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Les fenêtres de l'architecture civile possédaient aussi des meneaux, lorsqu'elles étaient d'une trop grande largeur pour qu'il fût possible de ne les fermer qu'avec un seul ventail (voy. FENÊTRE, fig. 29, 31, 32, 33, 35, 36, 37, 38, 40, 41 et 42). Ces meneaux, jusqu'à la fin du XIIIe siècle, ne consistent habituellement qu'en une colonnette soulageant le linteau. Les architectes déployaient un certain luxe de sculpture dans les meneaux de palais et quelquefois même ornaient leurs fûts de figures, en manière de cariatides.


Nous avons retrouvé à Sens un très-beau meneau de ce genre qui date du XIIe siècle (12) 203. La statuette adossée à la colonne à section octogonale formant le corps du meneau représente la Géométrie ou l'Architecture; elle tient un grand compas d'appareilleur. En A est tracée la section du meneau faite sur ab, et en B le côté du meneau avec le renfort postérieur destiné à recevoir les targettes. Dans la section A, nous n'avons pas indiqué par des hachures la coupe de la figure afin de laisser voir celle de la colonnette dans le fût de laquelle s'engage la statue. Sur la partie inférieure des meneaux des fenêtres hautes de la cathédrale de Nevers, à l'extérieur, on remarque aussi des statuettes adossées aux fûts des colonnettes centrales.

À l'époque de la Renaissance, on voit aussi des meneaux en forme de cariatides, ou de gaînes surmontées de bustes. Ce ne fut guère que sous le règne de Louis XIV que l'on renonça définitivement aux meneaux; on les employait encore au commencement du XVIIe siècle pour maintenir les fermetures des baies de croisées. Les fenêtres intérieures de la cour du Louvre étaient originairement garnies de meneaux d'un aspect monumental qui donnait de l'échelle à ces grandes ouvertures. Ces meneaux sont remplacés aujourd'hui par des montants en bois avec impostes également en bois, qui ne sont guère en harmonie avec l'édifice, qu'il faut repeindre tous les dix ans et refaire à neuf lorsqu'ils viennent à pourrir, c'est-à-dire deux ou trois fois par siècle. Cela est, dit-on, plus conforme aux règles de la bonne architecture; pourquoi? Nous serions fort embarrassés de le dire.

MENUISERIE, s. f. (Hucherie, huisserie, menuisiers, scieurs d'aiz, manhuissiers). Si les populations du Nord sont particulièrement aptes à faire des ouvrages de charpenterie, elles ne sont pas moins habiles à donner aux bois ces formes à la fois délicates, légères et solides qui constituent la menuiserie. L'art de la menuiserie n'est d'ailleurs qu'une branche, qu'un dérivé de l'art des charpentiers dans les premiers siècles du moyen âge; les moyens d'exécution sont les mêmes.

L'art de la menuiserie se distingue nettement de l'art de la charpenterie, lorsque l'on commence à employer pour le débitage, la coupe et le polissage des bois, des outils très-perfectionnés. L'invention de la scie remonte à une haute antiquité; les anciens connaissaient le rabot ou la demi-varlope et la varlope. Cependant, jusqu'au XIIIe siècle, on employait souvent, pour la menuiserie, des bois refendus (merrain), travaillés au ciseau et à la gouge sans le secours du rabot.

Il ne nous reste qu'un bien petit nombre d'objets de menuiserie antérieurs au XIIIe siècle, et ces fragments ressemblent beaucoup, pour la combinaison des assemblages, à des oeuvres de charpenterie exécutées sur une petite échelle. Mais à dater du XIIIe siècle, l'art de la menuiserie prend un grand essor, possède ses règles particulières et arrive à un degré de perfection remarquable. Les ouvrages de menuiserie qui nous restent des XIVe et XVe siècles sont souvent des chefs-d'oeuvre de combinaison, de coupe et de trait. Les traditions de cet art, conservées jusqu'au XVIIe siècle, résultent: 1º d'une parfaite connaissance des bois; 2º d'un principe de tracé savant; 3º d'un emploi judicieux de la matière, en raison de ses qualités propres.

