Read only on LitRes

The book cannot be downloaded as a file, but can be read in our app or online on the website.

Read the book: «Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 3», page 22

Font:

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS

CHAPITRE PREMIER

Page 4, lignes 7 et 8: En écriture du temps.

Dans le recueil manuscrit, en 6 vol. in-folio, que nous avons souvent cité dans nos deux premières parties, on trouve plusieurs des couplets du cantique attribués à Bussy, mais détachés et mêlés avec d'autres, et non sous la forme d'un seul noël. Il y a celui sur Deodatus, celui sur mademoiselle de Vandis, avec laquelle Bussy n'a pas cessé d'entretenir des relations amicales, ainsi qu'avec MADEMOISELLE, qui figure dans le même couplet et qui cependant écrivit à Bussy de sa propre main après la publication de l'édition de l'Histoire amoureuse de France, où ce cantique, attribué à Bussy, était inséré, le 12 septembre 1666. (Voyez Nouvelles Lettres de messire ROGER DE RABUTIN, chez la veuve Delaulne, 1727, in-12, t. V, p. 2.)—Mais je n'en finirais pas si j'entrais dans le détail des preuves qui établissent, d'après le seul texte de ce cantique, que Bussy n'a pu en être l'auteur.

Page 4, ligne 12: L'éditeur de l'Histoire amoureuse de France.

L'Histoire amoureuse des Gaules n'était pas encore imprimée en mai 1664, mais elle l'était en mars ou avril 1665 (voyez les Mémoires de BUSSY; Amsterdam, 1721, t. II, p. 212 et 213); d'où je présume que les deux éditions anonymes portant sur le titre Liége avaient paru au commencement de l'année 1665. Il est difficile de dire quelle est la première des deux; peut-être est-ce la moins bien imprimée, qui n'a pas la croix de Saint-André.—La troisième édition est nécessairement celle avec la date de 1666 et le nom Liége, que je cite seulement d'après Barbier; quant aux éditions de cet ouvrage, dont l'intitulé est l'Histoire amoureuse de France, celles que je connais portent les dates de 1666, 1671, 1677, 1708, 1709 et 1710. Il y (a) aussi dans les bibliothèques plusieurs copies manuscrites de cet ouvrage; et, en comparant la copie qui est à la Bibliothèque de l'Institut, j'ai vu qu'elle différait en plusieurs endroits des éditions imprimées. Je possède les trois éditions primitives de cet ouvrage de Bussy, portant pour titre Histoire amoureuse des Gaules, avec la rubrique de Liége sur le frontispice, les deux premières sans date: la première la plus belle, et avec les types d'Elzevier, avec une croix de Saint-André; la seconde sans croix ni aucune figure sur le titre; la troisième avec la date 1666 et une sphère sur le titre, qui porte Nouvelle édition. Toutes les trois ont la même clef, mais aucune ne contient le fameux cantique qui est dans l'édition de 1666, avec nom d'auteur et un autre titre; celle-ci a été la tige de toutes les éditions qui portent pour titre Histoire amoureuse de France.

Page 8, lignes 16 et 17: Quatre hommes à cheval, également armés.

J'ai cité Ménage en note, parce qu'il se vengea à sa manière du ridicule rôle que Bussy lui fit jouer dans son Histoire amoureuse des Gaules, et que l'épigramme qu'il composa contre lui prouve que l'on connaissait la colère de Condé et de Turenne contre Bussy, et que les insultes que l'on suppose avoir été faites par ce dernier au roi et à la reine mère n'entraient pour rien dans les causes de sa détention. Voici l'épigramme de Ménage contre Bussy, qu'on ne trouve que dans la 8e édition de ses Poésies; Amstelodami, 1687, p. 147, no CXXXVIII.

IN BUSSIADEN
 
Francorum proceres, media (quis credat?) in aula
Bussiades scripto læserat horribili.
Pœna levis: Lodoix, nebulonem carcere claudens,
Detrahit indigno munus equestre duci.
Sic nebulo gladiis quos formidabat Iberis,
Quos meruit Francis fustibus eripitur.
 

Ménage cite aussi un couplet de Bussy contre Turenne qui peut nous donner une idée de ceux qui furent chantés à Roissy:

 
Son altesse de Turenne,
Soi-disant prince très-haut,
Ressent l'amoureuse peine
Pour l'infante Guénégaud;
Et cette grosse Clymène
Partage avec lui sa peine.
 
