Le Lien Du Sang

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From the series: Les Liens Du Sang #5
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Seul un petit pourcentage de ces enfants étaient nés avec du sang de déchu dans les veines, et seulement un pour cent d'entre eux était de sexe féminin. Le reste de cette engeance était connu sous le nom de démons… des hybrides qui n'étaient pas de sang purement angélique. La plupart de ces hybrides étaient ce que les hommes nommaient des monstres. Alors que ces monstres transformaient leurs propres géniteurs, les déchus commencèrent à éradiquer leur monde de ces enfants hybrides... qu'ils soient ou non des monstres.

Une fois qu'ils en eurent terminé avec leur génocide, ils découvrirent qu'il restait alors une douzaine de mâles pour une femelle dans leur monde. Alors ces imbéciles revinrent à travers le vortex, en maintenant cette fois-ci leurs « créations » de notre côté, alors qu'ils s'unissaient à autant de femmes que possible... et aussi vite que possible.

Une fois les enfants nés et leurs mères mortes, les déchus ramenèrent le moindre déchu au sang pur dans leur monde, en abandonnant derrière eux leurs enfants hybrides. N'ayant pas besoin des enfants mâles qui étaient nés, ils les enlevèrent pour les entraîner à se battre contre leur propres frères au sang-mêlé.

Juste avant que ces garçons n'atteignent la puberté, les chefs des déchus les renvoyèrent en ce monde mortel et fermèrent le passage du vortex entre les deux dimensions… emprisonnant sur terre tous les enfants, à l'exception des anges déchus femelles pour lesquelles ils avaient sacrifié tant de vies.

L’histoire ne s'arrête pas là. Ces jeunes guerriers avaient été entraînés à la même mission que leurs pères... ouvrir des passages dans la dimension attenante… et pas celui menant à leur propre monde. Ce nouveau monde s'étendait si près du nôtre qu'il n'était distant que d'un souffle. On ne pouvait que présumer que c'était là la théorie de l'Enfer originel. Si proche que les humains aux sens aiguisés pouvaient le sentir, et parfois le voir.

Lorsque les guerriers partirent à la recherche des hybrides, ils découvrirent que plusieurs de leurs rivaux s'avéraient aussi forts qu'eux, les déchus pur sang. Le sang coula des deux côtés et il fut également inscrit dans les annales que certains déchus furent attirés dans l'autre dimension avec les hybrides.

Les esprits meurtriers qui avaient envoyé là-bas leurs enfants avaient compris que c'était une sentence de mort. Ils avaient compté sur le fait que leur progéniture s'entre-tuerait et nettoierait ainsi le carnage dont eux, les pères, étaient responsables.

Seule une poignée de ces garçons arpentait encore le monde des hommes, et la plupart d'entre eux étaient plus jeunes que la première génération de déchus, arrivés après la guerre, qui avaient péri, et les hybrides survivants s'étaient dispersés. D'après Ren, c'était à partir de là que les choses s'étaient compliquées. On ne pouvait pas dire des hybrides qu'ils étaient tous démoniaques… et non détectés, ils pouvaient parfaitement se mêler aux hommes et animaux… et se reproduire pendant un millénium.

Le grand secret gardé jalousement par Storm reposait sur le fait que la plupart des êtres surnaturels, métamorphes et animaux-garous, ou humains dotés de la moindre aptitude extraordinaire étaient susceptibles de descendre de l'un de ces hybrides… en incluant les pouvoirs de succube dont il se servait pour les chasser et les retourner contre eux. Cela rendait toujours Ren mal à l'aise quand il s'imaginait en hybride.

Pour sa propre défense, Ren était presque sûr que les démons qu'il avait tués par le passé n'étaient pas tentés par la rédemption… soit c'était ça, soit ils pratiquaient ce qu'il nommerait de l'auto-défense, parce qu'ils avaient manifestement tenté de le tuer.

Pour ne rien arranger, Storm s'était senti tenu de lui expliquer que certains hybrides originels n'étaient pas malveillants, même s'ils dégageaient la même aura qu'un démon de classe supérieure. Et comme si tout cela ne suffisait pas à lui donner la migraine, il ne fallait pas oublier le fait qu'un vampire n'était pas du tout un hybride… mais quelque chose de complètement différent qui avait envahi la terre.