Comme dans tout système de construction, dans la menuiserie, la matière employée doit commander les procédés d'assemblages et imposer les formes; or, le bois est une matière qui possède des propriétés particulières dont il faut tenir compte dans la combinaison des oeuvres de menuiserie comme dans la combinaison des oeuvres de charpente; les artisans du moyen âge ne se sont pas écartés de ce principe vrai. La connaissance des bois est une des conditions imposées au menuisier; cette connaissance étant acquise, faut-il encore savoir les employer en raison de leur texture et de leur force. Le bois qui se prête le mieux aux ouvrages de menuiserie est le chêne, à cause de sa rigidité, de la finesse de ses fibres, de sa dureté égale, de sa durée et de sa beauté. Aussi, pendant le moyen âge, en France du moins, le chêne a-t-il été exclusivement employé dans la menuiserie de bâtiment.

Pour être employé dans la menuiserie, le chêne, doit être parfaitement sec, c'est-à-dire débité depuis au moins six ans. Si nous examinons les ouvrages de menuiserie des XIIIe, XIVe et XVe siècles, nous observons, en effet, que les bois n'ont point joué, qu'ils sont restés dans leurs assemblages et qu'ils ne présentent pas de gerces. Ces bois, une fois débités, étaient d'abord laissés dans des lieux humides et même dans l'eau, puis empilés à claires-voies sous des abris secs, retournés souvent et quelquefois soumis à l'action de la fumée 204.

Les menuisiers du moyen âge n'employaient pas les bois trop vieux qui sont sujets à se gercer et à se piquer. Ils faisaient débiter des chênes de deux cents à trois cents ans, c'est-à-dire des troncs, dont le diamètre, à 3m,00 au-dessus du sol, aubier déduit, varie de 0m,70 à 1m,00. Ces troncs étaient sciés en quatre dans la longueur à angle droit; chaque quart était débité suivant diverses méthodes, mais toujours en tenant compte, autant que possible, de la texture du bois.



Un tronc de chêne qu'on laisse desséché se gerce conformément à la figure A (O), ce qui est facile à expliquer. Les couches concentriques sont d'autant plus dures et compactes qu'elles se rapprochent du centre, d'autant plus poreuses qu'elles se rapprochent de la circonférence. Ces couches contiennent donc d'autant plus d'eau qu'elles ont un plus grand rayon. Lorsque le bois se dessèche, les couches extérieures prennent un retrait plus considérable que celles intérieures; il en résulte des fentes ou gerces, tendant toutes au coeur du tronc. Si le débitage du bois est fait, sans tenir compte de cet effet de la dessiccation, les planches débitées se gercent ou se contournent; elles sont sensibles à toutes les variations de la température. Si, au contraire, ce débitage est fait en raison de la direction naturelle des gerces, les planches se rétrécissent dans leur largeur, mais ne peuvent ni se fendre ni cartiner, c'est-à-dire se courber dans le sens de leur sciage. Le chêne est formé d'une succession de couches comme tous les bois, mais ces couches sont réunies par des espèces de chevilles naturelles qui les rendent solidaires; ces chevilles, qu'on nomme mailles, tendent au centre du tronc. Si donc le débitage est fait comme l'indique le tracé sur le quart B, il est fait dans les meilleures conditions; c'est ce qu'on appelle le débitage sur maille (parallèlement aux mailles). Ce débitage est long et laisse tomber beaucoup de triangles qui ne sont que des chanlattes. Le meilleur débitage après celui-ci est le débitage tracé sur le quart D, puis celui tracé sur le quart E. Quant aux madriers et membrures, le débitage le plus économique est celui tracé en F. Les mailles du chêne donnent non-seulement de la solidité aux planches débitées suivant les rayons du tronc, mais encore présentent des parements d'un aspect soyeux, moiré, qui ajoute beaucoup à la beauté du bois. Les chênes débités sur maille sont donc les meilleurs pour la menuiserie 205.

Bien que les menuisiers employassent la colle de peau et la colle de fromage, cependant la solidité de l'oeuvre dépendait avant tout de la disposition des assemblages à queue d'hironde, ou chevillés.