Ménagiana, t. IV, p. 216.

Dans le paragraphe précédent (p. 215) Ménage dit: «C'est un bel et bon esprit que M. Bussy de Rabutin; je ne puis m'empêcher de lui rendre cette justice, quoiqu'il ait tâché de me donner un vilain tour dans son Histoire des Gaules.» Certes Ménage ne se fût point exprimé ainsi s'il avait cru Bussy capable d'écrire contre le roi les couplets publiés sous son nom.

Page 9, ligne 22: Les blessures qu'elle lui fait sont incurables.

C'est certainement faute d'avoir lu, comme nous avons été obligé de le faire, tous les écrits de Bussy imprimés et un grand nombre de ceux qui sont restés manuscrits que des auteurs d'ailleurs studieux ont pu, sans faire attention à ses dénégations, croire Bussy l'auteur de tous les couplets du cantique. Si l'on venait m'apporter une histoire sans style, sans esprit, sans goût, sans jugement, sans critique, imprimée à Bruxelles et portant le nom de l'auteur de l'Histoire de France sous le ministère du cardinal Mazarin, je prononcerais aussitôt que c'est une piraterie de nos voisins, et que cette histoire n'est pas de l'élégant et spirituel écrivain auquel on l'attribue. Comment donc, lors même qu'il n'y aurait pas bien d'autres raisons, ne pas croire Bussy lorsqu'il n'a pas, lui si indiscret, écrit une seule ligne qui puisse le démentir; quand il déclare devant un juge, devant un lieutenant criminel, après avoir levé la main et prêté serment, qu'il n'est point auteur des couplets qu'on lui attribue; lorsqu'il offre sa tête à l'échafaud si on peut administrer la moindre preuve contraire à cette assertion? (Mémoires, 1721, t. III, p. 304.) Sa vanité, son libertinage, son orgueil si déplaisant doivent-ils empêcher, à son égard, la critique d'être juste? Je m'étonne surtout que, pour la seule raison que Bussy, dans une de ses lettres à sa cousine, parlait de ce cantique impie autrefois chanté dans le repas de Roissy, on n'ait pas compris que ce noël, ou alléluia, ne pouvait être composé de tous les immondes couplets qui sont insérés dans l'Histoire amoureuse de France, très-connue et très-souvent réimprimée, lorsque Bussy écrivit cette lettre. Il est probable que le cantique chanté à Roissy était encore plus impie que libertin. Il y en a un de ce genre dans le recueil de vaudevilles mss., où la sainte Vierge est chansonnée avec les beautés galantes de l'époque, mais avec esprit et sans aucun terme obscène. Je reconnaîtrais plus volontiers dans cette pièce le cantique chanté à Roissy que dans celui qu'on a inséré dans l'Histoire amoureuse de France: ce qui appuie cette opinion, c'est la manière dont Bussy parle du premier dans le passage de la lettre dont j'ai fait mention, et que je vais citer:

«J'ai mille choses à vous dire et à vous montrer; je vous dirai que je viens de faire une version du cantique de Pâques, O filii et filiæ; car je ne suis pas toujours profane. Vivonne, le comte de Guiche, Manicamp et moi fîmes autrefois des alléluia à Roissy, qui ne furent pas aussi approuvés que le seraient ceux-ci et qui nous firent chasser tous quatre. Je dois cette réparation, pour mes amis et pour moi, à Dieu et au monde.» SÉVIGNÉ, Lettres (17 avril 1692), t. X, p. 436, édit. G.; t. IX, p. 498, édit M.

CHAPITRE II

Page 41, note 3: Ballet royal des Muses.

Dans la troisième entrée du Ballet des Muses, avant de commencer la pièce de Mélicerte, composée par Molière pour ce ballet, un des personnages du ballet récita ces vers, que Benserade avait composés pour le grand comique:

 
Le célèbre MOLIÈRE est dans un grand éclat;
Son mérite est connu de Paris jusqu'à Rome.
Il est avantageux partout d'être honnête homme;
Mais il est dangereux, avec lui, d'être un fat.
 
BENSERADE, Œuvres, t. II, p. 359.

