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Read the book: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F)», page 39

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À la fin du XVe siècle, les artistes gothiques avaient atteint les dernières limites du possible dans l'art de la construction; pour l'ornementation, ils étaient de même arrivés aussi loin que faire se pouvait dans l'imitation des végétaux les plus délicats et les plus difficiles à rendre sur la pierre ou le bois; la Renaissance vint arrêter cette progression de la sculpture vers le réalisme outré. Pendant quelques années, de 1480 à 1510, on voit la vieille école française de sculpture mêler ses traditions aux réminiscences de l'antiquité; mais il est facile de reconnaître que les artistes ne vont plus puiser aux sources naturelles, qu'ils ne consultent plus la flore, et que leurs ornements ne sont autre chose que des poncifs plus ou moins habilement exécutés. Ils copient, ou interprètent plutôt, les ornements empruntés à l'antiquité sans les comprendre; en mêlant ces imitations aux derniers vestiges de l'art gothique, ils produisent encore des oeuvres remarquables, tant le goût de la sculpture était vivace chez nous alors, tant les exécutants étaient habiles de la main. Mais, à travers cette confusion de styles et d'origines, on a bien de la peine à suivre la marche d'un art; c'est un mouvement imprimé par une école puissante, qui continue longtemps après la disparition de cette école. Peu à peu, cependant, l'exécution s'amollit, et l'art de la sculpture d'ornement, à la fin du XVIe siècle, n'est plus qu'un pâle reflet de ce qu'il était encore en France sous le règne de Louis XII; l'étude de la nature n'entre plus pour rien ni dans la composition ni dans le travail de l'artiste; les ornements perdent ce caractère vivant et original qu'ils possédaient un siècle auparavant pour se reproduire de proche en proche sur des types qui, chaque jour, s'abâtardissent. Vers le commencement du XVIIe siècle, l'ornementation se relève quelque peu par suite d'une étude plus attentive de l'antiquité; mais l'originalité, la séve manquent depuis lors à cet art que notre vieille école laïque avait su porter si haut.

FONDATION, s. f. Les Romains de l'empire ont toujours fondé leurs édifices sur un sol résistant, au moyen de larges blocages qui forment, sous les constructions, des empattements homogènes, solides, composés de débris de pierres, de cailloux, quelquefois de fragments de terre cuite et d'un mortier excellent. Les fondations romaines sont de véritables rochers factices sur lesquels on pouvait asseoir les bâtisses les plus lourdes sans craindre les ruptures et les tassements. D'ailleurs la construction romaine étant concrète, sans élasticité, il fallait nécessairement l'établir sur des bases immuables. Pendant la période romane, les édifices sont généralement mal fondés, et cela tenait à plusieurs causes: on connaissait peu la nature des sols, les approvisionnements considérables de matériaux étaient difficiles, on ne savait plus cuire et employer convenablement la chaux. Nous avons expliqué ailleurs (voy. CARRIÈRE, CONSTRUCTION) les raisons qui s'opposaient à ce que les constructeurs romans pussent réunir beaucoup de matériaux en un court espace de temps, et pourquoi, n'ayant pas les ressources dont disposaient les Romains, ils négligeaient souvent les fondations des édifices les plus importants.