Pour joindre des ais, on ne se servit qu'assez tard (vers le XVe siècle) des rainures ou languettes. On les réunit au moyen de queues d'hirondes entaillées à mi-bois (1), ainsi qu'on le voit en A; ou de barres embrévées et chevillées, B; ou de barres-à-queues entièrement embrévées, C; ou de prisonniers D; en bois dur ou même en fer. Ce sont là des combinaisons élémentaires qui ont dû être appliquées de tout temps. En effet, des ouvrages de bois de l'antiquité égyptienne sont façonnés d'après ces procédés.

Sur les rives des ais, on interposait une couche de colle de fromage qui faisait adhérer les planches ou les madriers entre eux. Au moyen d'un racloir de fer recourbé, on polissait la face vue et on la recouvrait de peinture, ou on l'intaillait à une faible profondeur en réservant des ornements ou des figures. C'est d'après ce procédé que sont faites les portes en pin de la cathédrale du Puy-en-Vélay qui remontent au XIe siècle. Ces ornements, légèrement découpés en relief, étaient eux-mêmes, ainsi que les fonds, recouverts de peintures sur une impression d'oxyde de plomb (minium) 206.

Deux conditions principales semblent avoir été imposées aux oeuvres de menuiserie du moyen âge: économie de la matière, et la plus grande force possible laissée au bois au droit des assemblages.--Économie de la matière, en ce que les renforts sont évités du moment qu'ils ne peuvent être compris dans une pièce équarrie; en ce que les panneaux, par exemple, n'ont jamais que la largeur d'une planche, c'est-à-dire 0m,22 au plus, 8 pouces; les montants et traverses, 0m,08, 3 pouces au plus, pour les ouvrages ordinaires.--Plus grande force possible laissée au bois là où il porte assemblage, en ce que les chanfreins, élégissements et moulures s'arrêtent dès qu'un assemblage est nécessaire. L'observation de ces deux conditions donne un caractère particulier à la menuiserie. Si la matière est économisée, si elle est employée en raison de ses qualités, la main-d'oeuvre est prodiguée, comme pour faire ressortir les précieuses propriétés du bois; car il ne faut pas oublier que pendant le moyen âge la main-d'oeuvre est toujours en raison de la valeur de la matière; elle lui est supérieure, mais dans une proportion relative.

Les menuisiers du moyen âge tiennent compte de la valeur du bois, comme les appareilleurs tiennent compte de la valeur de la pierre. Il y a là une idée juste, un principe vrai et un sentiment de l'économie qui imposent l'attention et l'étude, sans nuire à l'art, car c'est de l'art. Ces artisans pensaient qu'une matière aussi précieuse que le bois, qui vient lentement et demande des préparations longues pour être définitivement mise en oeuvre, mérite qu'on ne la prodigue pas et qu'on donne l'idée de sa valeur par le soin avec lequel on la travaille. Ces artisans ne donnaient pas à la menuiserie de pin, de mélèze ou de sapin, les formes que permet l'emploi du chêne ou du noyer. Observant les qualités particulières aux diverses essences, ils tenaient à la légèreté jointe à la solidité; ce qui est la première loi de la menuiserie, ainsi que nous l'avons dit déjà. Jamais, par conséquent, il ne leur serait venu à la pensée de simuler en menuiserie des formes convenables pour de la pierre; jamais ils n'appliquaient à la menuiserie de grandes courbes qui exigent un déchet considérable et forcent de couper le bois à contre-fil. Toutes leurs combinaisons partent de la ligne droite, au moins pour les membrures. L'étude de cet art, si fort détourné de sa voie aujourd'hui, est donc intéressante; car avec un système de structure très-restreint, des dimensions qui se renferment dans les forces de bois débités uniformément, ces artisans sont parvenus à trouver les combinaisons les plus variées et les plus ingénieuses sans être arrêtés jamais par les difficultés que pouvaient présenter ces combinaisons.

Il nous faut classer les ouvrages de menuiserie par natures, afin de mettre de l'ordre dans cet article. Nous commencerons par les plus simples en principe, par les claires-voies, les assemblages de bois d'égale force, présentant des clôtures à jour sur un seul plan, des grillages en un mot.