Ces vers seraient plats et insignifiants si on donnait aux mots honnête homme le sens qu'on leur donne aujourd'hui. Mais alors cette expression était le plus souvent employée dans le sens d'homme élégant, d'homme aimable et aimant le plaisir, à manières distinguées et qui cherchait à plaire aux femmes et à les séduire. L'exagération de ce caractère produisait la fatuité; le fat était à l'honnête homme ce que les précieuses ridicules étaient aux véritables précieuses. La comédie s'attaquait aux défauts, mais elle épargnait les vices.

Page 43, ligne 12: Il créa, en 1665, la compagnie des Indes.

Colbert fut nommé président; le prévôt des marchands, le président de Thou et Berner, un des premiers commis de Colbert, directeurs. Les commerçants, véritables directeurs de cette compagnie, furent Pocquelin (était-il de la famille de Molière?), Langlois de Faye, de Varennes, Cadeau, Hérin, Bachelier, Jaback et Chanlate.—Forbonnais ne dit rien de cette création, qui est rappelée cependant par le président Hénault.

Page 44, ligne 23, note 1: BUSSY, Lettres.

Nous apprenons par la lettre du P. Rapin à Bussy, en date du 24 juillet 1671 (t. III, p. 378), que le livre du P. Rapin qui fut envoyé par madame de Scudéry à Bussy, avec sa lettre du 5 juillet 1671, était les Réflexions sur l'éloquence. M. Daunou, dans son article RAPIN (Biographie universelle, t. XXXVII, p. 94), dit que ces Réflexions sur l'éloquence sont de 1672 (in-12). Peut-être le livre n'était-il pas encore rendu public.—Rapin dit dans cette même lettre à Bussy: «Je dois faire imprimer un recueil de trois comparaisons des six premiers savants de l'antiquité, de Platon et d'Aristote, de Démosthène et de Cicéron, d'Homère et de Virgile, pour faire, dans un même volume, une philosophie, une rhétorique et une poétique historique; et, dans l'idée du livre qui me paraît le plus faible des trois, un rayon de votre esprit que vous laisserez écouler sur ce livre le recommandera et le corrigera (p. 379).» Ce projet a-t-il reçu son exécution? Je le crois; et je présume que c'est le recueil qui parut en 1684, en 2 vol. in-4o; et Amsterdam, 2 vol. in-12.

CHAPITRE III

Page 53, ligne 16: Ils ont eu tort de supprimer de ces lettres les passages qui concernaient les envois de pièces de vers.

Ainsi la lettre de Bussy à sa cousine, du 1er mai 1672, se termine par ces mots, qui ne se trouvent dans aucune édition des lettres de Sévigné:

«Je me suis amusé à traduire les épîtres d'Ovide; je vous envoie celle de Pâris à Hélène. Qu'en dites-vous?»

Madame de Sévigné n'en dit rien dans sa réponse (lettre du 16 mai 1672, t. III, p. 18-23, édit. de G. de S.-G.—BUSSY, Lettres, p. 94 à 98. A la page 94 il faut lire, de madame S…, au lieu de madame B…, qui est une faute d'impression); elle dit seulement: «Je vous laisse à votre ami;» elle ne veut pas flatter ni courroucer ce poëte vaniteux, et elle charge Corbinelli, qui écrit dans sa lettre, de mentir pour elle. La louange que Corbinelli donne à Bussy paraîtrait aujourd'hui une dérision, et cependant je crois qu'elle était sincère.—Les deux pièces de vers de Bussy, quoique annoncées comme des traductions d'Ovide, ne sont ni des traductions ni même des imitations; ce sont des paraphrases de deux héroïdes d'Ovide, où les pensées de cet ancien sont travesties en ce style facile, cavalier et presque burlesque si fort à la mode alors, et qui semblait caractériser ce qu'on appelait la poésie galante. Considérées sous ce point de vue, ces deux pièces de vers de Bussy, qui sont fort longues, ne paraissent pas aussi mauvaises qu'elles le sont en effet. On n'y trouve aucune trace de l'antiquité: images, tournures, comparaisons, tout est à la française; et sans doute l'auteur se félicitait de cela comme d'un grand mérite.

Pâris, dans sa lettre à Hélène, lui dit, dans Ovide:

 
Interea, credo, versis ad prospera fatis,
Regius agnoscor per rata signa puer.
Læta domus, nato post tempora longa recepto;
Addit et ad festos hunc quoque Troja diem.
Utque ego te cupio, sic me cupiere puellæ.
 