Ren se massa la tempe gauche en continuant de fixer la carte quadrillée. Toutes les parties de la ville où il avait senti un afflux de puissance étaient marquées par des lumières noires et considérant le fait que Misery ne restait jamais au même endroit... cela impliquait une grande partie de la ville. Mais en prenant en compte le fait qu'elle avait un faible pour les vampires sans âme, il pouvait seulement lui permettre de s'approprier les parties de la ville qui environnaient le nid de vampires.

Ce qui laissait dans le flou nombre de pouvoirs inconnus et quelque part se cachait également l'origine de la satanée prophétie de Storm. En parlant de Storm, il ne l'avait pas vu depuis qu'il avait fait ses foutues prédictions sur l'île, et jusqu'ici personne ne s'était encore montré en se présentant comme un membre de l'EEP.

Ren sourit avec ironie, car il savait exactement comment attirer l'attention de Storm. Il était devenu tellement en phase avec le système informatique de pointe que très vite il n'avait plus rien eu d'autre à faire que de rester dans la même pièce que l'appareil. Il regarda l'écran de l'ordinateur s'allumer pendant qu'il se connectait au système principal de l'EEP puis envoya la carte quadrillée derrière les épais pare-feux auxquels seuls lui et Storm pouvaient accéder.

D'ordinaire, cela ne prenait que quelques minutes avant que Storm ne réponde ou n'apparaisse dans le décor, alors lorsque les minutes s'égrenèrent sans qu'il reçoive une réponse, Ren devint inquiet. Puis l'écran s'illumina.

Storm apparut sur l'écran pour que Ren puisse le voir, puis abaissa un morceau de tissu rouge de son nez avant de se renfoncer dans son fauteuil, puis de sourire à Ren via la webcam.

Le visage de Ren s'assombrit face à ce spectacle, et il vit que Storm était chez eux, sur l'île.

« Je suis surpris que tu ne sois pas venu en personne... mais on dirait bien que tu es encore en train de briser les règles, le réprimanda Ren en haussant un sourcil.

— La fluctuation du temps dans ton espace-temps m'empêche de voyager et me file un putain de mal de crâne, expliqua Storm en serrant les kleenex sanglants dans son poing.

— Alors arrête d'essayer, répliqua Ren avec un regard noir.

Storm acquiesça.

— Nous allons devoir rester en contact de cette manière jusqu'à ce que les choses s'arrangent de ton côté. Pour le moment, tu vas recevoir la visite de sections de l'EEP et il est temps que tu commences à apprendre comment travailler avec eux pour le bien de tous. Puisque tu possèdes une mémoire photographique et que tu as lu leurs dossiers, je suis certain que tu en sauras bien plus sur eux qu'eux sur eux-mêmes.

— Alors ça y est, tu vas me coller au beau milieu d'une foule de gens dotés de pouvoirs ? Est-ce bien avisé ? Et si je ne peux pas le contrôler ? demanda Ren, qui ne se réjouissait guère à l'idée de travailler avec tout autre que Storm.

Storm esquissa un grand sourire et haussa les épaules.

— C'est en forgeant qu'on devient forgeron, Ren, et tu es sur le point de suivre un cours intensif en matière d'interactions humaines. Zachary et Angelica emménagent avec toi pour avoir accès à la banque de données et à tout l'équipement que j'ai stocké dans le château. Ils vont aussi prendre en charge le gros des équipes de l'EEP en route. Quant à toi, ton boulot est d'essayer de découvrir ce qui fait ainsi fluctuer le temps et m'empêche de vous rejoindre.

Il s'arrêta un moment avant de se pencher vers l'écran.

— Ouvre ta porte. »

Le lien vidéo se déconnecta brusquement, laissant Ren fixer l'écran d'un air incrédule. Un grand coup cogné à la porte lui fit lever les yeux dans cette direction puis il les reposa sur l'écran vide.

« Je déteste quand il fait ça », rouspéta Ren, avant de se lever de son fauteuil et de s'emparer de ses lunettes de soleil pour cacher ses yeux.

Passant les doubles portes ouvertes qui donnaient sur le vestibule, Ren ouvrit la porte d'entrée et dévisagea ses visiteurs… et bientôt ses colocataires.

Zachary fut tout sourire à la vue du jeune homme de l'autre côté de la porte.

« C'est sympa de rencontrer enfin le vrai « atout majeur » dont Storm me parle depuis que je le connais.