CLÔTURES, CLAIRES-VOIES, CLOTETS, LAMBRIS.--Voici (2) une de ces grilles de bois comme on en voit encore dans la cathédrale de Bâle et dans quelques églises des provinces de l'Est. D'un simple treillis de chevrons assemblés à mi-bois, le menuisier arrivait à façonner une clôture d'une aspect monumental. Le principe émis ci-dessus, et qui consiste à laisser au bois toute sa force au droit des assemblages, est scrupuleusement observé; mais entre ces assemblages, au droit des vides, l'ouvrier a pratiqué des élégissements qui forment une décoration et enlèvent à cette combinaison si simple l'apparence grossière qu'elle aurait si les bois eussent conservé leur équarrissage 207.



Voici encore (3) un exemple d'un grillage formant lambris plein. Les montants et les traverses sont de même, assemblés à mi-bois, élégis entre les assemblages. Les vides carrés laissés entre le grillage sont remplis par des petits panneaux simplement engagés dans une feuillure comme des tablettes dans un cadre (voir la section A) 208.

Ces sortes de grilles en bois étaient fort en usage au moyen âge dans les châteaux et les maisons; souvent les grandes salles étaient divisées par des claires-voies de ce genre, mobiles, que l'on plaçait lorsque l'on voulait obtenir des divisions provisoires. En hiver, des tapisseries étaient suspendues à ces claires-voies; en été, elles restaient à jour. Ces divisions mobiles, appelées clotets, étaient souvent fort richement décorées, possédant des panneaux à jour et formées d'entrelacs, de membrures ingénieusement assemblés, toujours à mi-bois. Car, ne l'oublions pas, le caractère dominant de la menuiserie française au moyen âge, c'est d'être assemblée, de conserver une structure logique en concordance parfaite avec la forme. Il existe en Italie, en Espagne, en Orient même, des ouvrages de menuiserie d'un aspect saisissant, qui séduisent par leur excessive richesse et leur combinaison compliquée; mais lorsque l'on examine attentivement la structure de ces ouvrages, on s'aperçoit bientôt que cette structure ne concorde nullement avec l'apparence. La légèreté n'est qu'extérieure, la construction est des plus grossières; ce sont, par exemple,--ainsi que cela se voit dans la menuiserie arabe de l'Espagne,--des placages de moulures coupées d'onglet et clouées sur des fonds de madriers rangés à côté les uns des autres plutôt qu'assemblés; ce sont des collages de bois découpés, rapportés les uns sur les autres, suivant un charmant dessin, mais sans que cette décoration s'accorde en rien avec la structure vraie; ce sont encore,--ainsi qu'on peut l'observer dans certaines oeuvres de menuiserie de l'Italie et même de l'Allemagne du moyen âge,--de véritables billes de bois réunies par des prisonniers, à travers lesquelles passent des moulures, des bas-reliefs, des ornements, coupés en pleine masse comme dans un bloc de marbre. Les moulures sont taillées à contre-fil, les joints tombent au milieu d'un relief, peu importe. Entre l'emploi de la matière et la façon de la décorer, il n'y a nulle harmonie, nulle entente; le menuisier et l'artiste sont deux hommes qui travaillent l'un après l'autre séparément. Le menuisier n'est qu'un assembleur de blocs; l'artiste, qu'un sculpteur ne se préoccupant pas de la nature de la matière qu'on lui fournit. À coup sûr, ces oeuvres peuvent être fort belles au point de vue de l'art du sculpteur, mais on ne saurait les considérer comme de la menuiserie. Pourquoi faut-il que nous en soyons venus au point d'expliquer ainsi et de revendiquer ces qualités si bien françaises? Pourquoi sont-elles méconnues, oubliées?... Ces ouvrages de bois des Arabes, des Orientaux, ont au moins conservé la forme traditionnelle de la véritable menuiserie, et si les artisans n'en comprennent pas et n'en savent plus appliquer la structure, du moins ils en ont respecté l'apparence; mais on n'en saurait dire autant de la menuiserie italienne, non plus que de celle que l'on fait en France depuis le XVIIe siècle par imitation et, contrairement à notre esprit, éminemment logique 209.