Voici comme Bussy traduit ces vers:

 
Cependant le Destin, peut-être
Las de me faire tant de mal,
Me fait à la fin reconnaître
Enfant royal.
Pour dire la métamorphose
De tristesse en plaisir que cause mon retour
A la ville comme à la cour,
Il faudrait plus d'un jour,
A ne faire autre chose.
J'avais tout le monde charmé;
Et comme à présent je vous aime,
En ce temps-là j'étais aimé
Des princesses, des nymphes même.
 

Voilà ce que Corbinelli appelle embellir Ovide!

Page 55, ligne 3: Madame de Montmorency, etc.

L'auteur de la notice sur madame de Montmorency insérée dans l'édition des Lettres citée en note, p. XXVI, présume que cette dame était la mère du maréchal de Luxembourg. Cela n'est pas. La mère du maréchal de Luxembourg était Élisabeth, fille de Jean de Vienne, président de la chambre des comptes. Elle avait épousé Bouteville, cet ami du baron de Chantal, père de madame de Sévigné, qui, ainsi que nous l'avons dit (t. I, p. 5), eut la tête tranchée pour cause de duel. Sa veuve, après soixante-neuf ans de viduité, mourut en 1696, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans. (Voyez SAINT-SIMON, Mémoires, t. I, p. 143 à 149.) Je crois qu'Isabelle de Palaiseau, qui correspondait avec Bussy et qui est un peu compromise par cette correspondance et par l'inscription de son portrait, était la femme de Montmorency-Laval.

Page 58, ligne 17: Madame de Scudéry..... on la confond avec la sœur de Scudéry.

Il est dit, dans le Carpenteriana, p. 383, que le continuateur de Moréri, en anglais, depuis 1688 jusqu'en 1705, a commis cette faute. M. Rœderer avait aussi fait cette confusion dans son Essai sur la société polie. Nous l'en avertîmes lorsqu'il nous lut, avant l'impression, cet écrit spirituel, mais peu exact. Il a effacé ce qu'il avait dit des prétendues lettres «de mademoiselle de Scudéry, la sœur de Scudéry, à Bussy-Rabutin.» Cependant il a encore laissé des traces de cette méprise, comme lorsqu'il dit, p. 169, chap. XIV, que le bon duc de Saint-Aignan se montrait très-assidu aux cercles de mademoiselle de Scudéry.—Charpentier dit: «Scudéry s'est marié avec une demoiselle de basse Normandie, nommée mademoiselle Martinvas, qui n'écrit pas moins bien que mademoiselle Scudéry.»

CHAPITRE V

Page 89, lignes 13 et 17: «Elle eut lieu dans le château et les jardins de Versailles, qui, quoique non encore achevés, surpassaient déjà en magnificence toutes les demeures royales.»

J'ai, dans les notes de la deuxième partie (p. 506), fait observer de quelle manière les auteurs les plus sérieux et les plus renommés, qui subissaient l'influence des idées et des mouvements révolutionnaires de 1789, écrivaient l'histoire.

Mirabeau évaluait à douze cents millions les dépenses de Louis XIV pour Versailles; Volney, à quatre milliards, (Leçons d'histoire prononcées en l'an III, 1799, in-8o, p. 141.)

Les vérifications des états originaux de toutes les dépenses de constructions, d'embellissement, d'entretien, depuis 1661 jusqu'en 1689, pendant près de vingt ans qu'elles ont duré, ont constaté que la totalité de ces dépenses a été, au cours du temps, de 116,257,330{lt} 2s 7d, correspondant à 280,643,326 fr. 32 c. (Voyez ECKARD, Dépenses effectives de Louis XIV en bâtiments; 1838, in-8o, p. 44.—Id., États au vrai de toutes les sommes employées par Louis XIV, p. 38.) Il faut ajouter à la somme ci-dessus 3,260,341{lt} 19s, pour les dépenses de la chapelle, depuis 1690 jusqu'en 1719. (Conférez encore ECKARD, Recherches historiques et biographiques sur Versailles, p. 142 à 152.)—Id., A. JULES TASCHEREAU, au sujet des dépenses de Louis XIV, 1836, in-8o.—GUILLAUMOT, Observations sur le tort que font à l'architecture les déclamations hasardées et exagérées contre la dépense qu'occasionne la construction des monuments publics; Paris, an IX (1801). Guillaumot n'estimait cette dépense, d'après les états, qu'à 83 millions, cours d'alors; 165 millions, cours actuel.—Volney exagérait de même la dépense des monuments construits de son temps; ainsi il avançait que le Panthéon avait coûté 30 millions, et il avait coûté au plus 12 millions.—(Voyez PEIGNOT, Dépenses de Louis XIV; 1827, in-8o, p. 167 et 173.)

