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Read the book: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F)», page 22

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C'est ainsi que sont construites quelques fenêtres du château d'Harcourt à Lillebonne (Seine-Inférieure) et de plusieurs autres châteaux normands du XIIe siècle.


La fig. 32 explique cette disposition. Le tracé A nous montre la fenêtre à l'extérieur, et celui B sa coupe. Sous le berceau plein cintre E de l'ébrasement est bandé un arc D dont les sommiers reposent sur les extrémités d'un linteau C et sur deux pieds-droits. Un meneau soulage ce linteau au milieu de sa portée. L'espace compris entre le linteau C et l'arc D était vitré à demeure, et des volets pleins, brisés, barrés, fermaient la baie derrière le meneau. Plus tard, lorsqu'on vitra les fermetures des fenêtres, on conserva encore ces châssis dormants au-dessus de la partie ouvrante. Cette tradition se conserva en France jusqu'à nos jours, puisque dans beaucoup d'habitations du dernier siècle on voit encore des fenêtres avec des jours d'impostes qui souvent étaient dormants. En effet, lorsqu'on veut regarder par une fenêtre, il est assez incommode d'ouvrir un châssis de trois ou quatre mètres de hauteur, difficile souvent à manoeuvrer, que l'humidité fait gonfler ou la sécheresse rétrécir, et qui laisse passer en hiver un volume d'air beaucoup plus considérable qu'il n'est besoin. Il faut dire aussi que les pièces destinées à l'habitation étant beaucoup plus vastes que celles de nos appartements, on ne sentait pas le besoin, comme aujourd'hui, de renouveler l'air intérieur aussi souvent. Les cheminées larges faisaient un appel suffisant de l'air extérieur en hiver, pour qu'il ne fût pas nécessaire d'ouvrir les fenêtres; et, en été, on obtenait de la fraîcheur en les tenant fermées. Ce n'était que lorsqu'on voulait regarder dans la rue qu'on entre-bâillait les châssis ouvrants d'une petite dimension, et permettant à une seule personne ou à deux, tout au plus, de se pencher sur l'appui. On renonça cependant, au XIIIe siècle, aux barres se logeant dans l'épaisseurs des murs, tirées derrière les volets, et, au lieu de volets pleins ou percés de petits ajours, on établit des châssis de bois presque entièrement vitrés.



Voici (33) une des fenêtres du commencement du XIIIe siècle, percées dans les anciens bâtiments dépendant aujourd'hui de la citadelle de Verdun. C'est encore le système roman. Le linteau, déchargé par le berceau brisé de l'ébrasement qui apparaît au dehors, est ajouré d'un quatre-feuilles vitré dormant; mais les deux claires-voies sont garnies de châssis vitrés roulant sur des gonds scellés dans les feuillures, et maintenus le long du meneau par des targettes s'enfonçant dans une gâche B en pierre, réservée à l'intérieur de ce meneau. L'esprit ingénieux des architectes laïques du XIIIe siècle allait trouver des dispositions nouvelles et très-variées pour les fenêtres des édifices civils et des habitations.



Nous voyons que dans certains cas ils conservent la tradition romane pure, c'est-à-dire qu'ils ouvrent dans un mur une arcade plein cintre, et posent un linteau sous ce cintre pour recevoir un châssis carré, comme dans une tourelle dépendant de l'évêché de Soissons (34) (commencement du XIIIe siècle); ou bien que, pour de petites pièces, ils adoptent des baies larges, relativement à leur hauteur, séparées par un élégant meneau central, couvertes extérieurement par un linteau décoré d'arcatures, et formant intérieurement un ébrasement terminé par un berceau de décharge et muni d'un banc B (35) 486.



Ici le meneau est renforcé intérieurement d'un appendice A servant d'accoudoir, et recevant les targettes de fermeture des deux châssis (voy. l'article BANC, fig. 4). Nous voyons encore que pour éclairer des pièces assez hautes entre planchers, ils disposent les fenêtres de manière à pouvoir n'ouvrir à la fois qu'une partie de leur surface; alors le meneau central est divisé par une traverse (36), la baie porte quatre châssis mobiles: ceux inférieurs s'ouvrant pour regarder dehors, et ceux supérieurs pour donner de l'air dans le haut de la pièce, toujours avec des renforts aux meneaux pour recevoir les targettes 487.



Cependant on demandait aux architectes, vers le milieu du XIIIe siècle, des fenêtres plus grandes pour éclairer les habitations ou les édifices publics; à mesure que les moeurs s'adoucissaient, on voulait des maisons ouvertes, non plus murées comme des forteresses. C'est surtout dans les villes de l'Île-de-France et de la Champagne que l'on aperçoit, sous le règne de saint Louis, une tendance vers ces besoins de la civilisation moderne.