Voici (4) une de ces clôtures en bois de sapin comme on en voit encore dans les provinces de l'Est et sur des vignettes de manuscrits ou peintures du XVe siècle 210. Le système se compose de tringles de sapin de 18 lignes d'équarrissage (0m,04). Sur les montants A, s'assemblent à mi-bois les écharpes B. Sur celles-ci, les écharpes C, D et E; sur ces derniers, les montants F, toujours à mi-bois. Tout l'ouvrage est maintenu entre un châssis G, H, I, fait de chevrons de 3 pouces d'épaisseur (0m,08) sur 3 pouces et demi (0m,095). Au droit de chaque assemblage à mi-bois, est une cheville en fer doux K, munie de deux rondelles et rivée. Sur les faces de chaque hexagone, les arêtes sont chanfreinées, ainsi que l'indique le détail L, et dans les triangles à jour M, les arêtes des tringles sont également entaillées de manière à former des étoiles à six pointes, composées de deux triangles équilatéraux se pénétrant. On observe ici que, si le principe est simple, si la matière est commune, la main-d'oeuvre prend une certaine importance. En N, nous avons présenté une coupe de la clôture faite sur ab, et en P un détail perspectif du morceau O désassemblé. Il est inutile de faire remarquer la solidité et la parfaite rigidité de ce léger treillis, dont l'effet est très-brillant. Ces sortes d'ouvrages de menuiserie étaient presque toujours peints de couleurs claires, rehaussées de filets bruns ou noirs. Ainsi, dans l'exemple que nous donnons ici, les fonds étaient blancs, les chanfreins des hexagones brun rouge, ainsi que les trois biseaux des étoiles; celles-ci étaient en outre bordées d'un mince filet noir. Les rondelles et rivets en fer étaient également peints en noir.

Nous pourrions multiplier ces exemples, mais les personnes du métier sentiront tout le parti qu'on peut tirer de ces combinaisons sans qu'il soit nécessaire d'insister.

Il y a, dans la menuiserie française du XIVe siècle, certains ouvrages qui ont bien quelque ressemblance avec les oeuvres des Orientaux mentionnées ci-dessus, mais dont la structure cependant est mieux raisonnée. Ces clôtures, ces barrières, ces lambris étaient simplement formés de planches posées jointives, embrévées dans un bâti; pour empêcher les planches de gauchir, de coffiner, autant que pour décorer les surfaces planes, au moins d'un côté, le menuisier rapportait par-dessus un treillis de bois légers assemblés à mi-bois et formant des combinaisons géométriques plus ou moins compliquées. La surface plane des planches était même souvent sculptée en faible relief (puisque la sculpture était obtenue aux dépens de l'épaisseur de ces planches) entre les compartiments formés par les treillis.



Voici (5) un exemple de ces ouvrages de menuiserie. Les joints des planches, d'une largeur d'un pied (0m,32), sont marqués sur notre dessin. Le treillis assemblé à ses extrémités dans les membrures du bâti, ainsi qu'il est indiqué en a (voir le détail A), est cloué, à chaque rencontre, sur les planches du fond, et forme ainsi une surface parfaitement rigide qui empêche le gauchissement de ce fond. Ce treillis est assemblé à mi-bois avec coupes d'onglet au droit des moulures, ainsi qu'on le voit en b. La coupé C donne en c l'épaisseur de la planche et en d celle du treillis 211. Une claire-voie, composée de colonnettes tournées, surmontait l'appui D; de distance en distance, des montants E maintenaient le tout. En F, nous donnons le profil de la traverse supérieure f; en G, le profil de l'appui g et en H, le profil de la traverse basse h. Nous verrons tout à l'heure des vantaux d'une porte de l'église de Gannat, combinés d'après le même principe.

On comprendra comment les tringles de bois, rapportées sur ces planches et se coupant dans tous les sens, devaient les maintenir dans leur plan. Ce système, toutefois, est exceptionnel dans les oeuvres de menuiserie du moyen âge en ce que nous n'y trouvons pas les panneaux embrévés, mais un fond simple sur lequel est cloué un réseau de bois; ce réseau n'est pas seulement une décoration rapportée, il est composé de pièces assemblées et se tient de lui-même. Dès le XIIIe siècle, on avait façonné en France des ouvrages de menuiserie où le système des panneaux embrévés en feuillures est adopté; mais les languettes et feuillures sont généralement alors à grain d'orge.