Ren serra les dents mais accepta la main que lui tendait Zachary, puis il fit un signe de tête à Angelica avant de s'effacer pour les laisser entrer. Il connaissait chaque visage des membres de l'EEP, et les pouvoirs de chacun. Il n'avait pas manqué non plus de mémoriser les profils de tous les membres de l'EEP, peu de temps après que Storm l'ait contacté.

Storm avait rajouté des notes dans la version bloquée de ces profils et Ren les avait mentalement téléchargés aussi. Storm avait raison… il en savait probablement plus sur eux qu'ils n'en savaient sur eux-même.

Zachary était une sorte d'enfant sauvage, doté de ce que Storm avait décrit comme une double personnalité… une minute, Zachary plaisantait, et la suivante, il était devenu aussi mortel qu'un cobra enragé. Il avait vu les informations au sujet de l'incendie qui avait ravagé la demeure d'un parrain de la mafia, il y avait un moment de cela. L'EEP avait fait un rapport complet sur la situation, et surtout sur Zachary. Le lendemain matin, Zachary avait archivé le rapport dans le système de l'EEP et confirmé les soupçons de Ren.

 

Le pouvoir d'Angelica était un peu plus compliqué : elle était capable de tuer des démons à l'aide d'une magie qu'elle possédait depuis sa naissance. Storm avait une fois parlé d'elle comme de la clef, mais n'avait jamais expliqué ce qu'elle ouvrait précisément.

Son dossier était plus épais que tous les autres… c'était comme si Storm avait archivé ses moindres faits et gestes depuis sa naissance. Ren ne parvenait pas à comprendre pourquoi.... et il ne s'en préoccupait pas vraiment pour l'instant. Sans dire un mot, il ferma la porte et entra dans la pièce qui lui servait de bureau. D'une certaine manière, il avait compris qu'ils le suivraient.

— Alors, dit Zachary, presque au terme d'une minute de silence embarrassé. Tu vis seul ici ?

— Non, répondit Ren. J'ai de nouveaux colocataires.

Angelica esquissa un petit sourire moqueur devant l'expression sidérée qui apparut sur le visage de Zachary.

— Je crois qu'il essaie de briser la glace.

— Il se débrouille mal, rétorqua Ren, qui se sentait déjà envahi.

— Je sais, chercha à l'apaiser Angelica, reconnaissant un solitaire quand elle en voyait un.

Zachary adressa un regard mi-amusé mi-contrarié à Angelica.

— Eh, tu es censée être de mon côté.

— Pourquoi ? demanda Angelica en riant. Crois-le ou non, certains d'entre nous peuvent tenir des jours entiers sans ouvrir la bouche. Toi... j'ai de la chance d'avoir deux secondes de silence de suite sans t'entendre bavarder.

— Je peux me taire ! s'exclama Zachary. Regarde-moi !

Zachary se laissa tomber sur le sofa et croisa les bras, lèvres serrées. Angelica leva les yeux au ciel avant de se lever pour observer de plus près le système informatique que Storm avait installé.

Ren l'observa avec attention, prêt à répondre à la moindre de ses questions, puis posa de nouveau les yeux sur Zachary. Pour une raison qui lui échappait, l'autre homme semblait développer une fascination toute particulière pour les boutons de sa chemise. Ren entama mentalement un décompte à partir de cinq, avant que l’inévitable explosion n'éclate enfin.

— ARGH ! fit Zachary. Je ne supporte pas ça.

Ren éclata de rire, et Angelica et Zachary tournèrent vers lui un regard surpris. Ce rire ne dura pas longtemps, et Ren se passa une main dans les cheveux avant de s'adresser aux deux autres.

— Allez explorer le château, il y a de nombreuses chambres, dit-il, une fois toute trace d'humour envolée de son visage.

Angelica acquiesça.

— Je vais chercher ma valise. »

Une fois partie, Ren regarda Zachary et se retrouva tout à coup face à face avec l'autre personnalité du pyromane.

« Je suis curieux… quels pouvoirs possèdes-tu ?

— Les tiens, répondit Ren avec un petit sourire arrogant, et ceux d'Angelica… et ceux de quiconque pénètre dans mon radar de succube.

Zachary leva une main paume vers le ciel et l'ouvrit, apparemment satisfait de constater que ses pouvoirs étaient toujours là.