Les architectes laïques de l'école du XIIe siècle avaient vu tant de constructions romanes s'écrouler, par faute de fondations ou par suite de la poussée des voûtes mal contre-buttées, qu'ils voulurent cependant faire en sorte d'éviter ces sinistres; à cet effet, ils mirent un soin particulier à établir des fondations durables et à rendre leurs constructions assez élastiques pour que les tassements ne fussent plus à craindre. Mais si habile que nous supposions un architecte, faut-il qu'on lui fournisse les moyens matériels de construire; or, dans l'édification des grandes cathédrales et de beaucoup d'églises, l'empressement et le zèle des évêques ne correspondaient pas toujours à l'étendue de leurs ressources financières; alors le clergé séculier tenait surtout à faire paraître son influence: il s'agissait pour lui d'amoindrir la puissance des monastères, d'attirer à lui les fidèles; dans bien des cas on voulut donc, avec des moyens relativement insuffisants, élever des édifices religieux qui pussent dépasser en étendue et en richesse les églises des moines Bénédictins. C'est ce qui explique pourquoi quelques-unes de nos grandes cathédrales, comme celles de Troyes, de Châlons-sur-Marne, de Séez, de Meaux, sont mal fondées. Il fallait élever rapidement des édifices somptueux, d'une belle apparence, et, les ressources étant relativement médiocres, on ne voulait pas les enfouir en grande partie au-dessous du sol. D'autres cathédrales, élevées au milieu de diocèses riches, comme celles de Paris, de Reims, d'Amiens, de Bourges, sort au contraire fondées avec un luxe de matériaux extraordinaire. Quant aux châteaux, quant aux constructions militaires et civiles, elles sont toujours bien fondées; les seigneurs laïques comme les municipalités tenaient moins à l'apparence, voulaient des constructions durables, parce que le châtelain construisait pour se garder lui et les siens à perpétuité, que les villes bâtissaient pour une longue suite de générations.

Les fondations de la période romane sont toujours faites en gros blocages jetés pêle-mêle dans un bain de mortier; rarement elles sont revêtues. Les fondations des constructions gothiques sont au contraire souvent revêtues de parements de pierres de taille (libages) posées par assises régulières et proprement taillées; les massifs sont maçonnés en moellons bloqués dans un bon mortier. Ces fondations sont (quand les ressources ne manquaient pas) très-largement empattées et s'appuient sur des sols résistants. Il faut dire cependant, à ce sujet, que les constructeurs gothiques n'avaient pas les mêmes scrupules que nous: quand ils trouvaient un sol de remblai ancien, bien comprimé et tassé par les eaux, ils n'hésitaient pas à s'établir dessus. D'anciennes vases, des limons déposés par les eaux, des remblais longtemps infiltrés, leur paraissaient être des sols suffisants; mais aussi, dans ce cas, donnaient-ils à la base des fondations une large assiette. Ils ne manquaient jamais de relier entre eux tous les murs et massifs en fondation; c'est-à-dire que, sous un édifice composé de murs et de piles isolées, par exemple, ils formaient un gril de maçonnerie sous le sol, afin de rendre toutes les parties des fondements solidaires. Pendant les XIVe et XVe siècles, les fondations sont toujours établies avec un soin extrême sur le sol vierge, avec libages sous les points d'appui principaux et murs nombreux de liaison. Il arrive même souvent alors que les parements en fondation sont aussi bien dressés que ceux en élévation (voy. CONSTRUCTION).