Il existe encore à Reims une façade de maison assez complète rue du Tambour, maison dite des Musiciens (voy. MAISON), qui date de 1240 environ. Les pièces du premier étage sont éclairées par de larges et hautes fenêtres (37), dont nous donnons en A la face extérieure, en B la face intérieure et en C la coupe. La corniche D, de la maison, est immédiatement posée sur les linteaux de ces fenêtres, derrière lesquels sont bandés des arcs de décharge E qui portent la charpente du comble. Les meneaux sont combinés de façon à recevoir les châssis vitrés sans le secours d'aucune ferrure. D'abord en G est posé, sous l'arc de décharge, un linteau de chêne, percé à ses extrémités de trous correspondant aux renforts circulaires F ménagés aux deux bouts de la traverse de pierre H. Ces renforts, dont le détail perspectif est tracé en I, reçoivent les pivots K des châssis inférieurs et ceux des châssis supérieurs. D'autres renforts analogues O, pris aux dépens de l'appui P, recevaient les pivots bas de ces châssis inférieurs. Les targettes des quatre châssis entraient dans les renflements R réservés à l'intérieur du meneau central. Nous donnons au dixième de l'exécution, en L la section du meneau, en M la face latérale d'une des gâches, et en N sa face intérieure 488.

Ces exemples font ressortir le soin que les architectes de cette époque mettaient dans l'étude des menus détails de l'architecture domestique. Tout était prévu pendant la construction, et tout était prévu avec économie. Ils évitaient ces scellements de ferrures qui, après l'achèvement d'un ravalement, viennent déshonorer les façades en coupant les moulures, écornant les chambranles, mutilant les tableaux et les appuis; qui nécessitent ces raccords en plâtre bientôt détruits par le temps et accusant ainsi le peu d'harmonie qui existe, dans nos édifices, entre l'apparence et les besoins. Dans les maisons gothiques, regardées de nos jours comme des habitations étrangères à notre civilisation, les fenêtres, ainsi que les autres membres de l'architecture, ne sont point imitées de l'antique ou de la renaissance italienne; mais elles sont disposées et faites pour donner de l'air et de la lumière, elles sont proportionnées aux salles, et comprennent dans leur structure tous les accessoires indispensables à l'ouverture des châssis mobiles, comme à leur clôture. Nous pourrions donc trouver encore ici quelques bons enseignements si nous voulions nous pénétrer de ces moyens simples, de ce soin en toute chose qui n'excluent nullement les perfectionnements et leur viennent, au contraire, en aide.

Mais les exemples que nous venons de donner en dernier lieu sont tirés d'édifices privés; cependant les architectes du moyen âge élevaient de vastes salles affectées à des services civils ou qui réunissaient à la fois les caractères religieux et civils. Telles étaient les salles synodales, grands vaisseaux destinés à des réunions nombreuses, où il fallait trouver de la lumière, de l'air, de grandes dispositions; en un mot, ce qu'on demande dans nos salles de tribunaux. On voit encore, près la cathédrale de Sens, une de ces salles qui dépendait autrefois du palais archiépiscopal.

C'est vers 1245, sous le roi saint Louis, que fut bâtie la salle synodale de Sens. Sur la place publique, vers l'ouest, elle est éclairée par des fenêtres, admirables comme style d'architecture, parfaitement appropriées à leur destination et d'une construction qui montre la main d'un maître.



Nous donnons (38) l'extérieur de ces fenêtres. La salle étant voûtée, les archivoltes de la baie sont concentriques aux formerets des voûtes, et disposées conformément au système champenois. Les vitraux compris dans les claires-voies A sont dormants, comme dans les fenêtres des édifices religieux; mais les ouvertures B sont rectangulaires et garnies de châssis ouvrants, afin de permettre aux personnes placées dans la salle de donner de l'air et de regarder au dehors.



