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Read the book: «Les Merveilles de la Locomotion», page 9

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B. – Invention de la locomotive. – Voitures de Cugnot, d'Oliver Evans. – Locomotive de Trewithick et Vivian, de Blenkinsop, de Brunton, de Stephenson. – Séguin invente la chaudière tubulaire et Stephenson le jet de vapeur

C'est vers l'année 1759, nous apprend le célèbre Watt, que le docteur Robinson, alors élève à l'Université de Glascow, eut l'idée d'appliquer la vapeur au mouvement des roues des véhicules. Watt lui-même, en 1784, a décrit une machine inventée par lui dans le même but; mais les idées de Robinson, aussi bien que celles de Watt, n'ont reçu aucune réalisation.

L'honneur d'avoir le premier construit une voiture se mouvant à l'aide de la vapeur, appartient au Français Cugnot. Les premiers essais de Cugnot eurent lieu en 1763. À lui revient l'idée, – au maréchal de Saxe, au général de Gribeauval, au duc de Choiseul, ministre de la guerre de Louis XV, revient l'honneur d'avoir contribué à sa réalisation.

La voiture de Cugnot était un fardier à trois roues, destiné au transport des canons. La vapeur produite dans une chaudière placée en porte-à-faux, agissait dans deux cylindres en bronze dont les pistons, alternativement soulevés et abaissés, actionnaient un petit arbre à manivelle relié au moyen d'engrenages à la roue d'avant. Cette roue était garnie d'un large cercle faisant prise sur le sol au moyen de fortes saillies et pouvait, à l'aide d'engrenages placés sous la main du conducteur, se déplacer sur elle-même de manière à faire prendre au véhicule les directions variées de la route à parcourir.

Mais la voiture de Cugnot ne pouvait faire que quatre kilomètres à l'heure, – c'est la vitesse d'un cheval au pas; – au bout de peu de temps, l'eau manquait et elle s'arrêtait. Elle était bien imparfaite, à la vérité, mais elle laissait deviner l'avenir. Il appartient aux hommes de génie de lever le voile qui couvre certaines découvertes et de voir dans un embryon toute une destinée. Napoléon, à son retour d'Italie, apprend l'existence de la voiture de Cugnot et exprime l'avis qu'on peut en tirer un grand parti! Le génie de la guerre a entrevu l'instrument de la paix à venir.

Le Conservatoire des Arts-et-Métiers et le Ministère de la guerre se disputèrent longtemps la machine de Cugnot; le premier finit par l'obtenir. C'est dans une des salles de ce musée qu'elle est encore, donnant la mesure des progrès accomplis depuis 70 ans.

Quant à Cugnot, qui avait eu, sur la proposition du général de Gribeauval, une pension de 600 livres et qui en avait été privé au moment de la Révolution, il serait mort de misère si une dame charitable de Bruxelles ne lui était venue en aide. Il avait soixante-quinze ans quand Bonaparte, premier consul, lui rendit sa pension et en éleva le chiffre à 1,000 livres. Il vécut encore quatre ans et mourut en 1804, pauvre, mais heureux comme on doit l'être, après une vie de labeur, en voyant grandir l'œuvre dont on a été le premier artisan. À ce moment, les locomotives commençaient à fonctionner dans les mines de Newcastle.

C'est en Amérique et en Angleterre que se poursuivent dès lors les essais d'application de la vapeur à la locomotion.

Oliver Evans, en 1800, construit une voiture à vapeur qu'il fait circuler dans les rues de Philadelphie. Trewithick et Vivian, mécaniciens de Cornouailles, prennent, en 1802, un brevet pour une voiture du même genre, et font marcher leur première locomotive, en 1804, sur les rails du chemin de Merthyr-Tydwill, dans le pays de Galles. Mais il semble que l'adhérence manque: on croit devoir recourir à l'emploi de stries sur la jante des roues.

En 1811, paraît la locomotive de M. Blenkinsop, directeur des houillères de Middleton. Cette machine avait quatre roues porteuses et s'avançait sur les rails à l'aide d'une roue dentée s'engrenant dans une crémaillère couchée entre les deux rails. Deux cylindres verticaux, placés au-dessus de la chaudière, transmettaient, au moyen de bielles, de manivelles et de pignons, le mouvement à cette roue dentée. La chaudière était un corps cylindrique traversé par un gros tube ayant à l'une de ses extrémités le foyer et à l'extrémité opposée la cheminée.