— Je n'ai pas dit que j'avais pris tes pouvoirs, souligna Ren avec un haussement d'épaules, refusant de recourir à des tours de passe-passe pour prouver ses dires. Il soutint le regard de Zach et aperçut l'homme instable caché derrière le masque. En t'approchant de moi, tu me transmets le même pouvoir que toi, précisa-t-il.

— Je protège Angelica pendant son séjour ici, annonça Zach, tout à coup hors de propos.

— Je ne suis pas baby-sitter et tu peux protéger tous ceux qui se pointent ici, souligna Ren, qui voulait mettre les points sur les « i ». Ce n'est pas mon boulot.

Zach hocha la tête comme s'il venait de gagner une guerre stratégique.

— Je sais que Storm réunit une armée.

Ren acquiesça.

— Ouais.

— Il va en avoir besoin, ajouta Zach en essuyant ses mains sur son pantalon avant de se relever. Qui d'autre a-t-il appelé pour cette mission ?

— Presque tout le monde, d'après ce que j'en sais, répondit Ren. Mais il y en reste certains qu'il n'a pu localiser.

— Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour y remédier ? s'enquit Zach.

Ren désigna l'ordinateur du menton.

— Trouve ceux que Storm ne parvient pas à contacter. Il a listé tous ceux qui manquent à l'appel.

Zach afficha un large sourire et s'approcha de l'appareil.

— Voyons voir qui est le sacro-saint absent. »

Ren l'observa, totalement fasciné par ce revirement complet d'attitude. Il ne savait pas quel facette il préférait... mais il connaissait celle en laquelle il se fiait le plus.

Chapitre 4

Angelica était étendue sur le lit avec deux ou trois oreillers amassés contre la tête de lit derrière elle, et tentait de ne pas s'abandonner au sommeil… son nouveau passe-temps favori. Dès qu'elle était revenue avec sa valise, elle avait compris que Zachary avait manifesté son petit changement de personnalité devant Ren pendant que l'autre homme était assis sur le sofa à le regarder. Zachary lui avait dit d'aller trouver une chambre et de prendre un peu de repos, ce qu'elle avait heureusement affecté de faire.

Elle avait longé les longs couloirs pendant quelques instants avant de choisir une porte au hasard et de l'ouvrir. En découvrant l'intérieur de la chambre, elle avait souri et posé sa valise sur le lit. La chambre était décorée dans des nuances de violet, avec des touches de doré et de lavande.

Le lit était grand, probablement de format royal, avec un beau baldaquin orné d'oreillers et d'un édredon dorés et violets. Les draps et taies étaient couleur lavande, et elle faillit glousser d'excitation à la vue des petits glands dorés pendant à chaque coin.

Une large armoire se dressait à l'opposé de la pièce. Quand elle l'ouvrit, elle s'attendit presque à y trouver des robes de bal anciennes. À sa grande déception, elle était vide. Sur le mur face au lit trônait une antique coiffeuse dotée d'un grand miroir.

Près du lit se trouvait un écritoire avec papier et stylos agrémenté d'un mot lui indiquant que le port de données pour son ordinateur portable était sur le mur en-dessous. Angelica faillit éclater de rire en le lisant et se pencha en avant pour regarder. Effectivement, elle repéra le point d'accès et sortit immédiatement son ordinateur qu'elle installa.

De sa position paresseuse sur le lit et à travers les portes-fenêtres du balcon, elle avait une vue parfaite sur le clair de lune qui brillait sur l'océan. Elle sourit parce qu'il s'agissait en l’occurrence d'un vrai balcon.

La plupart des personnes qui la connaissaient auraient pensé qu'elle n'était pas sensible aux trucs de fille… mais toutes les petites filles rêvaient d'être princesse dans un château et elle n'était guère différente. Elle avait même eu la manie de s'imaginer en Cendrillon ou en Belle au Bois Dormant, attendant que son prince vienne la chercher pour l'enlever.

Il était bien dommage qu'elle ne croit plus à la théorie du chevalier en armure étincelante qui venait au secours de sa belle aux prises avec les grands méchants démons cernant le château.

Avec un soupir, Angelica reposa les yeux sur son esquisse et croqua quelques traits de plus avant de reposer le crayon sur la table de nuit voisine. La laissant reposer sur son genou, elle étudia la paume de sa main, là où le symbole s'était imprimé. Ce n'était pas une brûlure ni un tatouage d'aucun genre… c'était juste apparu là.