À l'intérieur, ces fenêtres présentent le tracé perspectif (39). Cette belle composition se reproduit à l'extrémité méridionale de la salle, mais avec quatre travées au lieu de deux; une immense claire-voie supérieure, d'une fermeté de style peu commune à cette époque, surmonte ces quatre ouvertures. On voit ici que les meneaux sont munis de renforts destinés à recevoir plusieurs targettes dans la hauteur des châssis ouvrants, afin d'empêcher le gauchissement de ces châssis 489. On remarquera combien l'appareil de ces claires-voies est bien disposé pour présenter une grande solidité et pour éviter les évidements. Les redents de la rose (fig. 38) sont posés en feuillure, et les linteaux des parties ouvrantes sont déchargés par les deux archivoltes puissantes qui reposent sur la forte pile du milieu. Ces fenêtres ont un caractère particulier qui n'appartient pas au style de l'architecture religieuse, bien qu'elles soient comprises sous des voûtes comme les fenêtres des églises (voy. SALLE). Les architectes des XIIIe et XIVe siècles n'employaient pas ce système de claires-voies vitrées dormantes avec châssis ouvrants dans les grandes salles seulement. Nous voyons des fenêtres de dimension médiocre ainsi disposées dans des habitations; les deux volumes sur l'Architecture civile et domestique, de MM. Verdier et Cattois 490, nous en fournissent de nombreux exemples, bien qu'ils n'aient pu les réunir tous.



Il existe au second étage de la porte Narbonaise, à Carcassonne, bâtie vers 1285, une salle médiocrement haute entre planchers, éclairée du côté de la ville par des baies qui nous présentent un diminutif des fenêtres de la grand'salle de Sens. La partie supérieure de ces baies (40) recevait des vitraux dormants. À l'intérieur, derrière le linteau A, était établi une traverse en bois B (voir la coupe C) sur laquelle venaient battre en feuillure deux châssis ouvrants. Un montant en bois, maintenu par un assemblage sous cette traverse et par un goujon sur le renfort D, posé derrière le meneau, était muni des gâches recevant les targettes des châssis ouvrants. Ces châssis ouvrants n'ayant pas de jets d'eau, et ne recouvrant pas l'appui E (voir le détail G), mais battant contre cet appui à l'intérieur en H, la pluie qui fouettait contre les vitrages devait nécessairement couler à l'intérieur. Afin d'éviter cet inconvénient, le constructeur a creusé en F de petits caniveaux munis de deux trous K, par lesquels l'eau était rejetée à l'extérieur. Les châssis ouvrants étaient ferrés dans la feuillure au moyen de gonds et de pentures. Le tracé I montre la fenêtre vers le dehors. La claire-voie supérieure est moulurée à l'intérieur comme à l'extérieur, puisque le vitrail est pris au milieu de l'épaisseur de la pierre, ainsi que l'indique notre coupe, tandis que les pieds-droits, le meneau et le linteau sont coupés carrément du côté de l'intérieur pour recevoir les bâtis et châssis en menuiserie, ainsi que l'indique notre plan.

Les formes des fenêtres ouvertes dans les édifices civils et les maisons des XIIIe et XIVe siècles sont trop variées pour que nous puissions présenter à nos lecteurs un spécimen de chacune de ces sortes de baies. C'était toujours la dimension ou la nature des salles qui commandait les dispositions, les hauteurs et les largeurs de ces baies; ce qui était raisonnable. Cette façon de procéder donnait aux architectes plus de peine qu'ils n'en prennent aujourd'hui, où la même fenêtre sert pour tout un étage d'un palais ou d'une maison, que cet étage comporte de grandes salles et de petites pièces, qu'il renferme des cages d'escaliers et des entre-sols.

Cependant, vers la fin du XIVe siècle, les moeurs des châtelains et des bourgeois s'étaient fort amollies, et on trouvait que les châssis ouvrants posés en feuillure dans la pierre même, sans dormants, laissaient passer l'air froid du dehors; on songea donc à rendre le châssis de bois indépendant du châssis de pierre, c'est-à-dire des meneaux et traverses. Le château de Pierrefonds, bâti en 1400, nous fournit de beaux exemples de fenêtres disposées avec des châssis de bois dormants encastrés dans les feuillures de pierre, et recevant des châssis mobiles vitrés et des volets intérieurs.



La fig. 41 donne en A le plan d'une de ces baies, en B sa face extérieure, et en C sa face intérieure. Sur ce dernier tracé, dans lequel nous avons indiqué la baie avec ses volets en D, avec ses châssis vitrés en E et dépouillée de sa menuiserie en F, on voit que les châssis ouvrants ainsi que les volets sont ferrés, non dans la pierre, mais sur des châssis dormants posés dans les larges feuillures des pieds-droits, du meneau et des traverses; que l'on peut ouvrir séparément chaque volet et chaque châssis vitré, ce qui, pour de grandes fenêtres, présente des avantages; que les volets sont plus ou moins découpés à jour afin de permettre à la lumière extérieure d'éclairer quelque peu les chambres lorsque ces volets sont clos; que ces baies ferment aussi bien que les nôtres, sinon mieux; qu'elles peuvent être hermétiquement calfeutrées, et qu'on pouvait, au moyen de ces châssis séparés, donner aux intérieurs plus ou moins d'air et de lumière. On a remplacé tout cela aujourd'hui par des vasistas, mais nous n'avons pas encore repris les volets s'ouvrant par petites parties. Comme toujours, lorsque les murs ont beaucoup d'épaisseur, des bancs garnissent les embrasures pour pouvoir s'asseoir près de la fenêtre et respirer à l'aise.