En 1813, un ingénieur, du nom de Brunton, remplace la roue dentée et la crémaillère par des béquilles s'appuyant sur les rails, comme la gaffe du batelier sur le fond de la rivière à la surface de laquelle chemine son bateau.

M. Blackett étudie, dans le courant de cette même année, la question de l'adhérence, qui, jusque-là, avait paralysé tout progrès. Il reconnaît que le frottement qui s'exerce entre la roue de fonte de la locomotive (car, à cette époque, les roues étaient entièrement en fonte) et les rails, est suffisant pour produire la progression de celle-ci et des wagons à remorquer.

L'année suivante, George Stephenson utilise toute l'adhérence des roues de sa machine en réunissant celles-ci par une chaîne sans fin, qui rend leurs mouvements solidaires. Le mode de suspension de cette machine mérite de fixer l'attention: la chaudière repose sur les roues par l'intermédiaire de tiges reliées à des pistons sur lesquels agissent l'eau et la vapeur contenues dans la chaudière. On rapporte que cette locomotive a remorqué 30 tonnes à une vitesse de 6,500 mètres à l'heure.

En 1815, G. Stephenson perfectionne sa machine. Les cylindres de suspension sont remplacés par des ressorts. À la chaîne sans fin, M. Hackworth substitue, en 1825, une bielle d'accouplement. Ce n'est pas encore notre locomotive actuelle, mais, telle qu'elle est, la machine de Stephenson rend déjà des services pour le transport des charbons.

Jusqu'en 1827, il n'y a pas de progrès nouveau dans la construction des locomotives. Cependant, le chemin de Saint-Étienne à Lyon s'achève; on prévoit l'exploitation, et dans ce but on fait venir deux des locomotives inventées par Stephenson et en usage en Angleterre. Le directeur du chemin de Saint-Étienne, Marc Séguin, les examine. Il est tout d'abord frappé de leur faible production de vapeur et, pour y remédier, il leur applique le perfectionnement qu'il venait d'apporter aux chaudières servant à la navigation du Rhône: au gros tube faisant foyer de ces machines, il substitue un grand nombre de petits tubes. La chaudière tubulaire est inventée; mais cette grande division des produits de la combustion, ralentit le tirage. Pour obvier à cet inconvénient capital, Séguin a recours au ventilateur à force centrifuge; il arrive ainsi à produire jusqu'à 1,200 kilogrammes de vapeur par heure, avec des chaudières de 3 mètres de longueur et de 0m,80 de diamètre, renfermant 43 tuyaux de 0m,04 de diamètre. Ce moyen d'opérer artificiellement le tirage du foyer n'a pas toute la simplicité nécessaire. Stephenson, adoptant la chaudière tubulaire, se trouve en face du même problème et, pour le résoudre, il imagine de conduire dans la boîte à fumée la vapeur qui, après son action dans les cylindres, se perd dans l'air. L'idée n'est pas nouvelle, elle remonte aux temps les plus reculés, mais l'application est neuve et détrône le ventilateur de Séguin.

La locomotive est désormais inventée. En octobre 1829, un concours est organisé sur le chemin de Liverpool à Manchester; le prix est décerné à la Fusée (the Rocket), sortie des ateliers de Stephenson, qui remorque, avec une vitesse de six lieues à l'heure, une charge de près de 13,000 kilogrammes. Sans charge, elle fournit une course de dix lieues à l'heure.

À partir de cette époque, de nombreux perfectionnements viennent chaque jour s'ajouter à ceux dont la nouvelle machine a été dotée, mais ces perfectionnements n'ont plus qu'une importance secondaire vis-à-vis des inventions dues à Séguin et à Stephenson.

L'usage de la nouvelle machine se répand. Sa vitesse et sa puissance augmentent, ses dimensions s'accroissent. Les différentes parties du mécanisme deviennent l'objet d'études spéciales et, en même temps le travail des ateliers se perfectionne, les expériences se font, la science s'établit.

