. Il est en bronze noir et a été doré. L’une des deux faces montre des lotus sur fond d’or, l’autre Ahmos frappant un barbare à moitié renversé, qu’il tient aux cheveux. Au-dessous, le dieu de la guerre, Montou Thébain, est représenté par un griffon à tête d’aigle. Deux barques en argent et en or simulaient la barque sur laquelle la momie traversait le fleuve, pour se rendre à sa dernière demeure et naviguer à la suite des dieux sur la mer d’Occident. La barque en argent était posée sur un chariot de bois à quatre roues en bronze ; comme elle était en assez mauvais état, on l’a démontée et remplacée par la barque en or.

La coque est légère et allongée : les façons de l’avant et de l’arrière sont relevées et se terminent par des bouquets de papyrus gracieusement recourbés. Deux estrades, entourées de balustrades à panneaux pleins, se dressent à la proue et à la poupe, en guise de châteaux gaillards. Le pilote d’avant est debout dans la première, le timonier se tient devant la seconde et manie la rame à large palette qui remplissait l’office de notre gouvernail. Douze rameurs d’argent massif voguent sous les ordres de ces deux officiers. Au centre, Kamos est assis, la hache et le sceptre à la main. Voilà ce qu’il y avait sur une seule momie ; encore n’ai-je énuméré que les objets les plus remarquables. La technique en est irréprochable, et la sûreté du goût n’est pas moindre chez l’ouvrier que la dextérité de la main. L’art de l’orfèvre, parvenu au degré de perfection dont témoigne l’écrin d’Ahhotpou, ne s’y maintint pas longtemps. Les modes changèrent, la forme des bijoux s’alourdit. La bague de Ramsès II au Louvre, avec ses chevaux posés debout sur le chaton, le bracelet du prince Psar, avec ses griffons et ses lotus en émail cloisonné, sont d’un dessin moins heureux que les bracelets d’Ahmos.

Celui qui les a exécutés était, sans contredit, aussi habile que les orfèvres de la reine Ahhotpou ; mais il avait le goût moins fin et l’esprit moins inventif. Ramsès II était condamné, ou bien à ne jamais porter sa bague, ou bien à voir les petits chevaux qui l’ornaient, s’écraser et tomber au moindre choc. La décadence, déjà sensible sous la XIXe dynastie, s’accentue à mesure que nous nous rapprochons de l’ère chrétienne. Les boucles d’oreilles de Ramsès IX, au musée de Boulaq, sont un composé disgracieux de disques chargés de filigrane, de chaînettes, d’uraeus pendants ; comme aucune oreille humaine n’aurait pu en porter le poids sans s’allonger outre mesure ou sans se déchirer, on les accrochait à la perruque de chaque côté de la tête.

Les bracelets du grand-prêtre Pinotmou III, recueillis sur sa momie, sont de simples anneaux en or, ronds, incrustés de verre coloré et de cornaline, semblables à ceux qu’on fabrique encore aujourd’hui chez les noirs du Soudan. L’invasion des Grecs modifia d’abord les procédés de l’orfèvrerie égyptienne, puis substitua peu à peu ses types aux types indigènes. L’écrin de la reine éthiopienne que Ferlini vendit au musée de Berlin contenait, à côté de bijoux qu’on aurait pu attribuer sans peine à l’époque pharaonique, des bijoux de style mixte où l’influence hellénique est nettement reconnaissable. Les trésors découverts, en 1878, à Zagazig, en 1881, à Qénèh, en 1882, à Damanhour, étaient composés entièrement d’objets dont la facture n’a plus rien d’égyptien, épingles à cheveux surmontées d’une statuette de Vénus, boucles de ceinture, agrafes pour péplum, bagues et bracelets ornés de camées, coffrets flanqués aux quatre coins de colonnettes ioniques. Les vieux modèles étaient encore recherchés dans les campagnes, et les orfèvres de village conservaient tant bien que mal la tradition antique : les orfèvres de ville ne savaient plus que copier lourdement les modèles grecs et romains.

Cette revue rapide de ce qu’ont produit les arts industriels présente bien des lacunes. J’ai dû me borner à citer ce que renferment les collections les plus connues ; que ne trouverait-on pas si l’on pouvait visiter à loisir nos musées de province et recueillir ce que le hasard des ventes a dispersé dans les collections particulières ! La diversité des petits monuments de l’industrie égyptienne est infinie et l’étude méthodique en reste encore à faire : elle promet plus d’une surprise à qui voudra la tenter.

FIN

Other books by this author