Les fenêtres de l'architecture civile du XVe siècle sont conformes à ces données générales, et reçoivent des châssis dormants; leurs moulures deviennent plus compliquées à l'extérieur, les meneaux et les traverses de plus en plus minces pour laisser passer plus de jour; leurs linteaux se décorent ainsi que leurs appuis, elles s'enrichissent de sculptures, et la fin du XVe siècle nous a laissé nombre de baies de croisées d'une délicatesse de travail qui dépasse de beaucoup ce que l'on faisait au XIVe siècle, et ce que l'on fit à l'époque de la Renaissance. Nous terminerons cet article en donnant l'une des fenêtres du premier étage de l'hôtel de la Trémoille à Paris 491.



Ces fenêtres (42) posent sur une balustrade pleine continue qui forme allége; leurs linteaux sont posés au niveau de la corniche du bâtiment qui reçoit le chéneau et le comble. Trouvant probablement que cette façon de terminer la baie était pauvre, l'architecte a jugé à propos d'élever au-dessus de ces linteaux une haute décoration en pierre ajourée qui forme comme le timbre de la fenêtre, et qui coupe la masse monotone du toit. Le chéneau se trouve ainsi interrompu à chaque baie, et porte une gargouille saillante en plomb au-dessus de chaque trumeau. Souvent (et cela était justifié par un besoin) ces timbres des baies posées sur la corniche ne sont autre chose que de grandes lucarnes de pierre qui éclairent l'étage du comble. C'est ainsi que se terminent les fenêtres du palais de justice de Rouen, qui sont en ce genre ce qu'il y a de plus riche en France comme combinaison, de plus surprenant comme coupe de pierre et comme main-d'oeuvre (voy. LUCARNE).

Les meneaux et les traverses persistent dans les fenêtres de l'architecture civile française jusqu'au commencement du XVIIe siècle, parce que jusqu'alors les croisées s'ouvraient par petites parties, et qu'on ne supposait pas qu'il fût commode de manoeuvrer des châssis et des volets de trois mètres de hauteur. Ducerceau nous montre encore les fenêtres du Louvre, de François Ier et de Henri II, avec des meneaux de pierre. Des meneaux garnissent également les baies du palais des Tuileries. La suppression de ces accessoires, reconnus nécessaires jusque sous le règne de Louis XIV, a changé complétement le caractère de cette architecture en lui retirant son échelle; les croisées de menuiserie n'ont pas l'aspect monumental des meneaux de pierre, sans pour cela donner plus de jour à l'intérieur des appartements (voy. MAISON, PALAIS).

FERME, s. f. Constructions rurales destinées à l'exploitation d'un domaine. Les Romains étaient fort amateurs d'établissements ruraux, et dans le voisinage de leurs villæ, quelquefois dans leur enceinte même, ils possédaient des bâtiments destinés à conserver les récoltes, à loger les colons et à renfermer des bestiaux. Les chefs francs paraissent avoir voulu prendre ces habitudes lorsqu'ils s'emparèrent du sol des Gaules; mais leur mépris pour le travail manuel et pour ceux qui s'y livraient, leur goût pour les armes et la vie d'aventures ne leur permettaient guère de s'occuper des détails de la vie des champs. S'ils faisaient approvisionner dans leurs villæ des amas de grains, de vin, de fourrages et de produits de toute sorte, c'était pour les consommer avec leurs compagnons d'armes, et pour dilapider en quelques nuits d'orgies la récolte d'une année. On comprend que ces moeurs n'étaient pas propres à encourager la culture et l'établissement de bâtiments destinés à l'exploitation méthodique.

Les monastères, vers le commencement du XIe siècle, s'occupaient déjà sérieusement de la culture en grand. Ils construisirent des granges, des celliers, des pressoirs, des étables; ils firent des travaux d'irrigation importants, et s'appliquèrent à améliorer les terres, à défricher les bois, à réunir de nombreux troupeaux. À vrai dire, même les premiers monastères bâtis par les Clunisiens ressemblaient plus à ce que nous appelons une ferme aujourd'hui qu'à toute autre chose (voy. ARCHITECTURE MONASTIQUE).