FONTAINE, s. f. À toutes les époques, les fontaines ont été considérées comme des monuments d'utilité publique de premier ordre. Les Romains, lorsqu'ils établissaient une ville, ou lorsqu'ils prenaient possession d'anciennes cités, avant toute chose, pensaient à l'aménagement des eaux. Ils allaient au loin, s'il le fallait, chercher des sources abondantes, pures, et ne reculaient devant aucun travail, aucune dépense, pour conduire des masses d'eau considérables dans les centres de population. À Rome, bien que les quatre cinquièmes des aqueducs antiques soient détruits, ceux qui restent suffisent cependant pour fournir à la ville moderne une quantité d'eau plus considérable que celle qui alimente la ville de Paris, cinq fois plus populeuse. À Nîmes, à Lyon, à Fréjus, à Arles, à Autun, à Paris même, nous trouvons encore des traces d'aqueducs romains allant chercher les eaux très-loin et à des niveaux supérieurs pour pouvoir obtenir une distribution facile au moyen de grands réservoirs. Partout, en France, où se trouve une source abondante et salubre, on est presque certain de découvrir des restes de constructions romaines. Les Romains attachaient une importance majeure à la police urbaine; il n'y a pas de police sans une bonne édilité, il ne peut y avoir une bonne édilité sans eau. À cet égard, nous avons quelque chose à faire; beaucoup de nos grandes villes manquent d'eau encore aujourd'hui; on ne doit donc pas s'étonner si, pendant le moyen âge, les fontaines n'étaient pas très-communes au milieu des cités. Chez les Romains, l'eau était la véritable décoration de toute fontaine; on n'avait pas encore songé à élever des fontaines dans lesquelles l'eau n'est qu'un accessoire plus incommode qu'utile. Les quelques fontaines du moyen âge que nous avons pu recueillir n'ont pas cet aspect monumental, ne présentent point ces amas de pierre, de marbre et de bronze, que l'on se croit obligé d'accumuler de nos jours pour accompagner un filet d'eau. Cependant (et cela dérivait probablement des traditions de l'antiquité) l'eau semblait une chose si précieuse, qu'on ne la donnait au public qu'entourée de ce qui pouvait faire ressortir sa valeur; on la ménageait, on la mettait à la portée de tous, mais avec plus de respect que de vanité. La fontaine du moyen âge est donc un monument d'utilité, non point une décoration, un prétexte pour figurer des allégories de marbre et de métal plus ou moins ingénieuses, mais qui ont toutes le grand défaut d'être ridicules pour des gens qui croient médiocrement à la mythologie, aux fleuves barbus et aux naïades couronnées de roseaux. La fontaine qui imprime une trace vive dans le souvenir, c'est celle qu'on trouve au bord de la route poudreuse, laissant voir son petit bassin d'eau limpide sous un abri, sa tasse de cuivre attachée à une chaîne et la modeste inscription rappelant le nom du fondateur. Sans être toujours aussi humble, la fontaine du moyen âge conserve quelque chose de la simplicité de ce programme; elle n'assourdit et n'éclabousse pas, mais elle invite le passant à l'approcher. Il n'est pas nécessaire de recevoir une douche pour s'y désaltérer.

La fontaine du moyen âge est un petit bassin couvert dans lequel on vient puiser en descendant quelques marches, ou une colonne, une pile entourée d'une large cuve et d'un plus ou moins grand nombre de tuyaux qui distribuent l'eau à tous venants. Les bassins entourés de degrés étaient réservés aux jardins, aux vergers.


Dans les contes et fabliaux des XIIe et XIIIe siècles, il est souvent question de ces sortes de fontaines(1), et sans sortir du domaine de la réalité, nous voyons encore, en Poitou, en Normandie, en Bretagne et en Bourgogne, un assez grand nombre de ces fontaines placées sur le bord des routes pour les besoins du voyageur. La source est ordinairement couverte par une arcade en maçonnerie, le bassin s'avançant sur la voie comme pour inviter à y puiser; des bancs permettent de se reposer sur ses bords; une niche, ménagée au fond de la voûte, reçoit la statue de la Vierge ou d'un saint; les armoiries du fondateur décorent le tympan de l'arcade ou les parois de la fontaine 528. En dehors du faubourg de Poitiers, le long du Clain, on voit encore une fontaine de ce genre, restaurée en 1579, mais dont la construction remonte au XIVe siècle. Elle tourne le dos à la route, et on arrive à son bassin au moyen d'une rampe établie sur l'une des parois de l'édicule. Les armoiries du donateur sont disposées de façon que de la route et de cette rampe on peut les reconnaître. La disposition de ces fontaines est évidemment fort ancienne; on y reconnaît la trace de l'antiquité romaine. Un édicule protégeant la source et recevant la divinité qui en est la dispensatrice, une inscription signalant le nom du fondateur à la reconnaissance publique, des bancs pour se reposer, n'est-ce pas là un programme antique? Mais ces sortes de fontaines ne conviennent guère qu'à la campagne; dans les villes, sur les places ou les carrefours, il faut que le bassin soit accessible à un grand nombre de personnes à la fois. Il faut que l'on puisse recueillir l'eau, non dans ce bassin qui est troublé par le mouvement des puiseurs, mais à la source même distribuée en un certain nombre de goulottes.