Au reste, il paraît que, pour pouvoir apprécier au juste la dépense réelle de Versailles dans toute la durée du règne de Louis XIV en valeurs du jour, il faudrait consulter les archives de la Liste civile, où l'on peut puiser les matériaux nécessaires pour obtenir le chiffre total de toutes ces dépenses, et le combiner avec le prix moyen des journées de travail, celui des denrées, les salaires des artistes, etc. M. Eckard se plaint, dans un de ses écrits, qu'on lui ait refusé la faculté de compulser, dans les archives de l'administration de la Liste civile, les pièces relatives aux dépenses de Versailles sous Louis XIV. Je suis informé que des calculs ont été faits dans cette administration pour évaluer le montant de ces dépenses. Mon opinion est que, quels que soient les efforts que l'on fasse pour accroître le chiffre de ces dépenses, si l'on opère avec sincérité, il n'excédera pas, et probablement n'atteindra pas, 400 millions de notre monnaie actuelle, dans toute la durée du règne de Louis XIV.

CHAPITRE VI

Page 108, ligne 1 et 2: Je la mettrais volontiers dans mon Dictionnaire.

Bayle ajoute à cet endroit de sa lettre: «Elle sera sans doute dans le Moréri de Paris, et madame Deshoulières aussi;» et Prosper Marchand, éditeur des œuvres de Bayle, a mis en note (p. 653, note 16): «Elles ne sont ni l'une ni l'autre dans le Moréri de Hollande ni dans la dernière édition du Dictionnaire de Bayle, 1702.»

Les premiers renseignements sur madame de Sévigné furent donnés par M. de Bussy (qui n'est pas le comte de Bussy de Rabutin), dans la préface du recueil des Lettres de madame de Sévigné à sa fille, publié en 1726, sans nom de lieu, 2 vol. in-12; et dans l'édition de la Haye, chez P. Gosse et Jean Néaulme, 2 vol. in-12, donnée en 1726, simultanément avec l'autre, et dont l'éditeur, d'après une note de mon exemplaire, était un nommé Gendebien. Le chevalier Perrin donna enfin une notice plus détaillée dans l'édition de 1734, notice qui fut considérablement augmentée dans l'édition de 1754. C'est avec ces matériaux que Chauffepié, dans son Nouveau Dictionnaire historique et critique, pour servir de supplément ou de continuation, in-folio, 1756, à celui de Bayle, réalisa le vœu que Bayle avait formé, et composa un article SÉVIGNÉ, qu'il inséra dans son Dictionnaire, t. IV, p. 245-258. Cet article est à la manière de Bayle, c'est-à-dire que le texte est accompagné de très-longues notes qui l'éclaircissent, le développent ou le complètent; de sorte que ce texte n'est autre chose que des sommaires de chapitres qui se composent des notes qui leur correspondent. Cette manière est fatigante pour les lecteurs, surtout pour les lecteurs paresseux; mais il faut convenir qu'elle est très-favorable à l'instruction; et, s'il faut dire toute notre pensée, malgré les notices, les volumes même que l'on a composés sur madame de Sévigné depuis Chauffepié, son article SÉVIGNÉ, si peu vanté, si peu lu peut-être, était encore ce qu'on avait écrit de plus propre à la faire bien connaître; et cela parce que cet honnête compilateur a compris que, pour faire un bon article sur madame de Sévigné selon le plan de Bayle, il fallait joindre de longs et judicieux extraits de ses lettres aux faits que l'on pourrait puiser ailleurs que dans sa correspondance.

CHAPITRE VIII

Page 126, lignes 26 et 28: Lorsque madame de Sévigné recevait quittance de deux cent mille livres tournois, etc.