C. – La locomotive. – Différents types. – Machines à voyageurs à moyenne et à grande vitesse; Crampton. – Machines mixtes. – Machines à marchandises de moyenne et de grande puissance: Engerth, Beugnot. – Progrès accomplis dans la construction des locomotives; leur puissance

Des types sont créés pour les divers services effectués par ces nouvelles machines. Les uns servent au transport des voyageurs, les autres au transport des marchandises, d'autres, enfin, dans les gares ou sur les lignes de faible longueur.

Il ne faut pas s'attendre à trouver un ou deux types spéciaux pour chacun des services que nous venons d'indiquer. Il n'en est pas des choses de la science appliquée comme de celles de la science pure, et l'on est bien loin de s'entendre sur un fait de mécanique comme on s'entend sur un théorème de géométrie ou sur une question d'algèbre. Aussi, suivant les Compagnies, les types varient-ils et, à part certains caractères généraux, il serait assez difficile d'indiquer les différences qui existent entre les divers modèles adoptés. Ces différences sont, d'ailleurs, en partie légitimées par les conditions variées où se trouve placée l'exploitation de chaque chemin: tracé de la voie en plan et en profil, nature du combustible, etc., il faut avoir un moteur dont la construction, – qu'on nous permette la comparaison, – dont les entrailles, dont les jambes répondent à la nourriture qu'on lui donne, à la course qu'il doit fournir.

Les machines à voyageurs sont destinées à un service de moyenne vitesse (trains omnibus) ou à un service de grande vitesse (trains express).

Dans le premier cas, elles sont construites pour marcher à 35 ou 40 kilomètres; dans le second, à 70 kilomètres à l'heure. Ce qui distingue essentiellement ces deux types, c'est la dimension des roues motrices, qui ont, dans le second, jusqu'à 2m,60 de diamètre, et leur position en arrière du foyer, l'essieu passant sous les pieds du mécanicien. On conçoit que pour un même nombre de coups de piston ou de tours de roue, elles parcourent, grâce au grand développement de leur circonférence, un plus grand espace que les premières, dont les roues n'ont jamais un diamètre supérieur à 1m,80. – On peut dire de ces machines, dont l'ingénieur Crampton est l'inventeur, qu'elles courent ventre à terre. La marche rapide qu'elles doivent fournir exigeait un puissant organe respiratoire et digestif, une longue chaudière, par conséquent; elle demandait encore une grande stabilité; aussi, le centre de gravité a-t-il été placé le plus bas possible, les différentes parties du mécanisme étant groupées de chaque côté du corps cylindrique et rendues ainsi d'une surveillance plus facile.

Entre les machines à voyageurs et les machines à marchandises se placent les machines mixtes, destinées à faire un service commun sur les lignes de peu d'importance et à remorquer des trains composés de wagons à voyageurs et de wagons à marchandises. Il faut, pour ce service spécial, des locomotives d'une vitesse supérieure à celle des trains de marchandises ordinaires, et d'une puissance plus considérable que celle des locomotives destinées spécialement aux trains de voyageurs.

L'indépendance des roues, qui était le caractère propre des machines précédentes, n'est plus possible. Il faut, comme on dit, faire feu des quatre pieds et obtenir une adhérence plus grande. On arrive à ce résultat en rendant le mouvement d'une des deux paires de roues, précédemment laissées libres, solidaire de celui des roues motrices. On conjugue les essieux, c'est-à-dire qu'on les réunit au moyen de tiges ou de bielles d'accouplement, ce qui nécessite, comme point de départ, qu'elles aient le même diamètre. Ainsi donc: deux paires de roues d'égal diamètre, reliées entre elles, tel est le caractère essentiel de la machine mixte. Une troisième paire de roues, d'un diamètre plus petit (1m,00, tandis que les grandes ont jusqu'à 1m,74 de diamètre), accompagne celles-ci et contribue avec elles à porter le lourd véhicule. La vitesse des trains mixtes résulte du diamètre des roues motrices de la locomotive qui les remorque; leur résistance au mouvement est surmontée, grâce à l'accouplement de ces mêmes roues.