Plus tard, les moines, les seigneurs laïques, les chapitres, firent construire des fermes conformes aux dispositions adoptées de nos jours, et nous voyons qu'en 1234 un chanoine de Notre-Dame de Paris s'oblige à bâtir dans le délai d'un an une grange devant faire retour au chapitre après sa mort. «La cour ou pourpris de la grange devait avoir quarante toises de long et trente de large; le mur de clôture dix-huit pieds de haut, non compris le chaperon. Dans ce mur devait être pratiqué une porte avec une poterne, et au-dessus de la porte et de la poterne devaient être élevés des greniers vastes et solides; c'était la grange proprement dite. Elle devait avoir vingt toises au moins de longueur et neuf toises ou environ de largeur, avec une gouttière à la hauteur de douze pieds. Près de la porte un appentis de dix ou douze toises était destiné à l'habitation. Sur le pignon de derrière devait être construite une tourelle assez grande pour contenir un lit et un escalier. On devait employer à la construction de cette tourelle de bon bois de chêne, gros et fort, et de bonnes tuiles. Les angles des murs ainsi que la porte devaient être en pierre de taille. Enfin il devait être construit un grand et bon pressoir couvert d'un bon appentis en tuiles 492.» Il existe encore dans le Beauvoisis, le Soissonnais, les environs de Paris et la Touraine, un assez grand nombre de ces bâtiments de fermes des XIIe et XIIIe siècles 493, notamment de fort belles granges (voy. GRANGE), des colombiers (voy. COLOMBIER), qui ont presque toujours appartenu à des établissements religieux. Quant à la disposition générale des bâtiments de fermes, elle est subordonnée au terrain, aux besoins particuliers, à l'orientation. Ce n'est jamais qu'une agglomération de corps de bâtisses séparés les uns des autres, enclos de murs et souvent de fossés. Quelquefois même, ces fermes étaient fortifiées, les murs d'enceinte étaient garnis d'échauguettes ou de tourelles. On en voit encore quelques-unes de ce genre en Bourgogne, dans l'Auxois, dans le Lyonnais et le Poitou.

FERME., s. f. Terme de charpenterie. On entend par ferme toute membrure de charpente qui compose une suite de travées. On dit une ferme de comble, une ferme d'échafaud (voy. CHARPENTE, ÉCHAFAUD).

FERMETURE, s. f. (Voy. BARRE, FENÊTRE, PORTE, SERRURERIE).

FERRURE, s. f. (Voy. ARMATURE, SERRURERIE).

FEUILLURE, s. f. Entaille pratiquée dans l'ébrasement d'une porte ou d'une fenêtre pour recevoir les vantaux ou les châssis (voy. FENÊTRE, PORTE). Les châssis dormants portent aussi des feuillures, quand ils reçoivent des châssis ouvrants (voy. MENUISERIE).

FICHAGE. Action de ficher.

FICHER, v. Ficher une pierre, c'est introduire du mortier sous son lit de pose et dans ses joints lorsque cette pierre est posée sur cales. Habituellement, pendant le moyen âge, on ne fichait pas les pierres, on les posait à bain-de-mortier, ce qui est de beaucoup préférable; car il est difficile, lorsqu'une pierre est posée sur cales, d'introduire le mortier dans son lit et ses joints, et surtout de comprimer le mortier de manière à éviter les tassements. Cependant, lorsqu'on procède par reprises et incrustements, il est impossible de poser les pierres à bain-de-mortier; dans ce cas, pour éviter le retrait du lit de mortier, pour le comprimer, il est bon, lorsque ce mortier commence à prendre, de le refouler au moyen d'une palette de fer et à coups de masses. Pour ficher les pierres, on emploie un outil que l'on appelle fiche: c'est une lame de tôle dentelée, munie d'un manche en bois; cette lame est plate (1) ou coudée (1 bis).



On applique un plateau A de bois, armé de deux petites potences en fer C et de pattes B, au niveau du lit de la pierre à ficher, les pattes entrant dans ce lit. Un garçon met du mortier sur ce plateau, que le ficheur, avec sa truelle et sa fiche, introduit peu à peu sous le bloc. Lorsque le mortier refuse d'entrer et qu'il ressort par le lit supérieur de la pierre, c'est que la pierre est bien fichée et que sa queue est remplie. Alors, et après que ce mortier a acquis de la consistance, on le bourre au moyen du refouloir en fer (2). Il est bon de laisser deux ou trois centimètres de vide sous le lit, le long du parement. On remplit ce vide, plus tard, en rejointoyant; c'est le moyen de s'assurer que la pierre ne pose pas sur ses arêtes et qu'elle ne s'épauffrera pas sous la charge.