Le propos de mauvais ton et de mauvais goût qu'on prête à madame de Sévigné au sujet de cette somme payée à compte sur la dot de sa fille est un conte absurde, qui n'est appuyé sur aucun témoignage valable et qui, inséré longtemps après sa mort dans un mauvais recueil d'ana, a été répété par tous ceux qui, en écrivant sur la vie de personnages célèbres, se croient obligés de n'omettre aucune des sottises qui ont été débitées sur leur compte. M. de Saint-Surin, qui a rapporté cette anecdote dans sa notice (t. I, p. 86 de l'édit. des Lettres de SÉVIGNÉ, par Monmerqué), ne cite pas d'autre autorité que l'Histoire littéraire des dames françaises.

Page 133, ligne 1: Du duc de Retz, grand-oncle.

La procuration dressée à Machecoul, transcrite dans l'acte, par le duché de Rais et duc de Rais. Dans l'acte dressé à Paris, il est toujours écrit Retz.

Page 135, ligne 4: Marie d'Hautefort, veuve de François de Schomberg.

Dans sa note sur la lettre de madame de Sévigné, du 5 janvier 1674, un commentateur a dit (édit. de G. de S.-G., t. III, p. 294) que madame de Schomberg était la mère du maréchal, alors vivant: il y a deux erreurs dans ce peu de mots. Madame de Schomberg, dont parle madame de Sévigné, était la femme et non la mère du maréchal; et le maréchal avait alors cessé de vivre depuis plusieurs années.

Page 135, ligne 16: Olivier Lefèvre d'Ormesson, seigneur d'Amboille.

Ce nom d'Amboille ou Amboile a occasionné de fortes méprises de la part de nos rédacteurs de dictionnaires géographiques de la France, et sur nos cartes. Amboille est un hameau près de Paris, entre Chenevière et Noiseau, par delà le parc ou bois de Saint-Maur. Amboille, vers le milieu du XVIIIe siècle, en 1745, ne contenait que trente-huit feux, et formait cependant une paroisse distincte de celle de Noiseau, qui, sur le coteau opposé, n'en est séparée que par un ruisseau. Il est souvent fait mention d'Amboile sous le nom d'Amboella, dans les titres du XIIe siècle; mais l'héritier d'Olivier Lefèvre d'Ormesson ayant réuni à la terre d'Amboile celle de Noiseau et de la Queue, on laissa le nom d'Amboile au lieu où se trouvait le château d'Ormesson, et l'on attribua le nom d'Ormesson à Noiseau. (Voyez la carte des environs de Paris, de dom Coutance, no 11.) C'était une erreur: la carte de France dressée récemment par l'administration de la guerre (no 48, Paris) a fait disparaître le nom d'Amboile et inscrit en place Ormesson, et n'a rien ajouté au nom de Noiseau. Amboile se trouve encore sur la carte de Cassini (no 1, Paris), ainsi que Noiseau, tous deux sans le nom d'Ormesson; mais, dans le Dictionnaire universel de la France, de Prudhomme, il n'en est pas même fait mention. Sous le nom d'Ormesson, le compilateur a confondu l'Ormesson de la paroisse d'Amboile avec le lieu du même nom qui se trouve près de Nemours.—Valois a aussi omis Amboile, Amboella, dans sa notice du diocèse de Paris. Hurtaut, dans son Dictionnaire historique de la ville de Paris, t. I, p. 244, dit que c'est un village situé près de Villeneuve-Saint-George, et il en est éloigné de près de douze kilomètres. Ainsi le nom de ce lieu, important pour l'intelligence des écrits du XIIe et du XIIIe siècle, deviendrait, si on n'y mettait ordre, un desiderata en géographie. Cependant la famille d'Ormesson est encore, au moment où j'écris, propriétaire de la seigneurie d'Amboile, et y réside. Il y a une église à Amboile ou Ormesson, mais elle est moderne. Le château est curieux; il fut, dit-on, construit par Henri IV pour une demoiselle de Centeny ou Santeny, dont il était amoureux; son portrait y est encore comme en 1758, au temps de l'abbé le Boef, qui rapporte cette tradition, souvent reproduite depuis, sans qu'on ait encore découvert rien qui la justifie. (Conférez LE BOEF, Histoire du diocèse de Paris, t. XIV, p. 38 à 385.)