On pressent déjà les dispositions que doivent présenter les machines à marchandises. Qui ne connaît le scolopendre, ce myriapode, vulgairement appelé mille-pieds, au corps allongé, divisé en nombreux segments, aux pieds terminés par un crochet, qui, dans nos climats, n'a pas plus de 5 à 8 centimètres et qui, dans l'Inde, a jusqu'à 30 centimètres de longueur? Cet animal repoussant est cependant remarquable par la puissance de son appareil locomoteur: 74 paires de pattes! La machine Beugnot, l'un des types les plus puissants, l'une de celles qui en a le plus, en a dix fois moins: 7 paires de roues seulement.

Les machines à petite vitesse sont de deux espèces, celles de moyenne puissance, qui font le remorquage des trains ordinaires de marchandises sur les lignes peu accidentées et peu contournées, et celles de très-grande puissance, qui doivent circuler sur des lignes d'un tracé difficile, en traînant après elles des convois lourdement chargés.

Les machines de moyenne puissance ont d'ordinaire trois paires de roues de même diamètre accouplées. Le diamètre de ces roues est toujours faible et ne dépasse guère 1m,50. Elles sont généralement ramassées, de forme trapue, comme ces hommes qui sont capables de fournir de leurs reins et de leurs jambes de grands efforts.

Dans les machines de grande puissance, spécialement destinées à remorquer de lourdes charges sur des chemins rapides et à courbes de petit rayon, le corps cylindrique s'allonge, car il faut une grande production de vapeur; le nombre des roues augmente, car il faut user de toute l'adhérence; le mécanisme enfin se complique, car il faut donner à ce grand corps de métal la souplesse nécessaire à une marche sinueuse.

C'est pour franchir la montagne du Sommering, avec des pentes de 25 millimètres, que l'ingénieur autrichien Engerth a construit la puissante locomotive qui porte son nom et dans laquelle il a réuni sur dix roues le tender et la machine, de manière à profiter de toute l'adhérence possible, en laissant aux deux parties du système la possibilité de se mouvoir et de s'inscrire dans des courbes de 190 mètres de rayon.

Le problème de la locomotion, dès qu'il s'agit de fortes pentes, en courbes de faible rayon, présente les plus grandes difficultés. Chaque jour les ingénieurs font un nouveau pas vers la solution, mais celle-ci n'est point encore atteinte et on ne peut prévoir l'époque où la machine de montagne, celle qui se rapprochera le plus de notre scolopendre, par sa force et sa souplesse, sera trouvée.

À côté de ces lourdes machines, aux formes massives et athlétiques, auxquelles incombent les transports les plus importants, se trouvent des machines plus légères, plus rapides à la course: les machines-tenders, qui portent avec elles leur provision d'eau et de combustible pour les courts trajets qu'elles doivent accomplir. Les machines-tenders servent à la traction sur les lignes de banlieue, et sont utilisées dans les gares pour les manœuvres de composition et de décomposition des trains, trop lentes avec des chevaux ou à bras d'hommes.

Tels sont, très en résumé, les divers types de machines nécessaires à l'exploitation des voies ferrées, et que l'on trouve dans le matériel de toutes les Compagnies de France ou de l'étranger, avec les différences naturelles que les conditions locales leur imposent.

Nous avons dit déjà plusieurs fois que l'instrument de transport sur les voies ferrées, si parfait qu'il soit déjà, n'est pas encore, dans tous les cas, tout ce que l'on peut désirer. Il ne faut pas que le chemin qui est à parcourir nous empêche de reconnaître les améliorations accomplies.

On sait que la puissance d'une machine dépend des dimensions de ses entrailles, nous voulons dire de l'étendue de sa surface de chauffe. À l'origine, les machines du chemin de Versailles mesuraient 56 mètres carrés; ce chiffre a été à peu près quadruplé: les grosses machines du chemin de fer du Nord ont jusqu'à 213mc,35 de surface de chauffe. Au lieu de 450 kilogrammes d'eau, elles digèrent ou évaporent dix fois plus, et jusqu'à 5,000 kilogrammes d'eau par heure. Le corps cylindrique, qui n'avait que 2m,43 de longueur dans les anciennes machines Sharp, a aujourd'hui jusqu'à 4m,89 dans les Engerth.