Nous donnons (6) un de ces panneaux, présenté de face en A, en coupe en B, et en section horizontale en B'. Ce système mérite quelque attention. Un lambris se compose de montants et de traverses, entre lesquels sont embrévés des panneaux. Les montants de rive, ceux qui forment les extrémités du lambris, reçoivent les traverses à tenons et mortaises; tandis que les montants intermédiaires s'assemblent dans les traverses. En C, on voit un montant d'extrémité; en D, un montant intermédiaire. Dans ce cas, la moulure E de la traverse est poussée sans tenir compte des assemblages. Puis, lorsqu'il s'agit de faire les assemblages des montants intermédiaires, la moulure est enlevée, ainsi qu'il est indiqué en F. Dès lors, cette moulure vient battre contre la tête des montants. Ceux-ci ne sont chanfreinés ou moulurés que dans leur partie libre; les chanfreins ou moulures s'arrêtent en G par un congé, pour laisser au montant toute sa force au droit des assemblages et pour éviter les joints d'onglet toujours défectueux. Les panneaux H sont embrévés à grain d'orge, suivant la section I; s'ils sont amincis sur leurs quatre rives pour entrer en feuillure, ils conservent toute leur force au centre, comme le marque la section B' en K. Ces panneaux sont libres dans leurs feuillures; ils peuvent se rétrécir sans inconvénients. Les montants et traverses étant assemblés carrément, le jeu que donne la dessiccation des bois n'apparaît pas dans les joints, ainsi qu'il arrive toujours avec le procédé des onglets. Tout le système se rétrécit ensemble. Nous donnons en L divers modes d'assemblages des montants avec les traverses des lambris. En M, ce sont les montants dont la moulure est poussée, sans tenir compte de l'assemblage, et ce sont les traverses qui portent des arrêts m au droit de chacun de ces assemblages. En N, les montants et traverses ont l'un et l'autre des arrêts au droit des assemblages. En O, de même. En M'N'O', sont tracés les assemblages des montants avec les traverses basses ou plinthes. En M''N''O'', les sections horizontales des panneaux avec les montants.

Lorsque les lambris sont hauts, il est nécessaire de les couper dans leur hauteur par une ou plusieurs traverses intermédiaires qui évitent les panneaux trop longs, toujours portés à gauchir.



Ainsi (7), soit un lambris de cinq pieds de haut (1m,62), on aura d'abord une semelle ou plinthe A, dans laquelle viendra s'embréver la traverse basse B. Sur cette traverse basse s'assembleront les montants C intermédiaires, et elle-même s'assemblera dans les montants extrêmes D. Le même système renversé sera adopté pour la traverse haute F et la corniche E. Mais en G, on assemblera entre chaque montant des traverses à tenons H et mortaises, afin de diminuer, comme nous l'avons dit, la longueur des panneaux. Ceux-ci seront souvent, lorsqu'il s'agit de lambris adossés à des murs, simplement posés en feuillure, ainsi que l'indique la coupe en I, et retenus par quelques pattes. Ces panneaux ne peuvent influer en rien sur la membrure, et s'ils sont faits en bois bien sec, n'ayant que la largeur d'une planche de merrain ou débitée comme nous l'avons marqué au commencement de cet article, tout l'ouvrage subira sans inconvénients les changements de température. Car la question principale, dans les oeuvres de menuiserie, est toujours de laisser au bois la facilité de gonfler ou de se rétrécir sans influer sur les assemblages. Les tenons K des montants passent à travers la traverse haute et la corniche, afin d'empêcher le gauchissement de celle-ci, ce qui ne manque pas d'arriver lorsque ces corniches ou cimaises sont simplement embrévées à languettes dans les traverses hautes. En effet, l'épaisseur de ces corniches ou cimaises étant plus forte que celle de la traverse haute, elles ont assez de puissance, lorsqu'elles gauchissent, pour faire éclater la languette prise dans le bois de fil. Ce système de lambris à panneaux est adopté pendant les XIIIe et XIVe siècles avec des variantes dans les profils. Quant aux assemblages, jusqu'au XVe siècle, ils sont toujours francs, c'est-à-dire pris dans le bois conservant son équarrissage.