En ramassant le papier, elle jet un coup d’œil au portrait qu'elle avait fait de Syn et ajouta le symbole dans le coin inférieur gauche de la page. Elle cligna des yeux quand l'image devint floue et posa le dessin sur son genou, fermant les yeux juste un moment pour qu'ils cessent de la brûler.

Syn apparut à côté du lit d'Angelica dès qu'elle s'endormit. Il s'était promené en silence à travers le château et la ville en touchant les esprits de quiconque avait interagi avec elle. Il avait besoin d'en apprendre sur sa vie pour savoir exactement ce qu'il aurait à affronter. Jusqu'ici, ce qu'il avait appris de plus intéressant provenait de l'esprit de Zachary.

Le blond était aussi tranchant qu'un couteau mais cachait cet aspect de lui sous bon nombre de couches. Il possédait aussi un don à part entière, comme un hybride. Zachary avait été assigné comme son protecteur et il avait pris cette mission au sérieux. Syn comprit que Zachary devait rapidement se défaire de son béguin pour Angelica… elle n'était pas destinée à un hybride.

Zachary avait lu son dossier, archivé par l'EEP, de sa naissance jusqu'à ce jour. Les détails étaient très précis et en puisant cette information dans l'esprit de Zachary, Syn avait appris qu'il y avait plusieurs personnes dans son passé, son enfance plus précisément, qui rencontreraient plus tard un destin très désagréable.

Syn promit en silence qu'il les effacerait de l'existence sans qu'elle le sache. Elle ne connaîtrait plus jamais la souffrance causée par le rejet, ni aucune forme de violation.

Syn avait contemplé à travers l’œil de Zachary les souvenirs d'Angelica combattant les monstres de ce monde, et il sut que c'était une chance qu'elle soit encore vivante. Il était sûr qu'elle le savait aussi, bien que dans son intéressante vision du monde elle ne l'ait jamais reconnu. Son regard glissa sur ses lèvres, connaissant la véritable raison qui l'avait poussé à la chercher ce soir.

Se penchant sur elle, Syn posa doucement ses mains sur l'oreiller, de chaque côté de la tête d'Angelica, et laissa ses lèvres planer dangereusement au-dessus des siennes. Quand elle respira profondément dans son sommeil, il entrouvrit les lèvres et souffla doucement. Il observa les volutes argentées s'échapper de ses lèvres pour franchir celles de la jeune femme. C'était sa promesse... le don d'un dieu du soleil, un souffle de vie à son âme sœur, pour sa protection. À partir de maintenant, toute blessure qu'elle recevrait guérirait aussi vite qu'elle lui serait infligée… et elle ne vieillirait plus.

Il se releva et abaissa un regard empli de tendresse sur elle. Ses cheveux brun foncé étaient éparpillés sur les oreillers, luisant dans la douce lumière de la pièce. Le riche brocard des oreillers lui rappela comment elle était la dernière fois, alors qu'il la regardait dormir dans leur lit, et dans leur monde.

La paume de sa main droite était tournée vers le ciel, révélant ainsi la marque qu'il y avait laissé. Elle commençait à agir, réveillant ses pouvoirs, et bientôt son désir pour lui suivrait.

Il tenta encore une fois de lire dans ses pensées mais sa capacité à le bloquer était tout aussi forte dans cette vie que par le passé. Il se retrouva fou de jalousie en sachant que Zachary pouvait lire dans son esprit et que lui en était incapable. Il s’interrogea là-dessus, mais en conclut que cela avait à voir avec la confiance. Elle faisait assez confiance à Zachary pour baisser sa garde quand il était là… il avait bien l'intention de gagner lui aussi toute cette confiance.

Si elle lui avait jamais appris quelque chose, c'était bien de se montrer très patient, ce qui lui fit alors réaliser qu'il avait un peu mûri. En ce moment, les champs de son esprit étaient escarpés, mais il attendait avec impatience de les franchir et la convaincre de le laisser y revenir. Maintenant qu'elle était protégée par son pouvoir, il aurait tout le temps nécessaire.

Syn s'assit sur un bord du lit et ramassa le carnet de croquis pour voir ce sur quoi elle travaillait. Un calme intense souffla sur lui quand il vit son portrait détaillé sur le papier… elle le cherchait déjà et n'en avait même pas conscience.