C'est ainsi qu'est disposée la fontaine du XIIe siècle que l'on voit encore à Provins en face de l'hôpital (2). Une vasque hexagone, une grosse colonne dont le chapiteau est percé de trois trous munis de têtes de bronze assez saillantes pour verser l'eau dans les vases que l'on apporte au bord de la vasque, tel est ce petit monument dans sa simplicité primitive. Peut-être, autrefois, le chapiteau était-il surmonté d'une statue ou d'un pinacle, comme certaines fontaines que l'on voit représentées dans des peintures et manuscrits du XIVe siècle. En A est tracé le plan de la fontaine de Provins, en B est donné le détail d'un des goulots de bronze.

Quelques villes d'Italie, Pérouse, Viterbe, Sienne, ont conservé leurs fontaines de la fin du XIIIe siècle et du commencement du XIVe. En France, nous possédions, à cette époque, d'assez belles fontaines urbaines; mais nous les avons détruites depuis longtemps; c'est à peine si, par hasard, on découvre quelques fragments de ces monuments dus à la générosité de souverains ou de riches seigneurs. Ils étaient composés à peu près de la même manière, c'est-à-dire qu'ils consistaient en un bassin inférieur élevé de deux à trois pieds au-dessus du sol (0,60 c. à 0,90 c.), bassin très-peu profond, fait pour recueillir l'eau des goulots, poser et laver les vases; bassin dans lequel on ne puisait pas; d'une pile centrale recevant de longs tuyaux de distribution arrivant jusque près du bord de ce bassin inférieur et permettant de remplir les cruches. La pile centrale était plus ou moins décorée, portait quelquefois une vasque supérieure laissant échapper de petits jets qui n'étaient là que pour l'agrément. Il y avait sur le parvis de Notre-Dame à Paris une assez belle fontaine de ce genre qui fut remplacée au XVIIe siècle par un monument fort lourd; on en voit une encore, mais mutilée et dénaturée, sur la place de la ville de Saint-Florentin (Yonne). À Brioude, il existe d'assez jolies fontaines du XIIIe siècle, dont la plupart des détails ont été modifiés. Les villes des bords du Rhin et de l'Allemagne possèdent aussi quelques fontaines monumentales d'une époque assez récente (XVe et XVIe siècles), quoique tracées sur les anciens programmes.




Nous donnons (3) une de ces fontaines du XIIIe siècle en plan, et (4) en élévation perspective. Le plan (fig. 3) indique, en A, la section horizontale du monument au-dessous de la vasque inférieure; en B, la section au-dessus de cette vasque, et en C la section de la pile supérieure portant la statue, avec la projection des deux vasques superposées. Ces fontaines étaient alimentées au moyen d'aqueducs souterrains, ainsi que nous avons souvent eu l'occasion de le constater. Ces aqueducs étaient habituellement en maçonnerie, revêtue à l'intérieur d'un bon enduit en ciment suivant la méthode romaine; rarement les conduites étaient en plomb; cependant nous en avons trouvé des fragments à Carcassonne, à Clermont (Auvergne) et dans le voisinage d'anciennes abbayes, à Saint-Denis près Paris, à Clairvaux. Près de Coutances, on voit encore les restes d'un aqueduc qui paraît dater du XIVe siècle; et qui, porté sur des arcades en tiers-point, traverse le vallon au nord-ouest de cette ville. Du Breul, dans son Théâtre des Antiquités de Paris, dit que les prévôts des marchands et échevins avaient «d'antiquité, pour conduire des eaux de sources aux fontaines de la ville, fait construire de grands aqueducs et canaux, composez de murs de maçonnerie et pierre de taille, pavez de grandes noües ou esviers aussi de pierre (comme aussi auroient iceux recouvert de fort grandes pierres) contenans, iceux aquéducs, cinq cents toises de longueur et plus, sans qu'il y aie aucune clarté sinon celle que l'on y peut porter avec feu, et de six pieds de hauteur sur trois pieds de largeur, le long desquels les personnes peuvent facilement cheminer la lumière à la main; lesquels aquéducs sont accompagnez d'auges ou réceptacles pour faire roüer et purifier l'eau des dites sources: à l'entrée desquels est une forme de bastiment, auquel y a un grand réceptacle servant d'acueil (d'émissaire) pour recevoir les eaues descendants d'une montagne sablonneuse, appellée la montagne de Belle-Ville-sur-Sablon, au haut et fin duquel aqueduc est un regard en forme ronde, et au milieu d'iceluy une forme de puits, servant d'auge à recevoir trois belles sources, descendant en iceluy par trois divers endroits. Édifice voûté en forme ronde appellé cul-de-four, garny de son ouverture pour une lanterne à jour; et en iceluy deux descentes de pareille forme ronde; édifice artiste et curieusement bâti: desquelles noües et esviers, en l'an 1457, en fut refait de neuf environ quatre vingt seize toises de longueur, le surplus desdits acquéducs ou canaux basty de grande antiquité...» Que cet aqueduc fût d'origine romaine ou qu'il ait été bâti dans les premiers siècles du moyen âge, toujours est-il qu'on s'en servait et qu'on l'entretenait encore au XVe siècle.