FILET, s. m. Solin. On donne ce nom à une saillie de pierre destinée à empêcher l'eau pluviale glissant le long des parements de s'introduire entre les couvertures et les maçonneries. Une couverture en métal, en ardoise ou en tuiles, ne peut être adhérente à la pierre; il existe toujours une solution de continuité entre cette couverture et la construction de pierre qui s'élève au-dessus d'elle. Si cette jonction, nécessairement imparfaite, n'est pas masquée par une saillie qui en éloigne les eaux, des infiltrations ont lieu sous les combles, pourrissent les planchers ou les voûtes. Aujourd'hui, on incruste une lame de zinc dans la pierre au-dessus de la couverture, ou, plus souvent encore, on calfeutre la jonction au moyen d'un solin de plâtre, qui se dégrade promptement ou qui se brise par suite du mouvement des charpentes sujettes à des gonflements et à des retraits successifs. Les architectes du moyen âge avaient sur nous l'avantage précieux de tout prévoir pendant la construction des édifices publics ou privés. Scellements des châssis, feuillures, emplacement des ferrures, les détails nombreux qui doivent concourir à l'ensemble d'une bâtisse simple ou compliquée, étaient calculés, prévus et exécutés au fur et à mesure de la construction. Mais c'était particulièrement dans le système d'écoulement des eaux que ces architectes nous surpassaient. Ils apportaient donc, dans l'établissement à demeure des filets propres à masquer la jonction des couvertures avec les parements verticaux, un soin minutieux, surtout à dater de la fin du XIIe siècle, moment où ils commençaient à élever de très-vastes édifices, sur lesquels, à cause même de leur grande surface, l'écoulement des eaux présentait des difficultés. Dans les églises romanes du XIe siècle, on voit déjà cependant que les architectes ont préservé la jonction du comble en appentis des bas-côtés avec le mur de la nef centrale, au moyen de filets prononcés (1). Ces filets pourtournent les saillies des contre-forts, horizontalement d'abord (voy. le tracé A), puis bientôt suivant la pente donnée par le comble (voy. le tracé B), afin de ne laisser partout, entre ce filet et la couverture, qu'une distance égale, suffisante pour introduire le plomb, l'ardoise ou la tuile.



Mais des difficultés se présentèrent lorsque, par exemple, des souches d'arcs-boutants ou de cheminées vinrent percer les pentes d'un comble (2). Si le filet AB empêchait l'eau glissant le long du parement D de s'introduire entre la couverture et les parois de la pile, il fallait, en C, trouver un moyen de rejeter les eaux, coulant sur le comble, à droite et à gauche de l'épaisseur de cette pile. Là, le filet ne pouvait être bon à rien; il fallait, en C, un caniveau pour recevoir les eaux du comble, et il fallait que ce caniveau renvoyât ses eaux soit sur le comble, soit dans un autre caniveau pratiqué suivant la pente de la couverture. C'est à ce dernier moyen que l'on songea d'abord. En effet, les souches des arcs-boutants du choeur de la cathédrale de Langres, qui date du milieu du XIIe siècle, nous présentent des caniveaux disposés ainsi que l'indique la fig. 3.



Le caniveau A reçoit les eaux de la pente supérieure de la couverture; celui B, latéral, reçoit les eaux tombées dans le caniveau A et sur les extrémités des tuiles en contre-bas. Lorsque la couverture est posée autour de cette souche, elle affecte la disposition donnée dans le tracé T. Ainsi, pas de solins de plâtre ou de mortier, un caniveau supérieur rejetant ses eaux dans des caniveaux rampants se dégorgeant à la partie inférieure de la pile dans le chéneau C. À la cathédrale de Langres, les filets-caniveaux rampants sont taillés dans une seule grande pierre, ce que la pente faible des combles rendait possible. Ce moyen primitif présentait des inconvénients. Il fallait relever la tuile pour joindre le caniveau supérieur A, et laisser ainsi un intervalle entre ce relèvement et la pente continue du comble; de plus, le long de la jouée D du caniveau supérieur, les eaux pluviales pouvaient encore passer entre la tuile et cette jouée. Plus tard, des pentes plus fortes étant données aux couvertures, on renonça aux caniveaux rampants qui ne pouvaient dès lors être taillés dans une seule assise; on revint aux filets de recouvrement pour les parties inclinées, et on laissa des caniveaux seulement dans la partie supérieure, à l'arrivée des eaux sur l'épaisseur des souches de contre-forts et de cheminées (4). De petites gargouilles, ménagées des deux côtés de l'épaisseur, rejetèrent les eaux de ce caniveau supérieur sur les pentes de la couverture. Le tracé A donne le géométral de cette disposition. Un faible relèvement de l'ardoise, de la tuile ou du métal, en C, jetait les eaux dans le caniveau, lesquelles, par suite de l'inclinaison du comble, pouvaient facilement être versées sur la couverture passant sous le filet rampant E. Le tracé B présente le caniveau et le filet rampant en perspective, le comble étant supposé enlevé.