L'exemple que nous donnons, figure 7, montre les moulures de toutes les traverses poussées sans arrêts et celles des montants avec arrêts au droit de ces assemblages. Même lorsque la moulure d'encadrement des panneaux se suit sans interruption sur les montants et les traverses, ainsi que cela est souvent pratiqué dans les lambris du XVe siècle, les assemblages d'onglet sont évités. Nous en trouvons un exemple dans l'un des jolis lambris qui tapissent les chapelles de la nef de l'église de Semur-en-Auxois (8).



Les montants et traverses de ces lambris ont 0m,04 d'épaisseur (1 pouce 1/2); on voit que le profil d'encadrement A s'arrondit en quart de cercle pour se continuer le long des montants, mais que les assemblages sont toujours francs, sans onglets. Cette moulure d'encadrement ne se retourne pas sur la traverse intermédiaire B, et celle-ci ne possède que des chanfreins peu prononcés avec arrêts au droit de chaque assemblage. Quant aux panneaux inférieurs, ils sont sans moulures d'encadrement, mais avec des chanfreins comme pour donner plus de solidité à ce soubassement. Une corniche C, dont nous donnons le profil en C', est clouée sur la face de la traverse haute. Dans la frise supérieure D, des panneaux ajourés posés en long allégissent la boiserie. Les panneaux pleins n'ont que 0m,20 de largeur vue (8 pouces, compris les languettes), 0m,01 d'épaisseur aux rives (5 lignes), mais sont renforcés par ces nervures figurant des parchemins pliés. (Voir la section horizontale E, faite au niveau e, et la section F, faite au niveau f.) En G est tracé la coupe verticale des lambris, en H le profil de la traverse A, et en I l'arrêt de la moulure d'encadrement sur les traverses.



Nous donnons (9) plusieurs exemples de ces renforcements de panneaux, figurant des parchemins pliés. L'exemple A montre des petites baguettes ornées, passant derrière ces parchemins.

Dans la menuiserie antérieure au XVe siècle, il était d'usage souvent, surtout pour les meubles, de revêtir les panneaux de peau d'âne ou de toile collée sur le bois au moyen de colle de fromage ou de peau. Lorsque ces boiseries vieillirent, ces revêtements durent quelquefois se décoller en partie des bois déjetés; de là des plis, des bords retournés. Il est à présumer que les menuisiers eurent l'idée de faire de ces accidents un motif d'ornement et un moyen de donner de l'épaisseur aux panneaux, tout en laissant leurs rives et languettes très-minces. De là ces panneaux à parchemins plissés si fort en vogue pendant le XVe siècle et le commencement du XVIe.

Nos ouvriers du moyen âge n'étaient pas seulement d'habiles praticiens, ils étaient observateurs, attentifs à profiter de tout ce que le hasard leur faisait découvrir. Un défaut, un effet du temps sur les matériaux, devenait pour eux motif de perfectionnement ou d'ornement. Aimant leur métier parce qu'il était le produit d'un labeur raisonné et non une vague et inexpliquée tradition d'un art étranger, ils suivaient leur propre génie, trouvant des combinaisons nouvelles dans l'observation journalière de l'atelier sans emprunter au dehors des formes dont le sens n'avait plus pour eux de signification. Les architectes ont depuis longtemps déjà détourné la menuiserie de sa véritable ligne en voulant lui imposer des formes en désaccord avec ses ressources. Pendant les deux derniers siècles on a imité beaucoup de choses à l'aide de la menuiserie, le stuc, le marbre, la pierre, le bronze, des colonnes, des draperies, des corniches saillantes, des arcs, tout, sauf la menuiserie, et cela au nom du grand art classique. Il semblerait, au contraire, que l'art classique consistait à employer le bois, la pierre ou le métal, en raison des propriétés particulières à chacune de ces matières. Ouvrons un traité de menuiserie de ces derniers temps et nous y verrons, quoi? Comment on fait des colonnes corinthiennes, des arcs et des pénétrations de courbes, des culs-de-lampes, des trompes avec des madriers et des planches, afin de simuler en bois des ouvrages de maçonnerie; comment on fait des portes à grands cadres, des consoles et des corniches de 0m,50 de saillie; comment tout cela ne peut tenir qu'avec force équerres, plates-bandes, vis et colle. De sorte que les menuisiers ont fini par ne plus savoir faire de la menuiserie véritable, et que depuis un petit nombre d'années seulement plusieurs d'entre eux ont commencé à rapprendre cet art pratiqué il y a quatre cents ans avec autant de savoir que de goût. Mais c'est toujours dans les contrées du Nord qu'il faut chercher les oeuvres de menuiserie dignes de ce nom. Occupons-nous maintenant des portes, des huis pleins ou à claires-voies, des croisées.