C'est principalement dans les monastères que l'on trouve les traces les plus nombreuses et les mieux conservées de travaux hydrauliques. Tous les cloîtres possédaient, au centre du préau ou le long d'une des galeries, de belles vasques de pierre ou de marbre, autour desquelles des tuyaux répartissant l'eau en une quantité de jets permettaient aux moines de faire leurs ablutions (voy. LAVABO). Ces fontaines affectent toutes à peu près la même forme jusque vers la fin du XIVe siècle. Au XVe siècle, la colonne, ou le faisceau de colonnes placé au centre d'une vasque circulaire, polygonale ou lobée, est souvent remplacée par un pinacle orné de sculptures.



Telle est une fontaine (5) que nous voyons figurée dans un manuscrit de cette époque 529. À Rouen, il existe encore un assez joli monument de ce genre qui date du milieu du XVe siècle 530. Lorsque les fontaines gothiques étaient adossées à une construction civile, elles ne se composaient que d'une petite vasque et d'un goulot posé dans un renfoncement pratiqué à même la muraille; aussi modestes que le sont nos bornes-fontaines, elles étaient seulement faites pour satisfaire aux besoins journaliers des habitants. Le moyen âge ne voyait nul inconvénient à mettre un peu d'art dans ses oeuvres les plus vulgaires; aujourd'hui, si nous poussons jusqu'à l'exagération la richesse et le luxe des monuments décoratifs de nos cités, nous rachetons ce défaut, si c'en est un, par la pauvreté et la banalité des objets les plus utiles, comme le sont nos bornes-fontaines, nos candélabres, nos supports d'éclairage.

FONTS, s. m. S'emploie au pluriel. Fonts baptismaux. Cuve destiné à contenir l'eau du baptême. Il y a lieu de supposer que, dans les premiers temps de l'Église, le baptême se donnait par aspersion, puisque les apôtres baptisaient des royaumes et des provinces entières, des milliers de personnes en un jour 531. Le baptême se fit ensuite par infusion 532; puis par immersion. Les Ariens plongeaient trois fois le catéchumène dans l'eau pour marquer qu'il y avait trois natures aussi bien que trois personnes en Dieu. Saint Grégoire le Grand conseille à saint Léandre, évêque de Séville 533, de ne pratiquer qu'une immersion. Le quatrième concile de Tolède, en 1633, a décidé la même chose et, rapportant la lettre de saint Grégoire, il déclare qu'une seule immersion signifie la mort et la résurrection de Jésus-Christ, et l'unité de la nature divine dans la trinité des personnes 534. Sans entrer dans de plus amples détails à ce sujet, nous nous contenterons d'observer que, pendant le cours du moyen âge, en Occident, le baptême par immersion fut toujours pratiqué. Les bas-reliefs, les peintures des manuscrits et des vitraux nous montrent les catéchumènes baptisés par immersion. «Autrefois, dit Thiers 535, dans la province de Reims, et peut-être aussi ailleurs, après le baptême on donnait du vin à boire à l'enfant, en lui disant ces paroles: Corpus et sanguis Domini nostri Jesu Christi custodiat te in vitam æternam. C'était encore l'usage du Périgord de bénir du vin après le baptême et d'en faire boire à l'enfant nouvellement baptisé. Le rituel de Périgueux, de 1536, nous marque toute cette cérémonie.» Cet auteur ajoute plus loin: «Depuis un peu plus d'un siècle (c'est-à-dire depuis le commencement du XVIIe siècle), la coutume s'est introduite en quantité de paroisses, et particulièrement de la campagne, de sonner les cloches après le baptême des enfants. Ce sont, à mon avis, les sonneurs, les sacristains, les fossoyeurs, les bedeaux, qui l'ont introduite, par la considération de l'intérêt bursal qui leur en revient... Le concile provincial de Reims, en 1583, n'autorise pas cette coutume...»