Page 136, ligne 4: Épouse du marquis de la Fayette; et en note, ligne 26: Delort, Voyage aux environs de Paris, t. I, p. 217 à 224.

La huitième des Lettres de madame de la Fayette, publiée par Delort, indiquée par cette citation, était depuis longtemps publiée lorsque M. Sainte-Beuve l'a redonnée, d'après le manuscrit, comme inédite, dans la Revue des Deux Mondes (t. VII, p. 325, 4e série, 5e livraison, 1er septembre 1836).

Page 136, ligne 15: Jean-Baptiste Adhémar de Monteil de Grignan, coadjuteur de son oncle l'archevêque d'Arles.

Je présume que c'est à celui-ci qu'est dédié un petit ouvrage de Pontier, prêtre et docteur en théologie, intitulé le Fare de la vérité; à Paris chez Michel Vavyon, 1660, in-12.—La dédicace commence ainsi: A monsieur de Grignan, abbé de Notre-Dame d'Aiguebelle; et à côté sont gravées, sur une feuille à part, les armes de la maison de Grignan, presque en tout semblables à celles que M. Monmerqué a fait graver dans son édition de Sévigné.

Pontès dit, dans cette dédicace:

«Monsieur,

«Vous tirez la naissance d'une maison dont l'ancienne grandeur est connue de toute la terre… Elle reluit encore aujourd'hui d'une manière extraordinaire en la personne de ses deux princes de l'Église, d'Arles et d'Uzez.»

Jean-Baptiste de Grignan, en 1660, étudiait probablement en théologie et recevait peut-être des leçons de Pontès.

Dans toutes les éditions des Lettres de madame de Sévigné (même celle de 1754, t. III, p. 35) on a imprimé, dans la lettre du 31 mai 1675: «L'abbé de Grignan reprendra le nom qu'il avait quitté depuis vingt-quatre heures, pour se cacher sous celui d'abbé d'Aiguebère.» Il faut lire l'abbé d'Aiguebelle. L'édition de 1754 est la première où cette lettre ait été donnée et où se trouve la faute: les éditeurs suivants s'y sont conformés.

Page 140, lignes 6 et 7: Avait perdu sa première femme, Angélique-Clarice d'Angennes, en janvier 1665.

Voilà pourquoi, dans une édition du troisième acte de la traduction du Berger fidèle de Guarini (Gabriel Quinet, 1665, in-12), l'auteur, dans la dédicace au comte de Grignan, le félicite de s'être allié «à une maison qui a toujours été l'asile des Muses, de l'honneur et de la vertu,» ce qui désigne les d'Angennes de Rambouillet, et non les Sévigné, comme l'a cru le savant auteur du catalogue de la bibliothèque dramatique de M. de Soleinne, p. 60. Voyez la seconde partie de ces Mémoires, p. 381, note du chapitre IV de la première partie.

Page 140, lignes 10 et 11: La seconde femme qu'il avait épousée était d'une noblesse encore plus ancienne, quoique moins illustre que les d'Angennes.

La famille du Puy du Fou prétendait descendre de Renaud, seigneur du Puy du Fou, qui épousa Adèle de Thouars, fille d'Émery, vicomte de Thouars, en 1197, sous Philippe-Auguste.—Voyez le tableau cité.

Page 140, ligne 26: A cette époque, le gouvernement militaire du Languedoc.

Le gouvernement civil et financier de cette province était, comme celui de toutes les autres provinces, confié à un ou deux intendants. De 1665 à 1669, il y en eut deux, M. de Besons et M. de Tubœuf; de 1669 à 1673, M. de Besons fut le seul intendant; de 1674 à 1687, ce fut M. d'Aguesseau; de 1687 à 1719, M. de Basville. Conférez l'Essai historique sur les états généraux de la province de Languedoc, par le baron Trouvé; 1818, in-4o, chap. XIX, XX et XXI, p. 161, 191, 200, 211.

Page 141, ligne 17: Que vous connaissez il y a longtemps.