Angelica sentit un mouvement à côté d'elle et ouvrit les yeux en pensant voir Zachary. Il était le seul à avoir le cran de pénétrer dans sa chambre pendant qu'elle dormait.

Elle cligna des yeux stupéfaits en découvrant l'homme aux cheveux sombres qu'elle venait de dessiner assis sur le bord du lit avec en main le dessin qu'elle analysait. Angelica agit instinctivement, fondant sur lui la paume tendue dans sa direction pour l'exorciser, comme elle le ferait avec n'importe quel démon.

« Bonjour femme, lança Syn, qui la saisit par le poignet sans lever les yeux du dessin. Son examen achevé, il plongea finalement ses yeux d'un sombre améthyste dans ceux de la jeune femme.

 

Angelica maintint son coude immobile, en tendant les muscles de son bras. Elle haussa un élégant sourcil, décidant d'ignorer la remarque incongrue sur son prétendu statut d'épouse… les démons étaient des êtres déments.

Syn l'attira brusquement vers lui jusqu'à ce qu'ils ne soient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, si proches, mais sans pour autant se toucher. Sans baisser une seule fois les yeux, il leva la paume d'Angelica jusqu'à ses lèvres et embrassa le symbole, qui se mit soudain à briller.

Angelica retint son souffle quelques secondes… elle eut l'impression qu'il la plongeait au cœur d'un brasier avec ses mouvements simples et sensuels.

— Tu es un démon très stupide, dit-elle en essayant de repousser la sensation de ses lèvres se pressant sur la paume de sa main.

— Je ne suis pas un démon, la contredit Syn. Et ta magie ne fonctionnera jamais sur moi.

Il lâcha son poignet quand elle détendit les muscles de son bras entre ses doigts.

Angelica retira lentement sa main.

— Ce n'est pas parce que tu le dis que ce n'est pas vrai. Elle passa les doigts de son autre main autour de son poignet pour tenter d'effacer la sensation persistante de sa peau chaude sur la sienne. Qui es-tu ?

— Tu peux m'appeler Syn.

Angelica sentit des frissons remonter le long de son dos en réalisant ce qu'impliquait ce nom. Elle réfléchissait déjà sans peine à toutes les raisons pour lesquelles ce nom lui seyait.

— D'accord, Syn, pourquoi es-tu là ?

— Dans ton rêve... ou dans ton lit ? demanda Syn, un pâle sourire planant sur ses lèvres parfaites.

Ouais, elle avait raison. Il était le péché incarné. Se souvenant que ses autres rêves avaient été des cauchemars, Angelica parcourut lentement la pièce du regard avant de le reposer sur lui.

— Je ne suis pas en train de rêver… Je t'ai senti me toucher… Je… J'ai senti tes lèvres sur ma main.

— Ce n'est pas parce que tu es en train de rêver que ce n'est pas réel, répondit Syn en se moquant de façon charmante des propos qu'elle avait tenus un peu plus tôt.

Angelica plissa les yeux méfiants quand il déchira le dessin qu'elle venait de sortir de son carnet de croquis. Il le roula avec précaution au lieu de le plier, puis le rangea dans une grande poche de la doublure interne de son manteau. Elle ne put s'empêcher de regarder ses mains qui s'activaient. Elles semblaient si douces et intactes… semblables aux mains des nobles décrites par les livres d'Histoire. Finalement, elle examina de nouveau son visage puis fronça les sourcils quand elle y surprit un léger sourire.

— Pourquoi es-tu là, en réalité ? interrogea-t-elle.

— Pour tenir à distance les cauchemars pendant ton sommeil, répondit Syn en s'appuyant contre la colonne du lit derrière lui. Repose-toi cette nuit, Angelica, aucun cauchemar ou démon ne hantera ton sommeil. »

Angelica se redressa brusquement dans son lit, le soleil inondant la chambre à travers la fenêtre du balcon… c'était le matin. En baissant les yeux au pied du lit, elle se pencha en avant et sentit l'endroit où Syn s'était assis. Il n'y avait aucune trace de sa présence ici, alors Angelica respira un bon coup. Ce n'était qu'un rêve après tout.

S'asseyant sur le côté du lit, elle se leva et entendit un objet tomber au sol. Elle ramassa son carnet de croquis pour le refermer, mais se figea soudain en se rappelant du rêve.