Jusqu'au IXe siècle, il paraîtrait qu'on ne baptisait solennellement que les jours de Pâques et de la Pentecôte; du moins cet usage semble-t-il avoir été établi à dater du Ve siècle, car il est certain que dans les premiers siècles du christianisme les apôtres baptisaient sans observer ni les jours ni les temps 536. Clovis fut baptisé le jour de Noël 537. Le pape saint Léon, qui s'élève avec force contre la coutume de baptiser en autres temps que le jour de la Résurrection, admet toutefois que le baptême peut être donné, en des cas extrêmes, hors le jour consacré.

Pascalin, évêque de Lilybée en Sicile, fait savoir au pape saint Léon, en 443, qu'il y avait, dans cette île, une église (du village de Meltines) dont les fonts se remplissaient miraculeusement tous les ans, la nuit de Pâques, à l'heure du baptême, sans qu'il y eût ni tuyau, ni canal, ni eau dans les environs. Après le baptême, cette eau disparaissait. Ajoutons, cependant, que saint Augustin dit clairement que le baptême pouvait être donné en tout temps: Per totum annum, sicut unicuique vel necessitas fuit vel voluntas...

La solennité donnée au sacrement du baptême explique pourquoi, dans le voisinage des églises les plus anciennes, il y avait un baptistère; c'est-à-dire un édifice assez spacieux pour contenir un certain nombre de catéchumènes venant le même jour pour recevoir le baptême. Ces édifices étaient ordinairement circulaires, occupés au centre par un bassin peu profond dans lequel on faisait descendre les personnes que l'on baptisait par immersion 538.

La coutume de baptiser les enfants peu après leur naissance, en tout temps, prévalut sur les défenses de saint Léon et des conciles de Tolède, d'Auxerre, de Paris et de Gironne; dès le XIe siècle, nous voyons que des cuves baptismales sont placées dans toutes les églises, non dans des édifices spéciaux, et que le baptême est donné par les prêtres, en dehors des fêtes de Pâques, de la Pentecôte ou de Noël. C'est précisément la date de ces fonts baptismaux les plus anciens qui nous porte à croire qu'alors (au XIe siècle) cette coutume s'était définitivement introduite en France. Comme il ne s'agissait plus de baptiser des païens convertis, mais des enfants nouveau-nés, ces fonts sont d'une petite dimension et ne diffèrent de ceux que l'on fait aujourd'hui que par leur forme. Il n'est pas besoin, en effet, d'une cuve bien grande pour immerger un nouveau-né. En souvenir des baptistères, c'est-à dire des édifices uniquement destinés à contenir la cuve baptismale, on observe que les fonts disposés dans l'église étaient généralement couverts d'un édicule (1) 539.



Quelquefois ces fonts étaient des cuves antiques, dépouilles de monuments romains. Le P. Du Breul 540 prétend que la cuve de porphyre rouge que l'on voyait, de son temps, dans l'église abbatiale de Saint-Denis, derrière les châsses des martyrs, et qui avait été prise par Dagobert à l'église de Saint-Hilaire de Poitiers, servait de fonts baptismaux. Nous n'avons point à nous occuper des baptistères ni des bassins qu'ils protégeaient, puisque ces monuments sont antérieurs à la période de l'art que nous étudions; les fonts baptismaux seuls doivent trouver place ici. Beaucoup de ces cuves, dès l'époque où elles furent en usage, étaient en métal, et consistaient en une large capsule enfermée et maintenue dans un cercle ou un châssis porté sur des colonnettes. Cette disposition paraît avoir été suivie souvent, lors même que les fonts étaient taillés dans un bloc de pierre.