Ces détails font assez ressortir le soin apporté par les architectes du moyen âge dans ces parties de la construction si fort négligées aujourd'hui, mais qui ont une grande importance, puisqu'elles contribuent à la conservation des édifices. C'est grâce à ce soin que la plupart de nos monuments des XIIe et XIIIe siècles sont encore debout aujourd'hui, malgré un abandon prolongé et souvent des réparations inintelligentes. Nous n'osons prédire une aussi longue durée à nos monuments modernes, s'ils ont à subir les mêmes négligences et la même incurie; ils n'éviteront de profondes dégradations que si l'on ne cesse de les entretenir, leur structure ne portant pas en elle-même les moyens de conservation que nous voyons adoptés dans l'architecture antique comme dans celle du moyen âge.

FIXÉ, s. m. Peinture faite sous une feuille de verre et préservée de l'action de l'air par la superposition de cette matière. On a fort employé les fixés dans la décoration des meubles 494 et même des intérieurs pendant le moyen âge. On en trouve bon nombre d'exemples dans la Sainte-Chapelle du Palais à Paris et dans l'église abbatiale de Saint-Denis. On employait aussi les fixés, par petites parties, pour orner les vêtements des statues, les devants d'autels, les retables, les tombeaux. On en voit jusque dans les pavages (voy. APPLICATION, PEINTURE).

FLÈCHE, s. f. Ne s'emploie habituellement que pour désigner des clochers de charpenterie recouverts de plomb ou d'ardoise, se terminant en pyramide aiguë. Cependant, les pyramides en pierre qui surmontent les clochers d'églises sont de véritables flèches, et l'on peut dire: la flèche du clocher vieux de Chartres, la flèche de la cathédrale de Strasbourg, pour désigner les sommets aigus de ces tours. En principe, tout clocher appartenant à l'architecture du moyen âge est fait pour recevoir une flèche de pierre ou de bois; c'était la terminaison obligée des tours religieuses 495. Ces flèches coniques ou à base carrée, dans les monuments les plus anciens, sont d'abord peu élevées par rapport aux tours qu'elles surmontent (voy. CLOCHER); mais bientôt elles prennent plus d'importance: elles affectent la forme de pyramides à base octogone; elles finissent par devenir très-aiguës, à prendre une hauteur égale souvent aux tours qui leur servent de supports; puis elles se percent de lucarnes, d'ajours, et arrivent à ne plus former que des réseaux de pierre, comme les flèches des cathédrales de Strasbourg, de Fribourg en Brisgau, de Burgos en Espagne. Constructeurs très-subtils, ainsi qu'on peut le reconnaître en parcourant les articles du Dictionnaire, les architectes du moyen âge ont dû apporter une étude toute particulière dans la construction de ces grandes pyramides creuses de pierre, qui s'élèvent à des hauteurs considérables et sont ainsi soumises à des causes nombreuses de destruction. S'ils ont déployé, dans ces travaux difficiles, une connaissance approfondie des lois de stabilité et d'équilibre, des matériaux et de l'effet des agents atmosphériques sur leur surface, ils ont fait preuve souvent d'une finesse d'observation bien rare dans la composition de ces grandes pyramides dont la silhouette tout entière se détache sur le ciel. Ils ne trouvaient, d'ailleurs, aucun exemple, dans l'antiquité ou les premiers monuments du moyen âge, de ces sortes de compositions, qui appartiennent exclusivement à cet art français laïque du milieu du XIIe siècle. On remarquera, en effet, qu'avant cette époque (voy. CLOCHER), les couronnements plus ou moins aigus des tours d'églises à base circulaire ou carrée ne sont que des toits de pierre ou de bois, qui n'ont qu'une importance minime ou qui ressemblent plutôt à un amas qu'à une composition architectonique. Malgré l'effort des architectes, on sent que ces couvertures ne se relient pas au corps de la bâtisse, que ce ne sont que des superpositions; tandis que, déjà, la flèche du clocher vieux de Notre-Dame de Chartres forme avec sa base un ensemble, une composition homogène. Ces qualités sont bien plus sensibles encore dans les flèches de Senlis, de Vernouillet, de Laon, de Reims, d'Étampes 496. C'est par des transitions habilement ménagées que les architectes arrivent alors, de la base carrée, massive de la tour, à la pointe extrême de la flèche. Leur attention se porte principalement sur les silhouettes de ces masses, car la moindre imperfection, lorsqu'on a le ciel pour fond, choque les yeux les moins exercés. L'expérience de chaque jour (pour nous qui songeons à toute autre chose qu'aux silhouettes de nos édifices, et qui avons pris pour règle de faire de l'architecture une décoration de placage comprise dans une masse insignifiante si elle n'est désagréable) nous démontre que les objets qui se détachent sur le ciel perdent ou acquièrent de leur importance relative, suivant certaines lois qui semblent fort étranges au premier abord, et dont cependant on peut se rendre compte par le calcul et la réflexion. Ces lois, les architectes qui élevaient les immenses flèches du moyen âge les connaissaient parfaitement, et même, dans leurs oeuvres les plus ordinaires, on en constate l'observation. Cependant, ces lois n'avaient pu s'imposer qu'après des essais, que par la méthode expérimentale, ou plutôt à l'aide d'une délicatesse des sens très-développée, puisque les monuments de ce genre surgissent tout à coup vers le milieu du XIIe siècle, à l'état parfait déjà. La flèche du clocher vieux de Notre-Dame de Chartres, la plus grande que nous possédions en France, est celle peut-être qui réunit, au plus haut degré ces qualités de composition si difficiles à acquérir. La simplicité de sa masse, la juste proportion de ses diverses parties, son heureuse silhouette, en font une oeuvre architectonique qu'on ne saurait trop méditer.