Sur ces mots, M. Monmerqué, t. I, p. 154, de son édition des Lettres de Sévigné, a mis cette note: «Mademoiselle de Sévigné avait vingt et un ans, le comte de Grignan trente-neuf.» Je crois qu'il y a erreur dans ce dernier chiffre soit de la part de l'imprimeur, soit de celle de l'auteur.—Saint-Simon, dans ses Mémoires (chap. V, t. XII, p. 59), dit, sous l'année 1715: «Le comte de Grignan, seul lieutenant général en Provence et chevalier de l'Ordre, gendre de madame de Sévigné, qui en parle tant dans ses Lettres, mourut à quatre-vingt-trois ans, dans une hôtellerie, allant de Lambesc à Marseille.» Donc le comte de Grignan était né en 1632, et au commencement de l'année 1669 il ne pouvait avoir que trente-sept ans accomplis ou trente-six ans et quelques mois; ce qui fait soupçonner que, dans la note de M. Monmerqué, le 9 est un 6 retourné. Madame de Grignan avait, lors de son mariage, vingt-trois ans et non vingt-deux ans; il n'y avait donc que douze ans de différence entre elle et son mari.

CHAPITRE IX

Page 149, ligne 18: A Bouchet, le savant généalogiste.

Jean Bouchet, dont parle madame de Sévigné, a été un des plus savants généalogistes. Il fut chevalier de l'Ordre du roi, maître d'hôtel ordinaire, et mourut, en 1684, à l'âge de quatre-vingt cinq ans. On a de lui six à sept ouvrages in-folio, sur l'histoire et les généalogies, pleins de recherches et de pièces justificatives curieuses.

Page 159, ligne 18: Je ne sais pas ce que j'aurais fait d'un jobelin.

Cette épithète de jobelin, appliquée à un jeune homme novice auprès des femmes, était alors souvent employée à cause du fameux sonnet de Job; elle prouve que, dès l'époque où écrivait madame de Sévigné, cette patience auprès des femmes, ce respect qu'on leur portait, qui avait fait le succès du sonnet de Job, était tourné en ridicule, et que les uraniens avaient triomphé des jobelins. Ce qui dut y contribuer, c'est la paraphrase un peu longue, mais spirituelle, du poëte Sarrazin, contre le sonnet de Benserade. On sait que ce célèbre sonnet se terminait ainsi:

 
Il eut des peines incroyables;
Il s'en plaignit, il en parla:
J'en connais de plus misérables.
 

La paraphrase de Sarrazin finit ainsi:

 
Mais, à propos, hier, au Parnasse,
De sonnets Phébus se mêla;
Et l'on dit que, de bonne grâce
Il s'en plaignit, il en parla:
J'aime les vers uraniens,
Dit-il; mais je me donne au diable
Si, pour les vers des jobelins,
J'en connais de plus misérables.
 

(Conférez SALLENGRE, Mémoires de littérature, 1715, in-12, t. I, p. 127 à 134.)

Le mot jobelin n'a jamais été admis dans le Dictionnaire de l'Académie française; du moins il ne se trouve ni dans la première ni dans la dernière édition; il ne se trouve pas non plus dans le dictionnaire de Trévoux. Cependant Richelet l'avait inséré dans le sien, publié en 1680, et l'avait ainsi défini: «JOBELIN, s. m., manière de c***. C'est un jobelin.» Boiste, de nos jours, l'a aussi inséré dans son lexique, avec la signification que lui donne madame de Sévigné, un niais, un sot; il le donne comme synonyme d'homme patient comme Job, et il cite Rabelais. Alors l'emploi de ce mot serait, dans notre langue, plus ancien que le sonnet de Job; et cela est certain, car je trouve jobelin dans le Dictionnaire anglais de Randle Cotgrave (1632) avec la signification que lui donne madame de Sévigné: JOBELIN a sot, gull, doult, asse, cokes. Ainsi l'Académie a eu tort de ne pas admettre ce mot, qui n'a jamais cessé d'être en usage dans le langage familier.

CHAPITRE X

Page 166, lignes 1 et 2: De la Rivière, son second mari, dont elle ne porta jamais le nom.

Elle prit celui de comtesse d'Aletz, et c'est de ce nom qu'elle a signé la fastueuse épitaphe qu'elle composa pour son père et qu'elle fit graver sur sa tombe dans l'église de Notre-Dame d'Autun. Cette épitaphe fait tous les frais de la notice que d'Olivet a insérée, sur Bussy, dans l'Histoire de l'Académie française, t. II, p. 251, édition in-4o.