Ainsi l'on voit, dans l'église de Saint-Pierre, à Montdidier, une cuve baptismale de la fin du XIe siècle, qui présente cette disposition (2). Dans la crypte de l'église Notre-Dame de Chartres, il existe encore une cuve en pierre, du XIIe siècle, taillée de façon à figurer un vase inscrit dans un châssis porté sur des colonnettes. Cette tradition persiste encore pendant le XIIIe siècle, ainsi que le démontre la fig. 3, copiée sur une cuve de l'église de Ver (canton de Sains, Picardie) 541.



Souvent les fonts baptismaux du XIIe siècle sont de forme barlongue, afin probablement de permettre de coucher et d'immerger entièrement l'enfant que l'on baptisait. Il existe une cuve baptismale de cette forme et de ce temps dans la cathédrale d'Amiens: c'est une grande auge de 0,60 c. de large sur une longueur de 1m,60 environ et une profondeur de 0,50 c. Elle est fort simple; aux quatre angles seulement sont sculptées les figures des quatre évangélistes, en demi-bosse et de petite dimension. Les pieds qui la supportent datent du XIIIe siècle.



Nous donnons (4) une petite cuve de ce genre qui provient de l'église de Thouveil (Maine-et-Loire). Elle date du XIe siècle. L'église de Limay, près Mantes, possède des fonts baptismaux du commencement du XIIIe siècle dont la forme se rapproche encore de celle-ci, mais qui sont assez richement sculptés. Cette cuve, reproduite dans l'ouvrage de M. Gailhabaud 542, est de forme ovale à l'intérieur, dodécagone allongé à l'extérieur; deux des côtés parallèles au grand axe présentent une légère saillie réservée pour mieux détacher les angles du prisme qui sur ce point eussent été trop mousses. Un beau cordon de feuilles orne le bord supérieur; la partie intermédiaire est occupée par douze rosaces parmi lesquelles se trouvent sculptés un agneau pascal, une croix et une tête de boeuf. Le socle en retraite présente une suite de petites arcatures. Le pavage autour de ces fonts offre une particularité assez remarquable: ce sont huit disques de pierres grises incrustées au nu des dalles, et qui semblent marquer les places des personnes qui doivent entourer la cuve au moment du baptême. Une feuillure a été ménagée sur le bord de la cuve pour recevoir un couvercle; c'est qu'en effet les cuves baptismales, d'après les décrets des conciles, devaient être couvertes dès une époque fort ancienne, comme elles le sont encore aujourd'hui.



Les fonts baptismaux de l'église paroissiale de la ville de Cluny méritent d'être signalés: taillés dans un bloc de pierre, ils affectent la forme d'une cuve hémisphérique à l'intérieur, et sont décorés à l'extérieur par quatre colonnettes supportant quatre têtes, entre lesquelles règne une frise de feuillages de lierre d'une bonne sculpture (5). Les quatre petits repos qui portent les têtes avaient une utilité et servaient probablement à poser le sel, l'huile et les flambeaux. En A, nous donnons le plan de cette cuve; en B, sa coupe. Elle date du milieu du XIIIe siècle.

Les cuves baptismales du moyen âge sont autant variées par la forme que par la matière. La façon dont elles sont décorées permet de supposer qu'une grande liberté était laissée aux artistes. Ces cuves sont à pans ou circulaires et même carrées, lobées, ovales, creusées à fond de cuve ou en cuvette; leurs parois sont ornées de feuillages, de simples moulures, de figures ou de compartiments géométriques; elles sont taillées dans de la pierre ou du marbre, coulées en bronze ou en plomb. Leurs couvercles se composent de châssis de bois, de lames de métal, ou sont richement ornés en forme de cônes ou de dais, et ne peuvent être enlevés alors qu'au moyen de potences ou de petites grues à demeure. Il n'est pas besoin de dire que les fonts baptismaux en bronze, antérieurs à la fin du dernier siècle, ont été fondus en France; on en voit encore quelques-uns en Italie, en Allemagne et en Belgique 543. Les fonts de la cathédrale de Hildesheim sont particulièrement remarquables. La cuve, dit M. de Caumont 544 auquel nous empruntons cette description, «repose sur quatre personnages ayant chacun un genou en terre et tenant une urne dont l'eau se répand sur le pavé: ce sont les figures emblématiques des quatre fleuves du Paradis; et sur le cercle qui porte sur leurs épaules, on lit l'inscription suivante, expliquant le rapport symbolique de chacun de ces fleuves avec la prudence, la tempérance, le courage et la justice:

+ TEMPERIEM. GEON. TERRE. DESIGNAT. HIATVS.

+ EST. VELOX. TIGRIS. QVO. FORTIS. SIGNIFICATVR.

+ FRVGIFER. EVFRATES. EST. JVSTITIA. QVE. NOTATVS.

+ OSMVTANS. PRISON. EST. PRVDENTI. SIMILATVS.»

La cuve est couverte de quatre bas-reliefs représentant le passage du Jourdain par les Israélites sous la conduite de Josué, le passage de la mer Rouge, le baptême de Jésus-Christ, la Vierge et l'enfant Jésus, devant lesquels est l'évêque donateur Wilherms. Au-dessus des quatre fleuves sont huit médaillons représentant la Prudence et Isaïe, la Tempérance et Jérémie, le Courage et Daniel, la Justice et Ézéchiel. Au-dessus se voient les signes des évangélistes. Le couvercle conique est également décoré de bas-reliefs. Ces fonts, de la seconde moitié du XIIIe siècle, sont peut-être les plus beaux qui existent et les mieux composés par le choix des sujets accompagnés d'inscriptions. Nous citerons aussi les fonts en bronze de l'église de Saint-Sébald à Nuremberg, qui datent de la fin du XVe siècle. Autour du pied sont posés les quatre évangélistes, ronde-bosse, et autour de la cuve les douze apôtres en bas-relief dans une arcature d'un travail délicat.

528
   Voir le lai de Narcisse, le lai de l'Oiselet, le Paradis d'Amour; dans ce dernier fabliau, l'auteur décrit une fontaine cachée dans un jardin. On y descendait, dit-il, par des degrés de marbre auxquels tenait attachée, avec une chaîne d'argent, une tasse d'or émaillée.


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529
   Poésies de Guillaume de Machaut, ms. app. à M. Guillebon. Aire-sur-la-Lys.


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530
   Fontaine dite de la Pucelle.


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531
   Saint-Luc. Actes, ch. 2 et 4.


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532
   Arcudius. De Sacram. LI.


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533
   L. III, Épist. XLI.


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534
   C. VI.


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535
   Des Superstitions, t. II, ch. XII.


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536
   Primum omnes docebant, et omnes baptizabant quibuscumque diebus vel temporibus fuisset occasio (Auctor sub nomine Ambrosii, in Epist. ad Ephes., cap. IV). Voy. Guillaume Durand, trad., édit. de M. Barthélemy. Notes, t. IV, p. 430 et suiv.


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537
   Lettre de Saint-Avit, évêque de Vienne, à Clovis.


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538
   Il existe un baptistère à côté de la basilique de Saint-Jean-de-Latran à Rome; on a depuis peu découvert celui qui était proche de l'ancienne cathédrale de Marseille, du Ve siècle. On voit encore ceux des cathédrales d'Aix en Provence et de Fréjus. L'édifice placé sous le vocable de saint Jean, à Poitiers, paraît avoir servi de baptistère pendant les Ve et VIe siècles.


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539
   Ivoire du XIe siècle. Collect. de l'auteur.


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540
   Le Théât. des Antiq. de Paris, 1622. L. IV, p. 1103.


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541
   Nous devons ces dessins à l'obligeance de M. Duthoit, d'Amiens.


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542
   L'Architecture et les arts qui en dépendent. t. IV.


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543
   : Voy. l'Architecture et les arts qui en dépendent, t. IV. M. Gailhabaud.


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544
   Bulletin monum., t, XX, p. 299.


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