486
   D'une maison de Flavigny (Côte-d'Or).


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487
   D'une maison de Flavigny (Côte-d'Or), milieu du XIIIe siècle.


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488
   Voy. l'Architecture civile de MM. Verdier et Cattois. La maison des Musiciens est donnée dans cet ouvrage avec la plupart des détails de la façade sur la rue du Tambour.


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489
   La restauration de cette salle admirable, mutilée par le temps et l'incurie des derniers siècles, a été entreprise par les soins du ministère d'État. Le gouvernement a compris toute l'importance de ce monument unique aujourd'hui en France, et qui fournit un exemple dont on peut tirer les plus utiles enseignements pour la construction de nos grandes salles modernes destinées à de nombreuses réunions. Le bâtiment, qui avait été vendu pendant la révolution, a été acheté par le ministère de l'instruction publique et des cultes. Il appartient donc aujourd'hui à l'État. La conservation de la salle synodale de Sens sera un fait d'autant plus remarquable, que l'administration avait à lutter contre certains esprits pour lesquels toute dépense qui ne présente pas un caractère d'utilité matérielle, immédiate et locale, est une dépense perdue; nous ne pouvons cependant nous borner, en France, à élever des marchés, des abattoirs, des hôpitaux et des viaducs. Il faut reconnaître qu'à Sens, comme au pont du Gard, comme à Carcassonne, la persistance éclairée de l'administration trouve chaque jour l'approbation la plus vive de la part des nombreux visiteurs qui chez nous, heureusement, pensent que les monuments du passé méritent d'être conservés et tirés de l'oubli où on les laissait autrefois.


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490
   Deux vol. in-4, 1855.


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491
   Cet hôtel a été démoli en 1841. Nous en possédons une monographie complète. (Voy. l'Architecture civile et domestique de MM. Verdier et Cattois, t. II.)


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492
   Voy. la préface au Cartulaire de l'église Notre-Dame de Paris, pub. par M. Guérard, p. ccx, et le t. II, p. 236.


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493
   Voy. Arch. civ. et domest., par MM. Verdier et Cattois.


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494
   Voy. le Dict. du Mobilier, t. I.


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495
   Voy., dans le 7e Entretien sur l'Architecture, la façade de l'église Notre-Dame de Paris avec ses flèches projetées et laissées inachevées.


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496
   Les flèches de Laon n'existent plus, mais on en connaît la disposition; celles de la cathédrale de Reims se devinent facilement, et nous connaissons par de bonnes gravures celles de Saint-Nicaise.


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