HUIS.--Les portes les plus anciennes que nous retrouvons éparses encore dans quelques provinces françaises ne sont pas antérieures au XIe siècle, et il faut dire qu'à cette époque ces ouvrages de menuiserie sont très-grossiers. Ils consistent en une série d'ais simplement jointifs, doublés par d'autres ais disposés de manière à se relier aux premiers par des clous. C'est suivant ce principe que sont disposés des vantaux de portes de la cathédrale du Puy-en-Vélay et un vantail d'une porte de l'église de la Voulte-Chilhac (10).

203
   Cette colonnette, qui servait de meneau à une fenêtre, est placée aujourd'hui à l'une des baies du rez-de-chaussée de la salle synodale de Sens.


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204
   C'est ainsi qn'ont dû être préparés les bois qui ont servi à faire les stalles de la cathédrale d'Auch. Ces bois ont acquis l'apparence du bronze florentin.


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205
   Qualité que nous appelons aujourd'hui chêne de Hollande et qui est encore, en grande partie, fournie par la Champagne. En effet, beaucoup de bois de menuiserie qui nous viennent de la Hollande sont achetés par des marchands hollandais dans les forêts au-dessus de Reims. La manière de débiter nos bois nous rend tributaires des Hollandais. En effet, les Hollandais débitent les bois sur maille, c'est-à-dire qu'ils font faire les sciages, autant que possible, tendant toujours au centre de l'arbre, ainsi que cela se pratiquait au moyen âge et ainsi que le pratiquent encore les fendeurs de merrain. (Voy. à ce sujet le Traité de l'évaluation de la menuiserie par A. Boileau et F. Bellot, Paris, 1847, p. 48 et suiv.; et Hassenfratz, Théorie des bois, Paris, 1804, p. 133.)


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206
   Beaucoup de menuiseries anciennes conservent des traces d'une impression au minium, et cette impression a singulièrement contribué à leur conservation. Ce procédé, renouvelé depuis une dizaine d'années par nous-même, donne d'excellents résultats. Aujourd'hui, il est assez généralement adopté. (Voyez, relativement à l'assemblage et au polissage des ais, l'oeuvre du moine Théophile, Diversarum artium schedula, lib, I, cap. XVII.)


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207
   Cette grille conserve des formes qni appartiennent à l'époque romane, bien que nous ne la croyions pas antérieure, comme fabrication, au XIVe siècle.


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208
   De l'hôtel de ville de Gand (XVe siècle).


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209
   Nous avons souvent élé appelé à démonter des oeuvres de menuiserie des XVIIe et XVIIIe siècles. On ne comprend pas comment une sculpture, souvent aussi délicate, une ornementation charmante, s'allie à une structure aussi grossière et peu raisonnée. Les belles stalles de Notre-Dame de Paris, qui datent du commencement du dernier siècle, sont un exemple de cet alliage de moyens barbares masqués sous la plus riche apparence.


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210
   Celle que nous donnons ici a été dessinée par nous à Luxeuil.


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211
   Cet ouvrage de menuiserie existait en fragments dans la cathédrale de Perpignan en 1834, et servait de lambris dans la chapelle Saint-Jean. Il était en sapin.


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