Ouvrant de nouveau le livre, elle feuilleta les pages avant d'interrompre son geste quand elle réalisa que le dessin qu'elle avait fait la nuit dernière avait disparu. En lieu et place, un beau croquis au crayon d'elle-même, endormie dans son lit. Le dessin avait été exécuté avec un tel sens du détail, comme celui qu'elle avait fait de lui. Sur l'image, sa main reposait près de son visage et elle remarqua le symbole qui l'ornait. En guise de légende, sous le dessin, une main élégante y avait écrit « Syn ».

*****

Tabatha gara sa voiture dans la partie VIP du parking du Moon Dance et sortit du véhicule. Réajustant la petite robe qu'elle avait choisi de porter, elle rangea les clefs dans son sac à main et se dirigea vers l'entrée. Elle était fatiguée de se terrer dans cet appartement vide à attendre Kriss. Sentir l'excitation de la foule aidait déjà à lui changer les idées.

Nick sourit en la voyant approcher et il défit le cordon pour la laisser passer devant tous ceux et celles qui attendaient d'entrer. Il ne faisait pas cela parce que la compagne de son frère était sa meilleure amie… il le faisait parce que, sans Tabatha… ils n'auraient pas retrouvé Micah à temps pour le sauver.

Il posa un regard perplexe sur son épaule nue. La dernière fois qu'il l'avait vue… cette épaule arborait une bien vilaine blessure, alors que ce soir-là, il n'en restait même plus trace. On aurait pu croire qu'une sorte de fée guérisseuse parcourait cette ville, parce que les blessures de Micah avaient disparu tout aussi mystérieusement.

« Comment ça va, ce soir ? demanda-t-il avec curiosité, en surprenant la pointe de tristesse dans ses yeux.

Tabatha lui fit un petit sourire.

— Ça va.

— Quelqu'un t'a-t-il déjà dit à quel point tu es à croquer ? la taquina-t-il, les yeux brillants. C'était la solution la plus directe pour remonter le moral d'une fille... il devrait le savoir, il était entouré de filles toutes les nuits.

Tabatha secoua la tête en souriant.

— Tu es incorrigible.

— Oui, approuva Nick. Est-ce que ça signifie que je vais te ramener chez moi cette nuit ?

— Pas la moindre chance ! rétorqua Tabatha avec un sourire ironique avant d'ajouter : De plus, avec toi qui habite juste au-dessus du dancefloor, ce serait beaucoup trop facile.

Nick posa une main sur son cœur et fit mine de reculer d'un pas chancelant.

— Tabby, mon chaton… tu me blesses. Mes intentions étaient parfaitement innocentes.

— J'en suis sûre, répondit Tabatha en riant avant de lui faire un clin d'œil. Mais je te demanderais peut-être une danse plus tard.

Nick se pencha plus près en lui tenant la porte ouverte.

— Alors je te prends au mot.

Tabatha entra à l'intérieur et prit une grande inspiration, en savourant l'atmosphère familière. Deux jours s'étaient écoulés depuis sa rencontre avec Kane et elle n'avait toujours pas reçu la moindre nouvelle de Kriss. Son inquiétude s'était envolée maintenant, pour faire place à une légère déprime dont elle savait que seul Kriss pouvait la délivrer.

La musique vibra à travers tout son corps et elle se dirigea vers la rambarde pour mieux voir le dancefloor. Il était tard cette nuit-là, presque minuit, et le night-club battait son plein. Des corps en sueur se frottaient les uns contre les autres sur des beats techno qui se déversaient des haut-parleurs, et le bar était presque plein à craquer. Tabatha regarda autour d'elle, essayant de savoir quoi faire en premier lieu. Elle en avait assez d'être seule et en déduisit que c'était exactement ce qu'il lui fallait pour la sortir de son humeur maussade.

S'approchant du bar, Tabatha lâcha son sac d'un coup sec sur la surface.

« Qu'est-ce qu'une dame doit faire pour avoir un verre, ici ? demanda-t-elle.

— D'accord, tu m'as eue ! s'écria Envy en posant un verre devant elle. Ce sera tout, M'dame ?

— Non, dit Tabby, j'ai toujours envie de te mordre.

— Fais attention, répliqua Envy. Je mords aussi.

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