L'augmentation de poids est la conséquence naturelle de l'augmentation des dimensions. La Fusée pesait 4 tonnes 30 et, sans remonter si loin, les anciennes machines Buddicom pesaient 17 tonnes; aujourd'hui, les Engerth, avec leur tender, pèsent 62 tonnes 80. L'adhérence a augmenté avec le poids et, tandis que la charge remorquée par les anciennes machines n'était que de 40 tonnes, à la vitesse de 10 kilomètres à l'heure, elle est aujourd'hui: de 700 tonnes, à une vitesse de 23 kilomètres pour les Engerth, ou de 88 tonnes, à une vitesse de 80 kilomètres, pour les Crampton.

À l'encontre de ce qui arrive pour les chevaux, qui produisent en raison de la nourriture qu'on leur donne (parce que nous n'avons pas encore trouvé le moyen de diminuer leurs facultés digestives et assimilatrices, sans réduire leur quantité de travail, l'œuvre de Dieu étant parfaite), la consommation des machines s'est améliorée: par de meilleures proportions données au foyer, à la chaudière et aux différentes parties du mécanisme, la quantité de combustible brûlée pour transporter une tonne à 1 kilomètre a été réduite de 0k,45 à 0k,032, c'est-à-dire dans la proportion de 14 à 1.

Le travail des ateliers s'est perfectionné, le prix des machines s'est notablement abaissé, et cela en dépit du prix de la main-d'œuvre, qui va constamment en croissant. L'unité-cheval a notablement baissé. Et quelle perfection plus grande dans la construction!

Or, ce cheval, pris pour unité de la mesure des locomotives et des machines à vapeur en général, et qu'on appelle cheval-vapeur, n'est pas l'équivalent du cheval ordinaire de nos voitures. Le cheval-vapeur équivaut à 75 kilogrammètres (c'est-à-dire à la force nécessaire pour élever, par seconde, un poids de 75 kilogrammes à 1 mètre de hauteur), tandis que la force du cheval ordinaire est évaluée à 45 kilogrammètres seulement. Et, comme ce dernier ne peut travailler que huit heures environ sur vingt-quatre, il en résulte qu'il faudrait 5,5 chevaux ordinaires pour faire l'équivalent d'un cheval-vapeur, ou mieux 11 chevaux ordinaires pour remplacer 2 chevaux-vapeur.

Cette définition étant donnée, nous serons compris en disant que les locomotives aujourd'hui en usage développent un travail soutenu de 200 à 300 chevaux-vapeur, ou de 1,100 à 1,650 chevaux ordinaires.

Les Compagnies françaises avaient, au 31 décembre, 11,723 locomotives, et les Compagnies anglaises 8,619.

On compte, en général, pour l'exploitation des chemins de fer, 0,34 locomotives par kilomètre (ou une machine environ pour 3 kilomètres), ce qui donne, pour les 176,000 kilomètres exploités aujourd'hui, environ 59,800 locomotives, produisant un travail de 14,950,000 chevaux-vapeur, ou de 82,225,000 chevaux ordinaires. On est effrayé de ces chiffres et l'esprit se rend difficilement compte des quantités qu'ils représentent. Cependant, si l'on suppose que tous ces chevaux soient attelés en flèche et n'occupent chacun qu'une longueur de 2 mètres, l'attelage aura comme longueur 191 fois la distance de Paris à Marseille, ou sera la moitié environ de la distance moyenne de la terre à la lune!

Nous ne pouvons mieux finir cette courte analyse du chemin de fer, qu'en transcrivant ici les lignes par lesquelles deux des rapporteurs de la classe 63 (matériel du chemin de fer), à l'Exposition universelle de 1867, MM. E. Flachat et de Goldschmidt, terminaient leur exposé économique.

«Quelque découverte qui puisse être faite dans l'industrie et dans les arts, il n'y en a pas qui vaille celle qui a abaissé de 4 à 1 le prix du transport de toutes choses, en augmentant la vitesse dans le rapport de 1 à 5.

«Il y a dix années au plus que ce nouvel état de choses exerce son influence sur l'industrie générale, et déjà l'Exposition universelle nous montre une égalité menaçante pour les uns, consolante pour les autres, providentielle pour tous, dans les moyens de production. C'est comme une abondance qui monte et qui doit enrichir l'humanité sur tous les points du globe. À voir l'ardeur qui nous entraîne et qui nous unit, pour améliorer demain ce qui a été fait hier, qui douterait du mieux qui va suivre et n'aurait confiance dans ce que l'avenir prépare?»